Le parti pro-kurde de Turquie, le HDP a été frappé, vendredi 25 septembre, par une vague d’arrestations qui a concerné 82 de ces cadres, dont le maire de Kars, le dernier maire d’une grande ville élu du HDP qui n’avait pas encore été démis de ses fonctions par l’État. Officiellement, il est reproché aux élus et responsables arrêtés d’avoir appelé six ans auparavant, en 2014, leurs partisans à descendre dans les rues en solidarité avec la ville de Kobané, à proximité de la frontière turque et où les Kurdes syriens faisaient difficilement face aux assauts de l’État islamique. Des affrontements avec les forces de l’ordre et des membres d’organisations islamistes avaient causé 37 morts.
“Il s’agit d’une opération de vengeance contre notre parti. La coalition AKP-MHP [les deux partis au pouvoir] est en train de perdre son pouvoir, et tente de liquider l’opposition”, a dénoncé le parti, rapporte le quotidien de gauche Birgün. Ces arrestations sont un coup dur pour le parti prokurde, déjà très affaibli par les arrestations régulières ces dernières années de ses militants et de ses figures charismatiques. Certaines voix dénoncent le silence d’une partie de l’opposition, comme le patron de l’institut de sondage Avrasya Arastirma, cité par le quotidien Cumhuriyet :
“Ce n’est qu’un début, ils arrêteront aussi Kemal Kiliçdaroglu (patron du CHP, le principal parti d’opposition) et Meral Aksener (leader du parti d’opposition de la droite nationaliste Iyi Parti). Si aujourd’hui, vous n’élevez pas la voix contre ces arrestations illégales, alors vous finirez tous derrière des barreaux.”
Un éditorialiste du journal islamiste Yeni Akit appelle, lui, à élargir le spectre des arrestations à certains élus du parti social-démocrate et nationaliste CHP : “les députés du CHP qui se sont rendus à Kobané, qui y ont versé une larme sur la mort de terroristes s’imaginent-ils qu’ils ne seront pas inquiétés à leur tour par ces investigations ? S’ils le croient, ils se trompent.”
L’opposition s’inquiète des visées du pouvoir qui, alors qu’il se trouve en difficulté, pourrait tenter d’affaiblir le HDP, ou même de l’interdire, afin de faire voler en éclat la coalition d’opposition qui lui a valu de perdre les grandes villes du pays lors des dernières élections municipales.
“Le pouvoir est à bout de souffle. La Turquie vit une grave crise économique. La politique extérieure en Syrie, en Libye, en Méditerranée orientale est un échec. Erdogan se maintient au pouvoir depuis cinq ans par une stratégie de la tension et de la polarisation, il fait désormais ses calculs, peut-être veut-il convoquer des élections anticipées. C’est à l’opposition de se montrer courageuse face à cette stratégie de la peur”, estime le député HDP Garo Paylan dans les colonnes du quotidien Evrensel.
Courrier International
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