L’Inde vit un épisode dramatique en pleine pandémie de coronavirus. Lorsque le Premier ministre Narendra Modi a annoncé mardi 24 mars le confinement de toute la population (1,3 milliard d’habitants), des millions de migrants de l’intérieur (37 % des habitants des villes) se sont retrouvés sans le sou. Affamés, ils ont décidé de rejoindre leur village natal… à pied, tous les transports routiers étant à l’arrêt.
Samedi 28 et dimanche 29 mars, certains États vers lesquels ils se dirigeaient ont affrété quelque 2 500 bus en catastrophe, provoquant des mouvements de foule incontrôlés, notamment à Delhi, la capitale. L’Uttar Pradesh voisin a ainsi “transporté gratuitement des milliers de travailleurs migrants” à Lucknow, “afin qu’ils soient ensuite dispatchés vers les différents districts de la région comme Gorakhpur, Ayodhya et Bénarès”, relate l’Indian Express.
À l’arrivée, certains migrants ont été accueillis dans des hébergements d’urgence. Mais des dizaines de milliers de gens restent “en rade sur le bord des routes menant à l’Uttar Pradesh, au Bihar et à l’Haryana”, indique The Hindu : “Ils sont désespérés parce qu’ils ont soudainement perdu leur emploi à cause du confinement, pour une durée indéterminée.”
Certains attendent, hébétés, sans eau ni nourriture, qu’un improbable véhicule les prenne en charge. D’autres se retrouvent dans une situation tellement affreuse qu’ils rebroussent chemin, sans savoir où aller. Ce qui conduit à se poser une question.
“L’État était-il correctement préparé pour qu’un exode aussi massif se produise ?”
Tous ces gens sont dangereusement exposés au virus qui, officiellement, n’aurait pour l’instant contaminé qu’un bon millier de personnes dans le sous-continent. Dimanche, le gouvernement Modi s’est rendu compte de la catastrophe en cours et a pris “des dispositions urgentes pour stopper l’exode”, explique l’Hindustan Times. Il a fait “fermer les frontières” entre les États de l’Union indienne et a promis aux migrants de leur fournir “de la nourriture, un toit et un revenu”.
139 millions de migrants de l’intérieur
Selon le ministère de l’Intérieur, ce qui se produit correspond à “une violation des mesures de confinement visant à maintenir une distance sociale” entre les gens dans le but de ralentir la pandémie. “Les migrants ayant réussi à parvenir à destination vont désormais être placés en quarantaine pour quatorze jours”, a-t-il déclaré, le temps de s’assurer qu’ils n’ont pas été contaminés durant leur exode.
Lundi 30 mars, l’Indian Express a publié une vidéo montrant des employés communaux et des pompiers de la ville de Bareli, dans l’Uttar Pradesh, “asperger une quarantaine de migrants assis sur le bord de la route avec un mélange d’eau et d’hypochlorite de sodium”, c’est-à-dire de l’eau de Javel. Ces hommes et ces femmes revenaient de Delhi en bus et étaient accusés de colporter le virus. “Sur la vidéo, on entend un des officiels demander aux migrants de fermer les yeux”, rapporte le quotidien, qui précise que l’administration locale a ouvert une enquête.
WATCH : Migrant workers who returned from Delhi showered with water mixed with Sodium Hypochlorite, which is used on large scale for surface purification, bleaching, odor removal and water disinfection. Govt says they're investigating the matter. Report on https://t.co/XYlZoUMMsK pic.twitter.com/k90n7graZC
— The Indian Express (@IndianExpress) March 30, 2020
En confinant la population pour vingt et un jours, les autorités ont “complètement oublié” l’existence de la main-d’œuvre migrante, dénonce le Telegraph. D’après le recensement de 2011, celle-ci représente pourtant “139 millions d’individus”. Ces dernières années, “les déplacements entre États ont augmenté”, notamment en direction de Delhi, du Maharashtra, du Karnataka, du Tamil Nadu et du Kerala.
La société India Migration Now, citée par le journal de Calcutta, relève que bon nombre des migrants de l’intérieur de l’Inde “appartiennent aux basses castes, occupent des emplois de courte ou moyenne durée et sont de plus en plus souvent des femmes”.
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