Les mobilisations qui se déroulent depuis quatre mois ne sont pas uniquement des luttes politiques, mais également des luttes sociales.
Une soif effrénée de liberté
Les habitant.es de Hong Kong jouissent actuellement de libertés individuelles du même ordre que celles existant dans la plupart des pays occidentaux en matière de liberté d’expression, d’organisation, de manifestation, ou d’indépendance relative de la justice.
Ils/elles sont les mieux placé.es du monde pour savoir que ces libertés n’existent pas en Chine continentale. Et cela les angoisse, car il est prévu qu’en 2047 Hong Kong soit pleinement intégré dans l’Etat chinois.
Cela est encore plus mal vécu par les jeunes, car ils/elles seront alors autour de la cinquantaine. Ils/elles sont hanté.es par le sort de la minorité Ouïghour de Chine, dont 10 % sont actuellement enfermé.es dans des « camps de rééducation ».
Un deuxième spectre les hante : celui du roman « 1984 » de Orwell, avec la généralisation sur le continent de caméras à reconnaissance faciale, ainsi que la mise en place d’un système de « crédit social » qui pénalise gravement toute personne s’écartant des normes fixées par l’Etat-parti.
D’où des mobilisations ayant lieu à chaque fois que le pouvoir chinois et son vassal hongkongais tentent de rogner les libertés existantes.
Le récent projet de loi d’extradition constitue une menace considérable pour tous/toutes les hongkongais.es ayant pu, à un moment où un autre, déplaire au régime de Pékin.
Jusqu’à présent, le parti-Etat chinois kidnappait puis exfiltrait discrètement celles et ceux qu’il avait décidé de traduire devant les tribunaux à ses ordres. C’est ce qui est arrivé au directeur général d’Interpol de nationalité chinoise qui a mystérieusement disparu entre Paris et Lyon, et qui est ensuite réapparu quelques mois plus tard dans le box des accusé.es d’un tribunal chinois. Il en a été de même, pour des éditeurs installés à Hong Kong.
Tout cela faisant mauvais genre, les gouvernant.es au pouvoir à Pékin et Hong Kong ont eu l’idée de faire adopter par le parlement-croupion hongkongais une loi permettant de faire la même chose à Hong Kong en toute légalité. Et c’est contre ce projet que les manifestant.es se battent depuis quatre mois.
Depuis début juillet, figure également parmi les revendications du mouvement l’instauration du suffrage universel, qui a été solennellement promise depuis ... 1984 !
– Actuellement, seulement la moitié des député.es sont en effet élu.es au suffrage universel. L’autre moitié ne le sont que par 6,3 % du corps électoral total, et parmi celui-ci une large majorité de partisan.nes de Pékin. Résultat, mêmes si les hongkongais.es ont toujours très majoritairement voté pour les opposant.es au pouvoir de Pékin, ces dernier.es se sont toujours retrouvé.es minoritaires au Conseil législatif (LegCo).1
– L’élection de la présidence de l’Exécutif est encore plus anti-démocratique : elle n’est en effet élue que par 1 200 personnes (soit 0,32 pour mille des hongkongais.es en âge de voter). Parmi eux/elles, une majorité de pro-Pékin.
Un sentiment croissant d’injustice sociale
Les inégalités de revenus à Hong Kong sont parmi les plus élevées du monde : 93 milliardaires possèdent 86,6 % du PIB.
Simultanément, 18,6 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Vivent à Hong Kong plus de 390 000 domestiques surexploité.es, venu.es notamment des Philippines ou d’Indonésie, etc.
Même si le taux de chômage est d’environ 3%, les salaires stagnent, et la mobilité sociale est bloquée.
Pour la neuvième année consécutive, Hong Kong est la ville où le coût du logement est le plus élevé du monde.
La crise du logement est intimement liée à la nature post-coloniale, oligarchique et néo-libérale de l’Etat.
– Dans la foulée de la période coloniale la propriété foncière est en effet accaparée par une poignée de familles. Et comme ailleurs, 40% du territoire a été déclaré inconstructible alors que la population n’a cessé de croître, le prix du terrain ne cesse d’augmenter.
– Simultanément, Hong Kong a été construit sur un modèle totalement libéral avec des impôts sur les sociétés et les revenus très faibles, sans droits de douane ni de TVA. L’Etat compense en partie cela par d’importantes taxes foncières et immobilières qui représentent le tiers de ses recettes. D’où un second facteur de hausse du mètre carré.
Conséquence logique, le foncier représente 60 à 70% du coût du bâti qui ne cesse d’augmenter ... ainsi que la hauteur des immeubles.
Tout cela ne pose aucun problème aux richissimes hongkongais.es, qui disposent d’habitats somptueux. Et cela d’autant plus que cette situation leur permet d’accumuler encore plus de richesse grâce à la spéculation immobilière.
Pas étonnant dans ces conditions, que 36% des 50 personnes les plus riches de Hong Kong soient des magnats de l’immobilier.
Pendant ce temps-là, la grande majorité de la population est contrainte de s’entasser dans des logements exigus où se côtoient souvent trois générations. La surface moyenne par personne est de 15 mètres carrés, et seulement 4,6 pour les plus pauvres.
Quant aux domestiques ils/elles sont le plus souvent logé.es dans des conditions indignes, parfois dans un couloir ou un placard.
Le 6 octobre 2019
Note :
1. https://www.elections.gov.hk/legco2016/eng/brief.html
https://www.youtube.com/watch?v=6_RdnVtfZPY