En quelques jours, l’Italie est devenue le nouveau foyer du coronavirus Covid-19, jusqu’ici principalement cantonné dans la province chinoise de Hubei et dans la ville de Wuhan.
Italie
Jusqu’à mercredi dernier plutôt épargné, le pays comptait dimanche soir 149 personnes touchées par le coronavirus et est ainsi devenu le quatrième pays le plus touché par la maladie après la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Et le nombre d’infectés augmente rapidement : dimanche, 40 nouveaux cas ont été signalés. Selon les autorités italiennes, « 55 personnes sont hospitalisées avec des symptômes, 25 en thérapie intensive, 19 à l’isolement et 27 en cours de contrôle ».
C’est la Lombardie qui est la région la plus touchée, avec 110 personnes infectées. À ces cas s’ajoutent 21 cas identifiés dans la région voisine de Vénétie (autour de Venise), 9 en Émilie-Romagne et 2 dans le Latium (Rome). Deux personnes sont décédées samedi dans la Péninsule du fait de la maladie, une femme de 75 ans et un homme de 80 ans déjà hospitalisé. Dimanche, une troisième personne, une femme âgée malade d’un cancer, est décédée à Crémone, en Lombardie.
Les autorités italiennes ont pris des mesures drastiques pour tenter de contenir le virus. Comme l’indique La Repubblica [1], les manifestations politiques, sportives, religieuses ou culturelles en Lombardie et en Vénétie ont été annulées ce dimanche 23 février. Parmi celles-ci, quatre matchs de série A (équivalent de la Ligue 1 de football). Les annulations dureront au moins une semaine et le carnaval de Venise n’aura pas lieu.
Musées, théâtres, opéras et cinémas seront fermés en Lombardie. En Lombardie, en Vénétie et au Piémont, les écoles resteront fermées pendant une semaine. En Lombardie, les pubs et discothèques seront fermées dès 18 heures. Des mesures restrictives ont également été prises en Ligurie et Émilie-Romagne, ainsi que dans le Frioul-Vénétie-Julienne et le Trentin-Haut-Adige.
Pour l’instant, le foyer de coronavirus est concentré dans une région comprise entre Lodi et Plaisance, principalement dans la petite ville de Codogno, d’où est issue la deuxième victime italienne. Onze communes, réparties sur la Lombardie et la Vénétie, sont en quarantaine pour tenter de contenir la contagion. Cela représente 50 000 personnes contraintes de demeurer dans leur commune. Personne n’entre ou ne sort de ces zones en quarantaine.
Le Corriere della Sera de Milan [2] décrit le dispositif de ces « zones rouges » qui sont soumises au « modèle de Wuhan », selon l’aveu des autorités italiennes.
Les transports vers ces zones sont strictement interdits. Elles sont ravitaillées par des « corridors stériles ». Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a prévenu que l’armée était « prête à intervenir » en cas de problème. Mais, dans les faits, le contrôle des zones se met en place très lentement.
Reste que les nouvelles contaminations identifiées dimanche [3] ont eu lieu en dehors de cette « zone rouge » : un jeune de 17 ans dans la région de la Valteline, dans les Alpes, au nord de Milan, et un homme dans la province de Pavie, juste en dehors du foyer mis en quarantaine. Le Piémont, épargné jusqu’à dimanche, est désormais touché à son tour.
L’Europe n’est donc plus épargnée par le coronavirus. L’origine de ce foyer italien reste encore assez peu claire. La Neue Zürcher Zeitung de Zürich [4] évoque un « patient 0 » qui serait un chef d’entreprise résidant habituellement en Chine et qui aurait transmis le virus à un « patient 1 », un homme de 38 ans hospitalisé mercredi 20 février à Pavie et qui aurait été le véritable vecteur du nouveau foyer. Ce dernier aurait en effet eu pendant l’incubation du virus une vie fort active.
Cadre chez Unilever, il a fréquenté des bars, des salles de fitness, des réunions commerciales, des repas familiaux et professionnels. L’Organisation mondiale de la santé a avoué être inquiète de la rapidité de la diffusion de l’infection dans ce nouveau foyer qui ne semble que très indirectement lié à la Chine.
France
En France, le ministre de la santé Olivier Véran a indiqué samedi dans un entretien au Parisien qu’il « se préparait à une épidémie » dans le pays. Les laboratoires préparent des tests « pour atteindre une capacité de plusieurs milliers d’analyses par jour et sur tout le territoire, contre 400 aujourd’hui ». Des discussions ont également lieu avec les fabricants de masques. Pour le moment, il ne reste qu’un seul malade du Covid-19 en France, où l’épidémie a cependant déjà fait une victime, un touriste chinois.
Outre l’Italie, deux autres sources d’inquiétude sont identifiées : la Corée du Sud et le Japon. Dans ce dernier pays, le nombre d’infectés est passé à 770, selon le quotidien Asahi Shimbun [5].
Japon
Le ministre de la santé nippon, Katsunobu Kato, a dû reconnaître un dysfonctionnement dans la gestion de la contamination du paquebot Diamond Princess, ancré à Yokohama, qui est devenu un foyer à lui tout seul. Vingt-trois personnes ont pu en effet quitter le bateau sans avoir été testées au Covid-19.
Par ailleurs, le New York Times révèle dans un reportage paru samedi comment l’hésitation des autorités nipponne face à la gestion de cette poussée épidémique dans le paquebot a joué un rôle clé dans le développement de la maladie parmi les passagers [6].
634 des 770 cas japonais ont été identifiés dans le navire, qui est en quarantaine depuis le 3 février. Un troisième décès lié à ce foyer a été annoncé dimanche. Mais les nouvelles infections japonaises ont été enregistrées loin de Yokohama. Deux nouveaux cas ont été identifiés sur l’île d’Hokkaido, au nord de l’archipel, dont un agent de quarantaine de l’aéroport de Sapporo.
Corée du Sud
En Corée du Sud, la situation s’est rapidement dégradée le 22 février, lorsque le nombre de personnes contaminées a doublé en une journée. Le premier ministre Chung Sye-kyun a jugé la situation « grave » et certains experts, cités par le New York Times [7], craignent que la Corée du Sud ne soit le deuxième pays après la Chine où le virus devienne hors de contrôle.
Le foyer sud-coréen de l’infection a été une secte religieuse près de la ville de Daegu. Un membre de cette secte est revenu de Chine et a répandu le virus. Près de la moitié des personnes infectées dans le pays sont liées, directement ou indirectement, à cette communauté religieuse.
Moyen-Orient
Ailleurs dans le monde, le virus a touché deux nouveaux pays ce week-end, le Liban et Israël. Vingt-huit pays sont désormais concernés. En Iran, on compte officiellement 43 cas [8] (et 785 suspicions de cas) et 8 décès, ce qui en fait le pays le plus touché par les décès liés au Covid-19 après la Chine.
La Turquie, l’Arménie et le Pakistan ont annoncé dimanche fermer leurs frontières avec l’Iran, tandis que la Jordanie interdisait l’entrée des ressortissants étrangers venant d’Iran, de Chine et de Corée du Sud sur son territoire.
Chine
En Chine, en revanche, le nombre de nouveaux contaminés a baissé samedi, avec 397 nouveaux cas, contre 900 vendredi. Le site étasunien Bloomberg propose une carte régulièrement mise à jour des cas, des décès et des guérisons. Dimanche 23 février, on comptait 2 466 décès (tous, à l’exception de 24, en Chine) dans le monde pour 78 919 cas identifiés.
Tous ces éléments font craindre le développement d’une pandémie, autrement dit d’une maladie touchant une part significative de la population mondiale. Comme le signale le Washington Post, ce terme ne signifie pas que toutes les personnes touchées tomberont malade. Le problème, c’est évidemment, comme le signale Bloomberg, que l’on ignore comment évoluera le virus, qui peut devenir une sorte de « nouvelle grippe », autrement dit un agent pathogène récurrent chez l’espèce humaine.
La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a affirmé dimanche que le coronavirus mettait « en péril » la reprise de l’économie mondiale lors d’une réunion du G20 à Riyad (Arabie saoudite) [9], qui s’est dit prêt à agir pour limiter les « risques » sur la croissance mondiale.
La rédaction de Mediapart