L’Office de protection de la sécurité nationale à Hong Kong, créé en application de la nouvelle loi, a un directeur. Il s’agit de Zheng Yanxiong, qui répondra aux directives de Pékin sans être soumis lui-même aux législations hongkongaises, selon les termes de la loi. Zheng était jusqu’à présent secrétaire du Comité du Parti de la province du Guangdong, voisine de Hong Kong. Il est connu pour sa gestion musclée des protestations du village de Wukan, en 2011 dans cette province, rapporte le South China Morning Post. Le quotidien hongkongais rappelle que Zheng avait à l’époque estimé que les villageois luttant pour la sauvegarde de leur terre et des élections libres avaient fait “collusion avec la presse étrangère pour créer des troubles”. Les médias couvraient alors le plus fameux des mouvements sociaux en zone rurale depuis des décennies. Le rappel de cette accusation résonne fortement aujourd’hui avec les termes de la nouvelle loi sur la sécurité nationale.
“Parallèlement, l’administration hongkongaise a rendu publique la mise en place d’une Commission de la sécurité nationale, chargée de la ‘supervision’ du travail de protection de la sécurité nationale”, détaille le quotidien. Carrie Lam, la chef de l’exécutif, y présidera et sera conseillée par Luo Huining, qui dirige depuis début janvier 2020 le Bureau de liaison de Pékin à Hong Kong. Une responsable a également été nommée à la tête de l’unité de police dédiée à la sécurité nationale, ainsi que six magistrats.
Premières arrestations et appels à la vindicte
Tout est désormais en place pour la mise en œuvre de la nouvelle loi, une dizaine de personnes ayant déjà été interpellées pour l’avoir enfreinte. Quelque 370 personnes ont été arrêtées alors qu’elles prenaient part aux manifestations non autorisées du 1er juillet. Trois inspecteurs des douanes en font également partie, “au grand dam de leur administration quoique seule leur présence dans la manifestation non autorisée leur soit reprochée”, selon le site Hong Kong Free Press. L’accusation d’avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale serait particulièrement grave dans le cas de fonctionnaires.
Dans la presse chinoise, les satisfecit se poursuivent. “Débarrassons-nous de Joshua Wong ! Le dirigeant indépendantiste Nathan Law reconnaît avoir fui !” Le grand portail d’information Sina.com met ce titre jubilant en bonne place dans sa home page. Le lien pointe vers le site Haiwai Wang qui diffuse un court message et une vidéo montrant les deux responsables du parti localiste Demosisto, et annonçant le départ à l’étranger de Nathan Law. Ce dernier a annoncé avoir fui Hong Kong, sans pour autant renoncer à continuer à plaider de l’étranger pour la démocratie à Hong Kong.
Les Hongkongais apprennent le contournement
Les démocrates hongkongais tentent de redessiner les contours de leur engagement. Le gouvernement local a décrété le 2 juillet que le slogan du mouvement d’opposition qui dure depuis un an, “recouvrer Hong Kong, révolution de notre temps” tombait sous le coup de la loi du fait de sa nature “indépendantiste, sécessionniste et subversive”. “Pour y parer, des internautes ont commencé à user d’une alternative et à diffuser la suite de caractères latins ‘GFHG, SDGM’”, relate Hong Kong Free Press. Il s’agit des premières lettres de la transcription des caractères chinois formant le slogan.
À noter que dans la traduction la plus courante en anglais de ces mots (“Liberate Hong Kong, Revolution of our Times”), le choix du mot “liberate” en anglais résulte d’une interprétation discutable du chinois. D’autres versions donnent le mot “reclaim” – au sens de recouvrir, avec une implication de renaissance et de réappropriation culturelle. La nuance est d’importance, dans un contexte où l’accusation d’indépendantisme ou de séparatisme aura des conséquences graves sur la liberté des personnes.
Agnès Gaudu
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