Rose Brewer qui enseigne l’histoire africaine-américaine à l’Université du Minnesota, est plutôt optimiste. Le mouvement a de la profondeur : « il est animé par de jeunes féministes noires qui ont grandi dans l’expérience de Black Lives Matter (BLM) depuis plusieurs années. Elles pratiquent avec un grand art l’intersectionnalité qui permet de rallier dans la diversité ». Elle pense que l’assassinat de George Floyd a été la « goutte qui a fait déborder le vase, dans le contexte du système raciste qui prévaut dans notre pays ». Elle pense donc que le mouvement va continuer : « rien ne sera plus comme avant ».
Phyllis Bennis œuvre à l’Institut des études politiques, un think-tank progressiste localisé à Washington. Elle aussi est impressionnée par l’ampleur de mobilisations qu’on n’a pas vues depuis la mouvement contre la guerre au Vietnam. Cependant, elle souligne que c’est « un mouvement et non une organisation ». Tout est plus ou moins auto organisé bien que le ton soit donné par les jeunes militantes de BLM.
Est-ce que le mouvement va continuer ?
Les jeunes sont galvanisés par les victoire partielles qui ont été marqués des derniers jours, les poursuite criminelles contre les policiers-assassins, la permissivité face aux manifestations contrevenant au couvre-feu, etc. « Mais pour autant, rien n’a changé dans le cadre d’un appareil policier fortement répressif et militarisé » affirme Bennis. Sur le plan politique, il serait naïf de penser que c’est le début de la fin pour Trump : « il a une base organisée de 30-35 % de la population, avec un noyau « dur » d’évangéliques et de militants d’extrême-droite ». Les sondages démontrent que Trump subit une perte d’influence, « mais elle n’est pas encore dramatique ». Il y a également, de manière paradoxale, un certain danger dans l’arrêt des confrontations avec la police : « les médias américains ne parlent jamais des mobilisations qui ne sont pas accompagnées de désordres ».
Quel pourrait être l’impact sur les élections présidentielles de novembre ?
Trump est légèrement en arrière, mais comme on le sait, le système politique américain est tordu au point où une majorité électorale ne signifie pas grand-chose (comme on l’a vu lors de la dernière élection ou Hillary Clinton a remporté trois millions de votes de plus que Trump). La bataille sera dure pour faire « sortir le vote », en partie par les restrictions et les manipulations imposées par les Républicains, en partie parce que le candidat démocrate n’impressionne personne.
Traditionnellement dans ce système, l’électoral est confronté entre le pire et le moins pire, sans qu’un projet alternatif puisse réellement prendre place. « Cependant selon Bennis, la situation actuelle est un peu différente. Avec Trump, on a un projet dangereux, qui échappe même aux élites traditionnelles, et qui fait penser aux projets fascistes des années 1930 ». Un deuxième mandat de Trump serait plus qu’une « simple » victoire de la pire option. Pour empêcher cela, il faudra convaincre les électeurs africains-américains et latinos, les jeunes et les autres de se boucher le nez et de voter pour un imbuvable produit de l’oligarchie politique. On verra dans les prochaines semaines si le mouvement anti-raciste va continuer de faire tache d’huile et de radicaliser l’opinion.
Pierre Beaudet
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