Les rumeurs ont fini par se concrétiser. Jeudi 18 juin, dans l’après-midi, le ministre de l’Éducation, Abraham Weintraub, a annoncé son départ du gouvernement brésilien, rapporte El País Brasil. Dans une vidéo postée sur Twitter, il apparaît au côté du président Bolsonaro, qu’il remercie chaleureusement.
Douzième membre du gouvernement à partir en dix-huit mois de mandat de Jair Bolsonaro (depuis le 1er janvier 2019), Abraham Weintraub était l’un des plus fidèles lieutenants du président d’extrême droite et l’un des tenants de l’aile “idéologique” de l’exécutif.
Plus remarqué pour ses sorties fracassantes, voire vulgaires et racistes, que pour son travail à la tête du portefeuille de l’Éducation, il se présentait en pourfendeur du “marxisme culturel” qui domine selon lui les universités brésiliennes, et s’inspirait du philosophe autoproclamé Olavo de Carvalho, gourou intellectuel controversé du président brésilien.
En poste depuis avril 2019, Abraham Weintraub se savait depuis plusieurs jours sur la sellette, soumis à une forte pression politique, même en interne.
Trop polémique, trop ordurier
Selon El País Brasil, “les assistants et conseillers les plus proches de Jair Bolsonaro plaidaient pour la sortie” du ministre, depuis la diffusion d’une vidéo de la réunion gouvernementale du 22 avril, pendant laquelle il qualifiait les juges de la Cour suprême de “connards”, bons à être “jetés en prison”.
“Sa situation politique a empiré dimanche dernier, quand il a participé à une manifestation contre la Cour suprême et le Congrès avec des défenseurs du gouvernement” et qu’il a réitéré ses propos sur les “connards” de juges, poursuit le journal.
De quoi faire dire à Jair Bolsonaro, pourtant habitué à venir saluer ses partisans lors de leurs manifestations dominicales, que son ministre n’avait pas été “très prudent”.
Les propos polémiques d’Abraham Weintraub ont d’ailleurs conduit la Cour suprême à l’inclure dans l’enquête sur les campagnes de fake news ayant visé plusieurs de ses juges.
En se séparant de son ministre, Jair Bolsonaro, lui aussi en conflit ouvert avec la Cour suprême, a voulu montrer sa volonté d’apaisement, estiment plusieurs observateurs.
Économiste de formation, Abraham Weintraub s’apprête désormais à rejoindre la représentation brésilienne de la Banque mondiale à Washington, et a annoncé, vendredi 19 juin au matin, qu’il quitterait le pays “le plus rapidement possible”. L’enquête en cours ne l’en empêche pas.
“Un climat de chaos politique”
Avant de quitter le ministère, Abraham Weintraub a “cependant fait un geste controversé de plus”, souligne El País Brésil : le jour même de son départ, il a ainsi annulé, “sans aucune justification”, un arrêté signé en 2016 sous la présidence de Dilma Rousseff, qui “établissait une politique de quotas pour les Noirs, les Indiens et les personnes handicapées dans les formations de troisième cycle des universités fédérales”.
Cette décision, prise “alors qu’il savait déjà que cela pourrait être son dernier jour à la tête du portefeuille”, a été perçue par le milieu universitaire comme “un acte d’agitation politique” et un “marqueur symbolique de retour en arrière”, rapporte le journal.
“Il veut tomber en tirant, il veut créer un climat de chaos politique. Malheureusement, c’est en ça que le ministère s’est transformé, en une usine à crises”, affirme une représentante étudiante à la publication.
Reste désormais à savoir qui remplacera Abraham Weintraub. Jair Bolsonaro ne s’est pour l’instant pas prononcé.
Joana Oliveira
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.