“Trente-neuf personnes ont été exécutées sommairement dans deux endroits distincts de la région de Guji [dans l’Ouest] depuis 2019. Et en décembre 2018, en un seul jour, des soldats éthiopiens ont tué 13 personnes dans le village de Finchawa. L’une d’elles était une vieille dame qui vendait du lait dans la rue, selon un témoin rencontré par Amnesty International.” Dévoilée par The Guardian ce vendredi 29 mai, la dernière enquête de l’organisation des droits de l’homme révèle les dessous de la guerre que mène l’armée du Prix Nobel de la paix éthiopien, le Premier ministre Abiy Ahmed.
Arrivé au pouvoir en 2018, cet ancien des services secrets éthiopiens avait été applaudi pour sa volonté réformatrice dans une Éthiopie cadenassée. Gestes pacifiques envers le voisin érythréen, promesse d’ouverture démocratique, repentance pour des actes de tortures commis par l’armée… Abiy Ahmed a tant séduit qu’il a reçu, l’année dernière, le prix Nobel de la paix. Mais loin des regards, le visage de son régime est bien plus sombre.
Fosses communes
Les enquêtes se concentrent dans les régions de l’Amhara et de l’Oromia, où sévit la répression ces derniers mois. Dans la première, où les violences intercommunautaires ont fait quelque 130 morts l’année dernière, rappelle The Guardian, la police est accusée d’atteintes des droits de l’homme contre la minorité ethnique des Kimants. En janvier 2019, 58 personnes ont été tuées et entassées dans des fosses communes, rapporte le quotidien britannique.
En Oromia, c’est la lutte contre l’Armée de libération oromo (OLA), mouvement autonomiste du plus important groupe ethnique du pays. Accusant le gouvernement de “ne pas avoir tenu ses promesses de plus de démocratie et d’autonomie pour les Oromos”, explique le journal, “l’OLA a repris la lutte armée contre l’État fédéral”. Mais face à lui, l’armée est coupable “de graves violations des droits de l’homme”. Outre les 39 personnes tuées sommairement, l’ONG dénonce 10 000 détentions arbitraires ; 80 000 personnes ont également été contraintes de fuir leurs maisons.
“Étant donné la gravité et la répétition des atteintes aux droits de l’homme, je ne peux croire que les plus hauts responsables du pays n’étaient pas au courant de ce qui se passait”, estime l’auteur du rapport, Disseha Tekle, interviewé par The Guardian. Et d’appeler le Prix Nobel de la paix à ouvrir des enquêtes et à s’expliquer.
The Guardian
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