• MAP, c’est quoi ? Comment définissez-vous votre musique ?
Dias - On est plein de choses en même temps. MAP, c’est un mélange d’inspirations, de couleurs, de sensibilités. Notre projet musical mêle la culture qu’on pourrait appeler « occidentalo-nordique » et la culture nord-africaine, avec également le hip-hop. HK et moi faisons du rap ensemble depuis l’adolescence. On s’est lancé dans MAP il y a trois ans et demi, en voulant faire quelque chose qui nous ressemble entièrement.
• Qu’est-ce que représente pour vous la culture hip-hop ?
HK - Dias et moi venons du hip-hop et, avec MAP, on avait l’idée d’essayer autre chose, tout en gardant cette identité-là et ce public-là. Il ne s’agit pas de fuir ou de renier mais, au contraire, de revendiquer et d’assumer ça. Quand on parle de vivre ensemble, d’échange, de fusion, ça ne se fait qu’avec des gens différents. La culture hip-hop, on la porte en nous, tout en allant vers des rencontres musicales.
• Dans votre album, vous parlez de votre ville, Lille, et aussi de ce qui s’y passe sur le plan politique...
Dias - Pour nous, l’écriture est une façon de chroniquer, de raconter ce qu’on voit et ce qu’on vit. S’impliquer dans sa région, dans sa ville, ça a toujours été important, que ce soit sur un plan musical ou sur un plan associatif. On nous interpelle sur une chanson [Lillo, NDLR] parce que ça fait partie de notre identité, et que nous avons besoin de réfléchir là-dessus. Ce débat sur Sarkozy et son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale montre bien qu’il faudrait un vrai projet de société, qu’il faut réfléchir à ce que c’est que « l’identité nationale ». Bien sûr que ce sont des choses qui nous interpellent, qui nous inspirent dans nos chansons, parce que c’est central dans la vie au quotidien. Ce qui est en jeu, c’est le vivre ou le non-vivre ensemble. Ça concerne tout le monde.
HK - On a deux, trois morceaux qui font parfois débat. Quand le groupe est sur scène, bien sûr, c’est un spectacle, on voyage entre différentes ambiances, et la musique est aussi faite pour danser, mais il arrive qu’on ait des débats après les concerts. Dans le fond, c’est rassurant pour nous. C’est le paradoxe du musicien : tu aimes que les gens apprécient ta musique, mais tu aimes aussi apporter autre chose, chatouiller un peu, être le « poil à gratter ». Ça donne des moments d’échange intéressants.
• On vous colle souvent l’étiquette du groupe « engagé ». Vous la revendiquez ?
HK - On a souvent dit que Michel Sardou était un chanteur engagé, donc ça dépend de ce qu’on y met... Alternatifs, « alters » dans l’âme, avec une vraie envie de changement pour la société, ça oui.
Dias - On a décidé de faire de la musique tout jeunes, pour raconter ce qu’on vivait, exprimer nos soucis au quotidien mais aussi nos envies, notre vision d’une société idéale. J’ai commencé dans ma rue, dans mon quartier. À un moment, on s’est sentis légitimes pour donner notre avis, mettre notre grain de sel là où on ne l’attendait pas, d’abord en qualité de citoyens. La citoyenneté est souvent réduite au bulletin de vote mais, pour nous, elle est aussi sur le terrain, au quotidien.
HK - Depuis très longtemps, on s’investit à 300 % dans notre musique, c’est notre façon de militer. Quand on a l’occasion d’apporter notre pierre à l’édifice en allant sur des scènes militantes, on le fait avec plaisir.
• Vous êtes attentifs à ce qui se passe à la gauche de la gauche. Qu’est-ce que vous inspire la situation actuelle ?
HK - On est déçus, on ne peut pas le cacher. C’est aussi pour ça que le groupe en tant que tel ne soutient pas une personnalité plutôt qu’une autre, malgré toutes les amitiés qui peuvent exister avec tel mouvement ou telle personnalité. Pour nous, il y avait une chance historique, et elle a été ratée.
Dias - On vit dans une société en mutation, la politique aussi doit évoluer. Aujourd’hui, il existe encore des logiques de partis, les lignes ont du mal à bouger. Imaginer une nouvelle manière de faire de la politique, avec la réalité française dans toute sa diversité - humaine, culturelle, religieuse -, c’était faisable avec cette union antilibérale à la gauche de la gauche. Ça ne s’est pas fait. Mais, pour nous, le rêve d’une nouvelle manière de faire de la politique continue.
• Que signifie votre présence au Cabaret sauvage avec Olivier Besancenot ?
HK - On est venus d’abord pour les causes qui sont évoquées aujourd’hui. MAP est un groupe alternatif, nous soutenons les grandes figures, les grands mouvements qui sont à la gauche de la gauche, parce qu’on se retrouve sur beaucoup de causes communes. Mais chacun a sa sensibilité. MAP ne soutient pas particulièrement une personnalité. Nous sommes des citoyens, on a des idées, des convictions, et le fait de pouvoir se retrouver avec certains mouvements, certains partis, certaines personnalités politiques, c’est un rapport qu’on aime. Avec Olivier Besancenot, on se retrouve sur les idéaux, et puis il y a sa fraîcheur, sa jeunesse, son impertinence qui, forcément, nous plaisent, c’est aussi ce qu’on fait dans notre musique. Donc c’est vrai qu’on se rejoint. C’est une affaire de convergences.
Encart
Fallait bien les inviter !
« Dis-leur qu’on veut pas de commentaires, que des combattants / Dis-leur qu’on veut pas de militaires, que des militants. » Avec Debout là d’dans, chanson titre de leur premier album, Dias, HK, Hacène, Jeoffrey, Stanko Fat et Axiom annoncent la couleur : leur répertoire vise autant à mobiliser les énergies qu’à réveiller les consciences. Entre ghetto blaster, bal musette et Méditerranée festive, les Lillois décrivent le racisme dit « ordinaire » (Elle est belle la France), dressent un portrait au vitriol de leur ville (Lillo), s’interrogent sur leur histoire (Manich Mena) et sacrifient même à la tradition de l’ego-trip rapologique le temps d’une Balle populaire en plein dans le mille. Ne pas prendre au pied de la lettre, donc, l’autoportrait du groupe (Fallait pas nous inviter) : les « tchos gars » du MAP sont du genre généreux et chaleureux, et, d’ailleurs, c’est vraiment sur scène que le groupe prend toute sa mesure, comme le public du Cabaret sauvage a pu s’en rendre compte. Pas de doute : fallait bien les inviter (1 CD, Pias, www.map-site.fr).
M. G.