Les manifestations contre la durée de l’état d’urgence – non autorisées et qualifiées de spontanées par les organisateurs – se multiplient ces derniers jours en Espagne. Avec une origine commune : des mouvements proches de la droite radicale. Elles sont d’ailleurs soutenues plus qu’à mi-voix par le parti d’extrême droite Vox, la troisième force parlementaire depuis les élections du 10 novembre 2019,, avec 52 députés sur 350.
La première de ces manifestations – quelques centaines de personnes – a eu lieu le 10 mai dans le quartier madrilène huppé de Salamanca. Elles se sont depuis étendues à d’autres quartiers, notamment devant le siège du parti socialiste au pouvoir. Ainsi qu’à d’autres villes. Les convocations se font via les réseaux sociaux.
“Sánchez en prison !”
Certains des manifestants sont enveloppés du drapeau espagnol et les slogans lancés sont clairs : “Gouvernement : démission !”, “Sánchez en prison !”, en allusion au chef du gouvernement socialiste Pedro Sánchez.
Selon le quotidien El País, on trouve à l’origine de ces initiatives, “outre de nouvelles associations comme celle appelée Resistencia Democrática […], l’organisation catholique radicale Hazte Oír [‘fais-toi entendre’, qui milite contre les droits à l’avortement et au mariage pour tous] et l’Association des militaires espagnols (AME), à l’origine du manifeste en faveur de Franco qui a été signé par des centaines de militaires retraités.”
Certains dirigeants de Vox ont participé à ces manifestations, même si, selon Iván Espinosa de los Monteros, porte-parole du groupe parlementaire du parti d’extrême droite, repris par El País, elles sont “organisées par les habitants eux-mêmes”.
Selon le site ElDiario.es, l’affaire semble pourtant claire : il s’agit d’une “campagne menée [par Vox] pour exiger la démission du gouvernement, qu’il accuse frontalement d’être responsable des décès liés au coronavirus”.
Vox a d’ailleurs convoqué des manifestations samedi 23 mai dans toutes les capitales de provinces – manifestations autorisées car elles se dérouleront en voiture.
Plaintes devant le Tribunal constitutionnel
Alors que le gouvernement a obtenu de la Chambre des députés, mercredi 20 mai, une cinquième prolongation de l’état d’urgence – décrété le 14 mars –, jusqu’au 7 juin, Vox tente d’utiliser l’opinion de certains juristes qui “avertissent que le gouvernement a suspendu des droits individuels fondamentaux au fil des prolongations successives”, écrit le quotidien El Mundo.
Et le journal de citer le professeur de droit constitutionnel de l’université de Valence Carlos Flores :
“Nous sommes confrontés à une suspension généralisée des droits et non à un aménagement de certains droits : l’exemple le plus évident est le droit de circuler librement, auquel il faut ajouter le droit de manifester […]. Des droits fondamentaux ont été suspendus dès le départ.”
Le 30 avril dernier, le Tribunal constitutionnel a d’ailleurs dû trancher sur le “droit de réunion” – sous-entendu : manifestation. Les six plus hauts magistrats du pays se sont retrouvés divisés en deux blocs. Finalement le “droit à la santé” a primé grâce au seul vote qualifié du président.
Mais Vox n’a pas dit son dernier mot : le parti a déposé plainte devant ce même tribunal contre l’état d’urgence en général. Une plainte jugée recevable et qui devra être tranchée dans les prochains jours ou semaines. El Mundo conclut :
“Un vif débat s’annonce au tribunal pour déterminer si le gouvernement de Pedro Sánchez a pris des mesures trop drastiques durant l’état d’urgence.”
Courrier International
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