Il y a cinq mois, Dorian Miles a quitté sa Géorgie natale pour venir s’installer à Havre, dans le Montana. “Une ville agricole venteuse de 9 700 habitants”, selon le Havre Daily News.. Ce jeune Africain-Américain, venu jouer au football américain pour l’université locale, a confié au quotidien être “nerveux à l’idée de se promener” dans les rues de la ville “avec des tatouages et des dreadlocks”. Mais depuis le dimanche 31 mai, il s’y sent en sécurité : plus de 100 personnes ont participé ce jour-là à une manifestation “pour la justice, George Floyd et l’égalité”, organisée par Melody Bernard, Amérindienne de la tribu des Chippewas Crees.
Les mouvements et les marches qui “convulsent les grandes villes” n’arrivent “généralement pas (ou jamais) jusqu’à Havre” et “n’atteignent pas les centaines de petites villes” des États-Unis, observe BuzzFeed. Mais, selon le site américain, les manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd “sont différentes” :
“Partout dans le pays, des gens se sont présentés – souvent pour la première fois de leur vie – pour protester contre la brutalité et l’injustice policières. Dans les petites villes agricoles comme Havre et Hermiston (Oregon), mais aussi dans les villes de taille moyenne comme Topeka (Kansas) et Waco (Texas), dans les hameaux des îles […] et dans les banlieues aisées.”
Ces manifestations traversent les frontières démographiques et géographiques. Elles ont lieu dans des endroits “où il n’est pas habituel de manifester”, dans des endroits “où la population est majoritairement blanche ou noire” et à une échelle “sans précédent”. D’après BuzzFeed, les personnes qui ont suivi et participé au mouvement Black Lives Matter depuis 2015 affirment que “cette fois-ci, c’est différent”.
En Californie, le Los Angeles Times a par exemple couvert une de ces manifestations dans la petite ville de Laguna Woods, “où la moyenne d’âge des habitants est d’environ 78 ans” et “où 0,4 % de la population est noire”. Les plus jeunes des manifestants “étaient des baby-boomers qui ont défilé pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam dans les années 1960”, note le quotidien californien.
La tension est toujours là
Dans l’ensemble, ces petites manifestations “n’ont pas été aussi explosives que celles qui ont retenu l’attention des médias”, souligne le New York Times, qui s’est intéressé à la mobilisation dans la petite ville de Petal (Mississippi). Mais la tension est toujours là, “de façon plus subtile et plus concentrée”. Lorraine Bates, Africaine-Américaine de 70 ans, a ainsi expliqué au quotidien new-yorkais qu’elle continuerait à manifester “jusqu’à ce que le maire de Petal démissionne. Ou du moins jusqu’à ce qu’il manifeste un véritable remords pour avoir déclaré à propos de la mort de George Floyd : ‘Si vous pouvez dire que vous ne pouvez pas respirer, vous respirez.’”
Dans de nombreux cas, la tension liée à ces manifestations contre les violences policières et le racisme structurel semblent même monter crescendo, souligne le New York Times dans un autre article. Selon le quotidien, une partie des États-Unis est gagnée par une sorte d’“hystérie” à propos d’invasions imaginaires d’antifascistes radicaux. Ces paniques face aux “antifas” se situent “au carrefour du racisme et de l’hystérie, dans une nation qui compte plus d’armes que de personnes”, affirme le New York Times.
À Bethel, dans l’Ohio, les quelque 80 participants d’une manifestation antiraciste ont ainsi été “éclipsés, dimanche 14 juin, par quelque 700 contre-manifestants”, rapporte le Washington Post. Une dizaine d’incidents ont été recensés par la police locale. “Membres de gangs de motards, groupes de soutien aux forces de l’ordre, partisans du droit à porter des armes” : certains de ces contre-manifestants avaient des fusils, tandis que d’autres avaient apporté des battes et de base-ball. Et montré un autre visage de l’Amérique des petites villes, bien plus préoccupant.
Nicolas Coisplet
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