Le changement climatique déboule soudain sur la scène politique. PS, MR et CDH multiplient les déclarations sur un terrain qu’ECOLO était souvent seul à occuper. Feu de paille ou prise de conscience ? Une chose est certaine : la question va s’installer durablement (au moins une chose « durable » !) dans l’actualité. Devenir de plus en plus lancinante. De plus en plus politique, aussi. Car le débat sur la science, en gros, est clos. Le débat sur la stratégie et les moyens d’action commence. Affectant toutes les politiques, il requerra des intervenants que ceux-ci acceptent les contraintes naturelles incontournables. Certains sont encore très loin d’avoir compris. Un bourgmestre PS anonyme et cynique déclarait récemment que « dans trois mois on ne parlera plus du climat ». Insoutenable légèreté. Dans trente ans, on en parlera encore. Mais les inconscients seront obligés de se taire.
« Contraintes naturelles » ne signifie pas « fin du politique ». On ne peut qu’opiner lorsqu’Elio Di Rupo pointe « un vrai débat à l’intérieur d’un objectif consensuel ». (1) Nos émissions doivent passer de 4 à 0,5 tonnes de carbone par personne et par an avant la fin du siècle. Il y a des choix techniques : avec le nucléaire ou sans, constitue en soi un « vrai débat » (qui divise le PS, n’est-ce pas Mme Lizin ?). Il y a des choix financiers : au niveau mondial, selon le rapport Stern, rester au-dessous de 2°C de hausse de la température coûterait 1200 milliards de dollars par an pendant plusieurs décennies. Qui va payer ? Elio Di Rupo fustige le « tout au fiscal ». « C’est une approche à laquelle les socialistes ne souscrivent pas », dit-il. Soit, mais l’exclut-il ? Le PS français a « noté avec intérêt que Nicholas Stern (…) envisage clairement des régulations contraignantes (sic) telles que les taxes » (2).
Mais le problème est plus fondamental. Peut-on sauver le climat au plus vite et au maximum de ce qui est possible, dans la justice sociale, sans mettre en cause l’économie de marché et sa gestion néolibérale ? Voilà LA question de société, LE défi de civilisation… qu’aucun parti ne pose. Parce que tous - à leur manière certes, et en fonction de leur clientèle – s’inscrivent dans le double cadre du productivisme et du néolibéralisme. Or, voici le nœud de l’affaire : puisque le changement climatique constitue « un échec sans précédent du marché » (de l’aveu de Stern lui-même !) comment pourrait-il être combattu par la marchandisation du monde ? Les médecins prescrivent-ils le tabac pour guérir du cancer ? Comment réduire les émissions mondiales de 80% en 80 ans si ce n’est par la planification ? Comment concilier le fait que le photovoltaïque ne sera pas rentable avant 30 ans avec le fait que l’élimination des (très rentables) énergies fossiles doit commencer tout de suite, si ce n’est par la mise sous statut public de l’énergie ? Comment mettre fin à l’explosion des transports routiers et aériens, si ce n’est en contestant la mondialisation néolibérale ?
Ces questions-là, ECOLO ne les pose même plus sous une forme atténuée. Son document « Union nationale pour le climat » (3) participe entièrement du consensus néolibéral : écotaxe, baisse du « coût du travail », promotion des investissements privés… Pas la plus petite mesurette de gauche, pas une ligne contre la politique de l’UE, pas un mot contre la libéralisation de l’énergie (qui complique pourtant l’introduction des renouvelables !). Même le transport public gratuit mis en œuvre à Hasselt par Steve Stevaert (qui n’est pas bolchevik) semble trop audacieux pour le duo Durant-Javaux. Quant au refus de l’achat de droits de polluer aux pays du Sud, évoqué dans ces colonnes par le secrétaire fédéral, il a mystérieusement disparu. Les partis traditionnels se mettent au vert, ECOLO les rejoint dans le bleu. Tous écolos, tous libéraux ? Pour celles et ceux qui voulaient marier un rouge vif et un vert franc, tout reste à faire.
(1) La Libre, 13/2/07
(2) Communiqué du Bureau national, 31/10/2006
Disponible sur le site d’ECOLO