Le projet de décret concernant l’ANPE comporte plusieurs aspects dangereux (lire Rouge n° 2190). D’abord, la création de filiales commerciales de droit privé. Les activités considérées comme rentables - que ce soit des activités internes (équipement, logistique) ou externes (recrutement par simulation, Internet...) - sont concernées. Le personnel qui travaillera dans ces filiales sera évidemment sous un statut évoluant vers le privé. L’objectif est clair : d’un côté, des filiales de droit privé, de l’autre, un « noyau » public, sans moyens, qui recevra les chômeurs jugés inintéressants par les filiales et le privé. Dans la même logique, le décret modifie les règles de comptabilité publique : c’est classique, l’État se désengage du financement, obligeant ainsi l’ANPE à aller chercher des financements ailleurs (à l’Unedic, qui finance déjà 26 % du budget de l’ANPE, dans les collectivités territoriales...).
Ce décret accentue aussi la déconcentration au niveau des régions et permet donc des mesures spécifiques, aussi bien pour les chômeurs que pour les salariés de l’ANPE. Là encore, l’égalité de traitement disparaît. Au-delà du décret, les agents ont beaucoup d’autres raisons de se mobiliser. Une filiale commune pour l’informatique ANPE-Unedic, a été créée sans concertation et sans garantie pour les personnels sur leur statut. Des plateformes « mutualisées » interrégionales seront également créées, regroupant les ressources humaines, le juridique, l’immobilier et l’équipement. Toutes ces plateformes sont censées fonctionner d’ici fin 2008. Elles établiront des « contrats de services » avec les directions régionales concernées. Comment ne pas voir dans tout cela la préparation de l’externalisation des activités concernées ?
Les conditions de travail sont toujours plus dégradées (manque de moyens, manque d’effectifs...). Le « suivi mensuel personnalisé » transforme le métier de conseiller en contrôleur convoquant les chômeurs tous les mois pour vérifier s’ils ont bien accompli toutes leurs démarches.
Pour toutes ces raisons, la grève du 29 mars devrait être très suivie. Les grèves précédentes, que ce soit contre le changement de statut ou contre le suivi mensuel, n’avaient pas - et de loin - permis de faire reculer la direction. Entre autres choses parce que le nouveau statut permettait de diviser le personnel en faisant croire à certaines catégories qu’elles pouvaient s’y retrouver, et aussi parce que la division syndicale était forte. Au contraire, parce qu’il s’attaque directement aux emplois (eh oui, même à l’ANPE !), ce projet de décret concerne l’ensemble du personnel (la participation importante aux différentes assemblées le montre). De plus, l’unité syndicale (la dernière remonte à 1991) est au rendez-vous !
* Paru dans Rouge n° 2198 du 22 mars 2007.
ANPE : en grève le 29 mars
Après avoir ouvert à la concurrence le marché du placement des chômeurs, le ministre du Travail, Jean-Louis Borloo, prépare un décret ouvrant la voie à la privatisation de l’ANPE. Ce projet de décret prévoit la création de filiales de droit privé par l’ANPE. Ces filiales pourraient concerner différentes activités de placement potentiellement juteuses pour le privé, comme les « recrutements par simulation » ou les plateformes « cap vers l’entreprise », destinées aux chômeurs présentant un fort risque de chômage de longue durée. Mais la direction n’exclut pas des domaines internes, comme l’équipement, les ressources humaines...
Déjà, une partie des activités administratives faites localement est regroupée au niveau régional : la direction le justifie en disant que cela fera plus de temps pour recevoir les chômeurs. En fait, c’est plutôt la sous-traitance que cela va faciliter. Autre aspect, en cohérence avec la décentralisation libérale, l’éclatement du caractère national de l’ANPE (création de directions régionales dans lesquelles participent les collectivités territoriales).
La situation appelait donc une riposte à la hauteur et, alors que la période actuelle était plutôt marquée par la division syndicale, les huit syndicats de l’ANPE (de la CFDT à SUD) appellent à une journée de grève, jeudi 29 mars, avec une montée nationale et une manifestation à Paris. Jusqu’à cette date, ils boycottent toutes les instances.
Ce sera aussi l’occasion de nous retrouver aux côtés des chômeurs et de leurs organisations. De ce point de vue, les syndicats SNU (FSU) et SUD-ANPE travaillent en commun avec AC !, l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis) et le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), afin de tisser des liens indispensables entre chômeurs et salariés de l’ANPE. À ce titre, une réunion rassemblant 90 personnes - agents ANPE, syndiqués et chômeurs - a eu lieu le 15 février. Au-delà d’une première discussion, cette initiative a débouché sur une déclaration commune, appelant chômeurs et salariés de l’ANPE à résister ensemble à la politique de contrôle et aux pressions exercées par la hiérarchie pour radier les chômeurs.
* Paru dans Rouge n° 2197 du 15 mars 2007.
Grève massive à l’ANPE
Près de 51 % de grévistes à l’ANPE, le 29 mars dernier, avec certaines régions en grève à plus de 60 %, comme l’Auvergne ou les Pays-de-la-Loire, 269 agences fermées, sans compter celles ouvertes avec un effectif minimum : cela faisait longtemps qu’un tel niveau de mobilisation n’avait été vu.
Ce résultat est d’autant plus impressionnant que, deux jours plus tôt, la direction avait fait publier au Journal officiel le décret prévoyant la création de filiales privées de l’ANPE. Manœuvre lamentable, qui n’a pas dissuadé les agents de se mettre en grève ! Le front intersyndical, réunissant toutes les organisations, a lui aussi tenu. Maintenant, la question est posée de savoir comment continuer. L’intersyndicale appelle à « poursuivre et amplifier la mobilisation ». Lors de la réunion intersyndicale du 2 avril, une demande de rencontre a été faite à la direction mais, pour l’instant, aucune date pour une nouvelle journée de grève n’a été avancée. Pourtant, il ne faut pas attendre : il faut s’appuyer sur le succès de la grève du 29 pour continuer. Dans le contexte actuel, la grève et la manifestation ont eu un écho important et, le moins qu’on puisse dire, c’est que les réactions des candidats ne sont pas à la hauteur : Ségolène Royal propose seulement de « confier le service public de l’emploi aux régions », c’est-à-dire d’officialiser le fonctionnement que prévoit la direction...
Et même pas un mot sur la principale revendication des grévistes : l’abrogation pure et simple du décret .
* Paru dans Rouge n° 2200 du 5 avril 2007.