En avril, raconte le South China Morning Post, les autorités de Hong Kong ont saisi 13 tonnes d’ailerons de requins, “en majorité prélevés sur des espèces en danger”. “Quelques jours plus tard, elles ont mis la main sur 13 nouvelles tonnes, ce qui représente le double des quantités saisies l’an dernier.”
Avec la mise à l’arrêt d’une grande partie de l’économie mondiale en raison de la pandémie de Covid-19, ceux qui bataillent pour protéger les requins “espéraient un répit”, note le journal. Mais ces saisies record tendent à prouver le contraire. Et pourtant, la consommation en Chine continentale a chuté de 80 % depuis 2011, grâce aux actions engagées pour épargner les squales.
De 73 à 100 millions de requins mutilés chaque année
Alors pourquoi ces “pêches” extrêmement cruelles - les bêtes sont souvent rejetées vivantes à l’eau après avoir été amputées de leur aileron – ne connaissent-elles pas un déclin similaire ? L’explication, rapporte le South China, est à chercher du côté des pays voisins.
“Symbole de richesse et de statut social élevé dans la culture chinoise”, la soupe d’ailerons de requins est de plus en plus prisée “sur les marchés émergents et en plein boom que sont Hong Kong, Macao, Taïwan et la Thaïlande”. Rien qu’en Thaïlande, 57 % des citadins disaient en 2017 avoir déjà goûté une soupe d’ailerons et 61 % disaient envisager d’en consommer à l’avenir.
Sur une année, estime l’ONG WildAid, 73 millions de requins sont mutilés. “Une estimation que d’autres placent autour de 100 millions”, souligne le quotidien de Hong Kong.
Le risque d’une intensification des pêches
Parmi les “producteurs”, l’Indonésie, où la pêche des requins est légale à l’exception des requins-baleines, figure en bonne place. De 2007 à 2017, ses prises se sont élevées en moyenne chaque année à 110 737 tonnes, selon les données compilées par Traffic, une organisation supervisant le commerce d’animaux sauvages. Le kilo d’ailerons y est acheté 150 dollars avant d’être revendu autour de 1 100 dollars à Hong Kong.
Si la demande ne s’est guère tarie à mesure que la pandémie de Covid-19 paralysait la planète, l’offre ne risque pas, elle non plus, de baisser. Bien au contraire, craignent certains. “À mesure qu’une précarité financière va s’étendre, il sera de plus en plus tentant de garder des requins capturés par accident, y compris ceux qui sont protégés, ou d’élargir la capacité des flottes existantes pour attraper davantage de poissons et gagner davantage d’argent”, anticipe Luke Warwick, directeur du programme “requins et raies” de la Wildlife Conservation Society à New York.
En Indonésie, la pêche, qui compte pour près de 27 milliards de dollars ou autour de 2,6 % du PIB, constitue un des piliers de l’économie, reprend le South China Morning Post. Et, à l’image du ministre Edhy Prabowo, les autorités entendent voir cette industrie “jouer un rôle crucial dans la relance de l’économie”.
Courrier International
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