Emmanuel Macron reprend ses mots (« l’angélisme »), attise comme elle la peur et, comble du cynisme, il se réclame des « plus pauvres » contre « les bourgeois des centres-villes » pour appeler à « armer » la France contre les risques d’invasion migratoire à venir. Il entend faire, avec le Rassemblement national, ce que le socialisme au pouvoir a fait naguère avec l’ultralibéralisme : composer avec lui pour limiter son expansion. À ce jeu, on sait qui a tiré les marrons du feu : ce ne furent en tout cas ni la gauche ni les peuples.
1. « Regarder en face » la réalité, nous dit aujourd’hui le chef de l’État. Encore faut-il les bonnes lunettes, la bonne échelle et les bonnes clefs pour le faire. Si l’on prend le cas des pays les plus riches, ceux de l’OCDE, les données disponibles évoquent certes une hausse des flux migratoires dans leur ensemble : la proportion d’immigrés dans la population (12%) a augmenté de 3% depuis 2000. Toutefois, les déplacements ne viennent pas avant tout des populations les plus démunies. Les principaux pays d’origine sont le Mexique, l’Inde, la Chine et les pays de l’Est européen : pas les plus favorisés, mais pas non plus les plus misérables… De ce fait, on compte dans les pays de l’OCDE plus d’immigrés diplômés du supérieur que d’immigrés ayant un faible niveau d’éducation et le taux d’emploi des immigrés est à peine inférieur à celui du reste de la population. Dans l’ensemble, la population immigrée, réfugiés compris, contribue comme les autres à la production de la richesse nationale. Comme l’a montré un étude savante parue en juin 2018, les demandeurs d’asile ne sont pas un « fardeau » pour les riches et, selon les auteurs, les « chocs migratoires » ont rapidement un effet positif en augmentant le PIB par habitant, en réduisant le chômage et en améliorant l’équilibre des dépenses publiques [1].
2. L’essentiel des migrations dans le monde se font à l’intérieur des États et pas entre les États. Dans leur grande majorité, il s’agit de migrations liées au travail. Les migrations dites « humanitaires » sont quant à elles plus limitées : en 2018, le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU a dénombré 41 millions de déplacés internes (à la suite de conflits, de désastres climatiques ou d’épidémies) et un peu plus de 20 millions de réfugiés. Or l’écrasante majorité de ces réfugiés se trouve dans les pays du Sud. L’Europe et les Amériques n’en recueillent que 17%, alors que l’Afrique à elle seule en absorbe près d’un tiers. Si l’on s’en tient aux pays de l’OCDE, les statistiques les plus récentes indiquent que les migrations humanitaires reculent : la part des réfugiés a baissé de 28% par rapport à 2016 et celle des demandeurs d’asile de 35% (600.000 de moins qu’en 2016). La « réalité » des réfugiés est d’abord celle des millions concentrés dans les États les plus pauvres.
3. L’attention officielle est portée exclusivement sur les demandeurs d’asile. Le prétexte ? Alors que le nombre de demandeurs d’asile a baissé à l’échelle de l’OCDE, celle de la France a augmenté (+19.000, soit une hausse de 20%). Au total, la France enregistre 110.000 demandeurs d’asile sur les plus de 600.000 recensés dans l’Union européenne. Quant à l’Aide médicale d’État (AME), dont on suggère qu’elle est gangrenée par le « tourisme médical », elle concerne un peu plus de 300.000 personnes (soit à peine plus d’un dixième de la population qui y a théoriquement droit) et voit 70% de ses coûts résultant de frais hospitaliers, pour des traitements de maladies (tuberculose, VIH ou accouchement) qui relèvent de la santé publique et pas seulement de l’engagement humanitaire.
4. Ce sont donc une vingtaine de milliers de demandeurs d’asile et quelques poignées de milliers d’euros d’hypothétiques économies qui légitimeraient un tournant de la politique française d’asile et d’accueil. C’est à la fois dérisoire et inadmissible. Le flux des demandeurs d’asile a augmenté à l’échelle mondiale (+400.000) et a baissé dans les pays riches (-175.000). La baisse est due avant tout au durcissement des politiques migratoires aux États-Unis (-77.000), en Italie (-73.000) et dans une moindre mesure en Allemagne (-36.000). Emmanuel Macron propose donc d’aligner la France sur le modèle proposé par la droite américaine radicalisée et par l’extrême droite italienne.
La France sans grandeur
5. La France s’enfoncerait ainsi un peu plus dans cette politique de l’autruche qui caractérise le nouveau monde des puissances souveraines. Nous en avons souvent évoqué les contours à Regards [1]. Au nom de la présumée « crise migratoire », la propension des gouvernants, à droite comme à gauche, est de réduire au maximum le volume des flux entrants. Pour cela, tout est bon, la méthode brutale de la fermeture (Orban, Trump, Salvini) ou l’expédient plus feutré des « hotspots » qui consiste à déléguer à certains pays du Sud, comme la Turquie, le Niger, le Sénégal ou le Mali, le soin de réguler en limitant le volume des candidats à l’entrée dans l’Union européenne.
Ce faisant, les plus riches ne font qu’accentuer la logique en œuvre depuis des décennies : les migrants qui se déplacent du Sud vers le Nord ne représentent qu’un peu plus du tiers des migrants internationaux. La plupart des migrations se font en grande partie vers les pays les plus proches, donc du Sud vers le Sud. Les plus pauvres vont vers les pauvres ; les plus riches (et mieux formés) et les moins pauvres vont vers les riches. Nous n’accueillons qu’une part infime de la « misère du monde » : sa plus grosse part revient aux miséreux. À qui peut-on faire croire qu’ajouter de la misère à la pauvreté contribue à rendre moins explosif un monde que la spirale des inégalités déchire déjà si cruellement ?
La grandeur de la France, si toutefois elle voulait être fidèle au meilleur de son passé, serait de dire qu’il faut renoncer à cette conception égoïste. Elle a la voix nécessaire pour clamer haut et fort que les choix faits en Hongrie, aux États-Unis ou en Italie vont à rebours des exigences raisonnables du partage. Hélas, le Président, au contraire, nous explique qu’il convient de se mettre à leur remorque.
6. La décision d’Emmanuel Macron n’a rien d’un coup de tête conjoncturel. Pour une part, le nouveau discours ne fait que prolonger une évolution sensible depuis quelque temps. « Nous ne pouvons accueillir tout le monde », affirmait-il déjà dans ses vœux de décembre 2017. À plusieurs reprises, entre 2016 et 2018, il a repris à son compte la formule de « l’insécurité culturelle » de l’animateur du Printemps républicain, Laurent Bouvet [2], qui reliait directement l’immigration et le sentiment de dépossession des couches moyennes et des classes populaires.
En difficulté sur le plan social, Macron veut consolider son socle électoral autour des questions ainsi nommées « régaliennes » (l’ordre et l’immigration). Le candidat Macron flirtait avec le « libéralisme culturel » d’une partie de la gauche. Mais dès le soir du second tour, le Jupiter monarchien arpentait, ostensiblement seul, la grande cour du Louvre. Malmené dans la société, l’hôte de l’Élysée veut aujourd’hui profiter des carences de la gauche et des déboires de la droite. En affichant les habits de l’autoritarisme (la rigueur policière) et en assumant une rigueur accrue dans le contrôle des migrations, il veut attirer à lui une large part de la droite désorientée et geler ainsi les bases de renforcement du Rassemblement national.
Le jeu du RN
7. Cette stratégie est moralement douteuse et politiquement hasardeuse. Elle veut concurrencer l’extrême droite sur son terrain et ne fait que légitimer les valeurs qu’elle met à la base de son action. La critique de « l’angélisme » et des « bons sentiments », l’invocation de la realpolitik et la flatterie à l’égard du « peuple » contre les « bourgeois » cautionnent Marine Le Pen quand il faudrait la combattre. De plus, il est douteux d’expliquer que la question de l’immigration est en elle-même un moteur pour le vote en faveur de l’extrême droite.
Mettons par exemple en relation, à l’échelle de toutes les communes françaises, le vote en faveur de Marine Le Pen et toute une série d’indicateurs socio-démographiques. À l’arrivée, on constate que les corrélations statistiques se font sans surprise entre le vote Le Pen, le taux de pauvreté, la part des sans diplômes et dans une moindre mesure la part des ouvriers. En revanche, la corrélation avec le pourcentage d’immigrés est négative : le vote Le Pen est un peu plus dense dans des communes où le taux d’immigrés est relativement faible. À l’échelle départementale, il n’est pas anodin de noter que le Val-de-Marne (20% d’immigrés en 2016) et surtout la Seine-Saint-Denis (30%) font partie des neuf départements où Marine Le Pen ne dépasse pas les 15%.
L’attitude à l’égard de l’immigration est certes un élément qui fonctionne dans le choix des électeurs, mais elle ne le fait pas de façon isolée. Tout dépend de l’environnement social et mental : elle agit en faveur de l’extrême droite quand elle s’articule à un sentiment de dépossession et d’abandon ; elle le fait d’autant plus que les forces hostiles à l’extrême droite sont en situation de carence en matière d’idéologie et de projet.
8. Il faut donc renoncer à l’illusion que l’on peut battre l’extrême droite française en entérinant, comme relevant de la « réalité », la plupart de ses affirmations doctrinales. À la fin de 2018, Emmanuel Macron se désolait de ce que la laïcité était « bousculée » par « des modes de vie qui créent des barrières, de la distance ». Le 10 décembre, il allait plus loin encore en reliant l’immigration à la nécessité « que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde ». Quelques années avant lui un Président évoquait « les odeurs » et son successeur créait un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Sans doute l’institutionnalisation de « l’identité » est-elle dans l’air du temps européen. Il n’en reste pas moins que cette thématique de l’identité – au singulier – est depuis les années 1970 au cœur de l’offensive de l’extrême droite française et européenne contre l’égalité.
9. Il ne faut pas se tromper de réalité. Les chiffres nous disent certes depuis longtemps qu’il ne faut pas exagérer l’ampleur des migrations (3,4% de la population mondiale). Mais, même contenus, les déplacements de population – constitutifs de la formation historique de notre commune humanité – continueront, qu’ils soient souhaités ou contraints. Il convient dès lors d’agir pour que les seconds reculent peu à peu au bénéfice des premiers. Or ce recul ne pourra être que progressif et, pendant une période vraisemblablement longue, dans une humanité qui va vers les 11 milliards d’individus, dans un monde instable et un environnement dégradé, il faudra faire face à la réalité des déplacements contraints.
Plutôt que de s’enfermer dans la logique égoïste des fermetures qui favorisent les États les plus puissants et aggravent la situation des plus faibles, mieux vaut alors mettre sur la table les enjeux les plus déterminants. La France a des atouts pour se faire entendre dans le monde. Les utilisera-t-elle pour promouvoir enfin une mondialité assumée, contredisant sur le fond les caractères régressifs de l’actuelle mondialisation ? S’attachera-t-on à mettre en œuvre, à l’échelle continentale et planétaire, ce que réclament depuis des années des institutions internationales installées, des ONG et des mouvements, sociaux ou politiques ? Quand se décidera-t-on à contenir l’hégémonie des marchés financiers, la dérégulation, la compétition sauvage qui gaspillent les ressources et aliènent les êtres humains ? Quand commencerons-nous à universaliser l’extension des droits pour tous, la protection élargie, la reconnaissance de statuts salariaux stabilisés, la formation permanente, la démocratisation au travail comme dans la cité, la lutte contre les discriminations qui sont les clés des dynamiques vertueuses à construire ?
Sortir de « l’état de guerre »
10. Faire face au monde instable et dangereux qui est le nôtre n’implique pas « d’armer notre pays », comme l’a affirmé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndikaye. Il y a assez de guerre dans notre monde et s’il est un réalisme bien compris, il consiste plutôt à se sortir de « l’état de guerre » à laquelle on a voulu nous habituer depuis 2001. Les pourfendeurs contemporains de « l’angélisme » sont les irréalistes d’aujourd’hui. Regarder la réalité en face ? Sans doute, mais cela implique d’écarter résolument le repli sur soi, la méfiance à l’égard du nouvel arrivant, la peur de ne plus être chez soi, l’enfermement communautaire et l’égoïsme ethnique et/ou national.
11. Emmanuel Macron joue un jeu dangereux, pour lui-même comme pour la France. L’apprenti sorcier pense récupérer la droite « classique » et enrayer la mécanique du Rassemblement national. Incontestablement, ses choix l’ancrent un peu plus du côté de la droite. Mais il légitime un peu plus la dynamique de Marine Le Pen et il rejette cette part de la gauche qui avait fait le pari d’assumer son « et de droite et de gauche » d’avant 2017. Il risque d’éloigner aussi une part de ce centrisme et de se social-libéralisme qui ont vu en lui un libéral « culturel ». Dès lors, le dispositif qui consiste à opposer « l’ouverture » et la « fermeture » ou le « progressisme » et « conservatisme » peut perdre de sa vigueur politique. Dans l’état actuel de crise politique, qui mieux que Marine Le Pen est à même d’en cueillir les fruits ?
On ne combattra pas l’extrême droite en capitulant devant ses mots et devant sa vision du monde. En poussant un peu plus loin sa propension « régalienne », Macron met en péril son propre récit qui a séduit une part des couches moyennes et de la jeunesse. Tant pis pour lui : nul ne regagnera pas les catégories populaires en jouant sur le ressentiment et le repli. Face à un projet dangereux, seul un autre projet, un autre récit, tous deux combatifs et projectifs, seront en état de réarticuler des attentes, des exigences, des espérances et des combats concrets. À gauche donc, mais dans une gauche d’aujourd’hui.
On pourrait rappeler à notre Jupiter, pour conclure, les mots cruels du très conservateur Winston Churchill, après la signature des désastreux accords de Munich : « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre ». Le déshonneur est déjà là.
Roger Martelli
Les statistiques sont extraites des publications de l’OCDE, du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et d’Eurostat.
Notes
[1] H. d’Albis, E. Boubtane et D. Coulibaly, Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a burden for Western European countries (Les données macroéconomiques suggèrent que les demandeurs d’asile ne sont pas un « fardeau » pour les pays d’Europe occidentale), Science Advances, 20 juin 2018
• Regards. 20 septembre 2019 :
http://www.regards.fr/politique/article/refugies-immigration-faut-il-capituler-devant-marine-le-pen
Immigration : les chiffres qui vont les rendre fous (2/2)
Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile... La confusion est trop souvent partagée et nourrit les fantasmes. Roger Martelli fait le point.
L’opinion commune confond volontiers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, confusion trop souvent partagée et qui nourrit les fantasmes commodes de « l’invasion » et du « Grand remplacement ».
Faire le point sur les flux migratoires est rendu complexe par l’hétérogénéité des sources statistiques. Le principe suivant a donc été retenu ici : les comparaisons internationales les plus globales sont faites à partir des recueils de données de l’ONU et de ses agences, de l’OCDE pour les pays les plus riches et d’Eurostat pour ce qui concerne les pays européens. Pour la France, on utilise les données de l’INSEE et des organismes publics en charge des flux migratoires.
1. L’essentiel des migrations dans le monde se fait à l’intérieur des États : ces migrations internes concernent de 750 à 800 millions d’individus. Les guerres continuent d’être une source majeure de déplacements : à la fin 2016, on comptait plus de 40 millions de personnes déplacées dans leur pays à cause d’un conflit ou de violences généralisées. Mais depuis quelques années le nombre de personnes déplacées à la suite de catastrophes climatiques l’emporte de loin sur les déplacements liés à des conflits (25,3 millions de personnes nouvellement déplacées chaque année).
2. En 2019, l’ONU estime par ailleurs le nombre des migrants internationaux à 272 millions (50 millions de plus qu’en 2010). C’est trois fois moins que les déplacements internes et cela concerne 3,5% de la population mondiale.
En nombre, l’Europe et l’Amérique du Nord continuent d’abriter la moitié des migrations internationales. Mais depuis 2010 leur part recule au profit de l’Afrique du Nord, de l’Asie occidentale et de l’Afrique subsaharienne. De plus, la moitié des déplacements se font à l’intérieur de la même aire géographique. 70% des émigrants européens vont vers un autre pays européen et les deux tiers des migrants de l’Afrique sub-saharienne restent dans leur région d’origine. Au total, les migrations du Sud vers le Sud l’emportent aujourd’hui sur les migrations du Sud vers le Nord.
3. La très grande majorité des migrations internationales (150 millions, soit 60% du total) est liée au travail. Elle se porte pour les trois quarts vers des pays à revenus élevés, où elle s’investit avant tout dans les services (71%), l’industrie et la construction (18%). Les déplacés forcés sont quant à eux estimés à près de 71 millions en 2018, soit 13,6 millions de plus qu’en 2017.
4. Pour la fin 2018, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) situe à 74,8 millions le nombre de personnes qui ont été contraintes de se déplacer. La très grande majorité (41,4 millions) l’a fait à l’intérieur des États, mais 30,5 millions ont dû s’expatrier (dont 5,4 millions de réfugiés palestiniens qui ne sont pas sous la responsabilité du HCR). Les statistiques internationales distinguent donc les réfugiés (25,9 millions), les demandeurs d’asile (3,5 millions), les apatrides (2,8 millions).
Plus de la moitié de ces expatriés viennent de cinq pays (Syrie, Afghanistan, Sud-Soudan, Somalie, Congo), la Syrie à elle seule comptant pour un quart du total (6,6 millions en 2018).
Les pays les plus riches n’en accueillent qu’un peu plus de 3 millions, soit 12,1%, un peu moins qu’en 2010. L’écrasante majorité (87,9%) se dirige vers des pays du Sud et un cinquième (5 millions) va même trouver refuge dans les pays les plus pauvres.
5. Sur les 30,5 millions d’expatriés, les demandeurs d’asile (ceux qui, dans l’incapacité de retourner chez eux, demandent la protection du pays d’accueil) sont 3,5 millions. Ils comptent donc pour 13,5% des expatriés et 1,3% des migrants. À l’échelle mondiale, on compte un demandeur d’asile pour 2,2 millions d’habitants.
En 2018, la moitié de ces demandeurs d’asile viennent de six États.
De 2000 à 2018, selon l’ONU, les principaux pays d’accueil ont été les suivants :
En 2000, les États-Unis et le Royaume-Uni attiraient près de la moitié des demandeurs d’asile ; en 2017, ce taux est le fait de 5 pays (États-Unis, Allemagne, Turquie, Afrique du Sud, Italie), de même qu’en 2018 (États-Unis, Allemagne, Turquie, Pérou, Afrique du Sud). Après la « révolution thatchérienne », le Royaume-Uni a depuis longtemps choisi la voie du durcissement des politiques migratoires et de l’asile. Les Pays-Bas et les États-Unis ont suivi leurs pas, imités depuis peu par l’Italie de Mateo Salvini.
Au sein de l’Union européenne, le nombre de demandeurs a augmenté fortement à Chypre et en Espagne, ainsi qu’en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Grèce. Il a baissé fortement en Italie, en Autriche, en Suède et en Allemagne.
Selon l’ONU, la France se trouve en 8e position parmi les pays d’accueil (elle était 6e en 2000 et 7e en 2017). Sa part dans le total mondial a augmenté entre 2017 et 2018 (de 2% à 2,5%), mais elle est en baisse par rapport à 2000 (3,5%).
Si la France est en chiffres absolus parmi les principaux pays d’accueil, le constat peut être relativisé quand on rapporte ces chiffres absolus à sa population et à produit intérieur brut. Dans le premier cas, elle est au 54e rang (sur 173 pays) et au 89e rang si l’on rapporte le nombre de demandes au PIB du pays.
6. En 2018, les flux migratoires ont augmenté vers les pays de l’OCDE (2% d’immigrés permanents en plus). Cette croissance concerne les migrations familiales (40% des entrées) et de travail. En revanche, le nombre des demandes d’asile a baissé, pour se situer autour de 1,1 million soit 10% de moins qu’en 2017 et 34% de moins qu’en 2015. Le nombre de réfugiés a baissé de façon concomitante : 700.000 permis de séjours ont été accordés pour des raisons humanitaires contre 900.000 en 2016.
Les migrations temporaires de travail sont à la hausse pour atteindre 4,9 millions en 2018 : les plus nombreuses sont celles des travailleurs « détachés » par leur employeur.
Les perspectives professionnelles des immigrés ont continué de s’améliorer en 2018, dans le prolongement de l’évolution positive observée ces cinq dernières années. En moyenne dans les pays de l’OCDE, plus de 68% des immigrés ont un emploi et leur taux de chômage est inférieur à 9%. L’amélioration de la situation au regard de l’emploi des immigrés récents est plus forte dans les pays où le taux d’emploi est relativement élevé, comme en Irlande ou au Royaume-Uni. Aucune évolution de l’emploi des immigrés récents n’est en revanche observée en Italie et en France, où seuls 40% environ des immigrés récents occupaient un emploi en 2018.
7. Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs rendu publics en juin dernier les statistiques sur les demandes d’asile établies par l’Office français de protection des étrangers et des apatrides (OFPRA).
Le total des premières demandes est passé de 46.000 en 2013 à 114.000 en 2018. Entre 2017 et 2018, le nombre a augmenté d’un peu plus de 22%. Les attributions de l’asile sont quant à elles passées de 11.400 à 33.300, en augmentation de 4,3% entre 2017 et 2018. Le taux d’acceptation de l’asile est à peine au-dessus du quart, en baisse depuis trois ans.
8. Une partie importante du débat engagé par Emmanuel Macron tourne autour de l’azide médicale d’État (AME), dont la droite a fait depuis longtemps son cheval de bataille.
L’accès à cette aide permet à des populations socialement et sanitairement fragiles d’accéder à un minimum de soins, pas tous gratuits au demeurant. Alors que l’on sait considérable le nombre de ceux qui devraient en bénéficier et ne le font pas en pratique, comment peut-on penser que la mise à l’écart de quelques fraudeurs va compenser les dépenses plus grandes que réclamerait une extension du droit de l’AME vers la population qui y a droit. Sans compter le rôle à la fois de soin et de prévention qui peut permettre d’éviter, dans une logique de santé publique, l’extension d’épidémies liées généralement à l’extrême pauvreté.
Roger Martelli
titre documents joints
NOMBRE DES MIGRANTS (PDF – 13.8 ko)
http://www.regards.fr/IMG/pdf/tableau01.pdf
NOMBRE D’EXPATRIÉS PAR ZONES D’ACCUEIL (PDF – 21.8 ko)
http://www.regards.fr/IMG/pdf/tableau02.pdf
EN 2018, LA MOITIÉ DE CES DEMANDEURS D’ASILE VIENNENT DE 6 ÉTATS (PDF – 18.6 ko)
http://www.regards.fr/IMG/pdf/tableau03.pdf
DEMANDEURS D’ASILE : LES 10 PREMIERS PAYS D’ACCUEIL (% DU TOTAL) (PDF – 22.3 ko)
http://www.regards.fr/IMG/pdf/tableau04.pdf
NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT (PDF – 18.2 ko)
http://www.regards.fr/IMG/pdf/tableau5.pdf
• Regards. 7 octobre 2019 :
http://www.regards.fr/idees/article/immigration-tenons-nous-en-aux-chiffres