Représentant les petits agriculteurs, les femmes et les jeunes des zones rurales, les peuples autochtones, les travailleurs migrants et agricoles, nous pensons que le système alimentaire agro-industriel actuel et les économies néolibérales d’Asie du Sud sont mal équipés pour faire face à une telle crise.
Le Pakistan a une population très dense et le gouvernement n’a jamais été capable de procurer de logements adéquats à nos populations les plus vulnérables, cela signifie que ne pas agir maintenant entraînera des conséquences catastrophiques. Vivant dans des conditions de surpeuplement, souvent sans accès à l’eau courante, nos citoyens les plus pauvres ne pourront pas s’isoler, pratiquer la distanciation sociale et se laver fréquemment les mains.
De plus, les travailleurs pauvres ne pourront pas se nourrir pendant la fermeture d’usines et d’entreprises au Pakistan. Les cas augmentent quotidiennement dans tout le pays, au 30 mars 2020, 1625 cas et 18 décès officiellement déclarés dans tout le pays.
Les gouvernements de nombreux pays ont annoncé des mesures économiques et d’aides avant de procéder au confinement, mais le Pakistan reste derrière les autres pays pour annoncer tout plan important pour les petits agriculteurs, les travailleurs migrants, les propriétaires de petites entreprises, les travailleurs contractuels et journaliers. Les travailleurs vulnérables vivant dans des conditions économiques précaires qui ont déjà du mal à trouver un travail quotidien, ne sont pas seulement préoccupés par leur santé, ils essayent de trouver comment mettre le prochain repas sur la table pour eux-mêmes et leurs familles.
La structure de santé publique au Pakistan est déjà très vulnérable. Au fil des ans le gouvernement a considérablement réduit les dépenses de santé publique pour permettre la privatisation de ces services. La maladie se propage de villes en villages, ce qui signifie que les personnes à risque comprennent les travailleurs agricoles, les petits agriculteurs marginaux, les retraités, les veuves, les personnes handicapées, les habitants des bidonvilles, les éboueurs, les sans-abri et les autres communautés vulnérables. En plein confinement, les cas de violence domestique et de violence à l’égard des femmes ont également augmenté.
Le gouvernement devrait se concentrer sur les communautés vulnérables, mais il a de nouveau préférer annoncer davantage de mesures d’allègements pour les industries et les banques, sans même assurer un salaire minimum aux travailleurs qui ne sont pas en mesure de gagner leur salaire quotidien en raison du confinement.
Le confinement soudain et total du 16 mars, sans prendre en compte les effets sur les salariés journaliers, les paysans et les petits agriculteurs, a un impact négatif dévastateur sur ces secteurs de la société. Les légumes, les fruits, les fleurs : les producteurs et salariés journaliers des villages ont perdu presque tous leurs revenus. Le prix du lait a baissé, de 100 à 20-30 roupies le kilo, même chose pour le yaourt et autres produits laitiers.
Nous pouvons apprendre de cette crise du COVID-19 que le système alimentaire agro-industriel et privé, augmente la vulnérabilité de nos systèmes alimentaires face aux pandémies mondiales. La crise menace l’approvisionnement alimentaire dans le monde, mais ce sont ces approvisionnements alimentaires basés sur le commerce international longue distance qui sont les plus perturbés.
Les scientifiques ont documenté comment les dommages causés au sol par la pollution agricole et la production industrielle de viande ont accru le risque de nouvelles pandémies. Les agriculteurs du monde entier ont déjà souffert de l’abattage massif d’animaux en raison de grippes aviaire ou porcine et de la maladie de la vache folle.
Cette crise peut également être un signal d’alarme pour le monde entier et surtout pour le Pakistan qui dépend principalement de son agriculture et est en mesure de produire suffisamment de nourriture pour sa population. Il est temps de la remplacer par un système alimentaire centré sur l’agro-écologie paysanne.
Nous exigeons :
Immédiatement, des services de santé et la sensibilisation du public
* Tests :
Le gouvernement doit accroître le dépistage de l’épidémie de COVID-19. Des tests doivent être mis gratuitement à la disposition de tous.
* Quarantaine :
Des dispositions de quarantaine adéquates et sûres doivent être prises, y compris au niveau local dans les zones rurales.
* Approvisionnement :
Assurer une infrastructure médicale appropriée et du matériel gratuit dans chaque siège local. Une trousse comprenant du savon, du gel pour les mains, un désinfectant et des masques devrait être distribuéee à chaque foyer pauvre. Augmenter immédiatement la production et la disponibilité du matériel nécessaire pour faire face à la crise (kits de tests, masques, respirateurs et médicaments).
* Protéger les médecins et les personels de santé :
Les médecins doivent être soutenus avec la fourniture d’équipements de protection individuelle (EPI) certifiés dans tout le système de santé. Cet équipement est essentiel pour les médecins généralistes, qui sont souvent les premiers intervenants en matière de maladies infectieuses.
* Campagnes de sensibilisation :
Des campagnes de sensibilisation appropriées doivent être organisées dans les zones rurales et pour les pauvres des zones urbaines afin de leur fournir des informations sur le COVID 19 et les mesures à prendre pour se protéger et protéger les autres autour d’eux. Il faut souligner l’importance de la solidarité et condamner fermement les comportements discriminatoires.
* Arrêter la désinformation :
Prendre des mesures énergiques contre les groupes qui répandent des rumeurs fausses et non scientifiques.
* Avec la popuplation :
Les mouvements populaires doivent être associés et appelés à soutenir ces efforts de sensibilisation du public.
* Rôle des médias :
Les médias ont la responsabilité sociale et morale de faire connaître la crise actuelle. Une partie de la couverture médiatique actuelle engendre la peur et aggrave l’anxiété du public. Les médias devraient adhérer à l’éthique journalistique et cesser d’engendrer la peur.
Lutter contre la vulnérabilité économique
* Soutien économique :
Le gouvernement doit soutenir les petits agriculteurs, les paysans sans terre, les entreprises agricoles, les travailleurs et les chômeurs en fournissant des transferts monétaires directs et un soutien au revenu de base.
* Dépense publique :
Les gouvernements doivent augmenter les dépenses publiques consacrées aux mesures de sécurité : sociale, économique, de revenus et alimentaire, pour faire face aux conséquences d’une récession économique imminente et prolongée, en particulier dans le secteur de la santé.
* Travailleurs :
Les travailleurs informels de tous les secteurs, en particulier ceux qui ont un contrat ou un emploi oral, doivent être enregistrés immédiatement et bénéficier d’un soutien du revenu supérieur au salaire minimum.
* Transports :
Des trains spéciaux ou autres moyens de transport doivent être mis à disposition des travailleurs migrants pour retourner dans leurs villages en toute sécurité s’ils le souhaitent.
* Pensions :
Assurer le versement des pensions aux personnes âgées, aux veuves, aux personnes handicapées et autres groupes vulnérables en avance pendant au moins les trois mois à venir
* Dette :
Suspendre immédiatement les recouvrements des prêts et crédits auprès des agriculteurs, des travailleurs agricoles et des travailleurs migrants.
* Mesures de soutien :
Annoncer des plans de secours spéciaux pour les paysans sans terre, les petits agriculteurs et les agriculteurs marginalisés, les pêcheurs et les pasteurs.
* Opportunités de revenus pour les femmes :
Aidez les collectifs de femmes comme les groupes d’entraide à fabriquer des masques et des désinfectants.
* Paiements des services publics :
Nationalisation immédiate de tous les services publics par l’État - eau, électricité et sevices Internet - fournis dans le cadre d’un droit humain. Lorsque ces services ne sont pas universellement accessibles, nous demandons qu’ils soient fournis avec effet immédiat.
* Prisons :
Le surpeuplement des prisons au Pakistan doit cesser immédiatement. Le gouvernement doit libérer les prisonniers politiques, les prisonniers en cours de jugement et les prisonniers emprisonnés pour des crimes non menaçants. Les établissements de santé dans les prisons doivent être renforcés avant que l’épidémie de COVID ne les atteigne.
Accès à la nourriture
* Priorisation :
Les chaînes d’approvisionnement agricoles nationales et locales doivent être maintenues en priorité afin d’éviter une pénurie de produits alimentaires ou une perte de marché pour les agriculteurs.
* Services essentiels :
La production et le transport alimentaires doivent être déclarés services essentiels.
* Soutenir les agriculteurs :
Les agriculteurs et les travailleurs agricoles doivent recevoir les équipements de sécurité, un soutien financier et des services de transport pour assurer la continuité des approvisionnements alimentaires.
* Ne pas restreindre la circulation alimentaire :
La distribution alimentaire à l’intérieur des frontières nationales doit pouvoir circuler sans heurts, même pendant les couvre-feux. Les informations faisant état d’arrêts de camions transportant des produits agricoles en raison du couvre-feux sont inquiétantes.
* Rationnement alimentaire :
Assurer à l’avance la distribution de céréales alimentaires, d’huile de cuisson, de sucre et d’autres éléments nécessaires à tous les pauvres des zones rurales et urbaines.
* Nourrir les pauvres :
Mettre en place des cuisines de fortune dans les grandes villes et au siège des districts pour distribuer en toute sécurité des colis aimentaires aux travailleurs migrants et aux populations vulnérables.
* Arrêtez de faire du profit :
Il est nécessaire de sévir contre les grossistes et autres commerces d’alimentation qui accumulent et profitent en créant des pénuries alimentaires artificielles.
* Achats dictés par la panique :
Le gouvernement et les détaillants doivent mettre en place des restrictions sur les quantités d’aliments que les consommateurs peuvent acheter pour arrêter les achats dus à la panique.
Solidarité internationale et régionale
* Coopération régionale :
Il est essentiel de renforcer la coopération régionale dans un certain nombre de secteurs clés, notamment l’information, l’équipement, la surveillance, les fournitures médicales et alimentaires.
* Vaccins et médicaments :
Les développements de médicaments et de vaccins doit être partagée dans la région de l’ASACR (Association sud-asiatique pour la coopération régionale) et dans le monde. Les arguments en faveur de l’arrêt du brevetage des médicaments sont devenus encore plus solides. La santé mondiale doit être réorganisée selon des principes d’attention et de solidarité, au lieu de maximiser les profits.
* Désendettement :
L’allégement de la dette internationale est essentiel pour permettre à nos pays de répondre à une pandémie mondiale. Les programmes d’ajustement structurel du FMI ont mis à mal les économies de pays comme le Pakistan, où les prix des denrées alimentaires ont monté en flèche en raison de la dévaluation de la monnaie et de la contraction économique.
Transformer nos systèmes alimentaires, sanitaires et économiques
La crise du COVID-19 est l’occasion de :
Rejeter le néolibéralisme, soutenir les populations vulnérables :
Le néolibéralisme a dégradé nos systèmes économiques, sanitaires et alimentaires. Nous avons besoin d’un système économique qui réponde aux besoins des populations les plus vulnérables et les plus pauvres grâce à des filets de sécurité, notamment un revenu de base universel, des soins de santé gratuits et des mesures de sécurité sociale.
Rejeter le système alimentaire agro-industriel, soutenir l’agro-écologie :
Nous savons que le système alimentaire agro-industriel mondial continuera de produire de nouveaux agents pathogènes, tels le COVID-19.
Notre système alimentaire doit être localisé, diversifié et en harmonie avec la nature. Nous avons besoin d’un système alimentaire fondé sur les principes de la souveraineté alimentaire et de l’agro-écologie paysanne.
Construire la solidarité dans des moments difficiles :
Face à une crise, la solidarité doit devenir le principe qui organise notre société, notre économie et nos relations internationales. Tel est l’esprit manifesté par nos personnels sanitaires, nos professionnels de la santé, nos agents d’assainissement et nos collaborateurs dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Nous en sommes solidaires.
Saima Zia, Crofter Foundation
Farooq Tariq, Pakistan Kissan Rabita Committee
31 mars 2020
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