La « Kong girl » pourrait être à Hongkong ce que la Parisienne est à la capitale française. Un cliché, forcément réducteur et un peu sexiste, censé dessiner l’image de la « fille type » locale. Pour les habitants de l’île asiatique, l’expression qualifierait une femme, citadine, apolitique et un brin matérialiste, au caprice facile et au style travaillé. L’expression, devenue un lieu commun à Hongkong, revêt une autre réalité à l’aune du mouvement prodémocratie qui traverse cette ancienne colonie britannique depuis plus de quatre mois, analyse Quartz [1].
Ces « Kong girls d’un nouveau genre », comme le décrit ce site d’information économique en langue anglaise, apparaissent désormais comme des femmes courageuses et déterminées, que les médias du monde entier ont montré en train d’essuyer des gaz lacrymogènes ou de dresser des barricades. Surtout, elles sont celles que l’on a vu être la cible de violences policières.
« Les Kong girls ont désormais différentes facettes. Certaines peuvent se montrer particulièrement capricieuses avec leur petit ami ou leur famille, mais dans les manifestations, elles sont courageuses et pleines de ressources. Certaines sont d’ailleurs plus hardies que les hommes », constate une manifestante de 23 ans, employée de bureau à Hongkong, interrogée par Quartz sous couvert d’anonymat.
En première ligne
Cette image de combattante téméraire est bien loin de celle qu’endossaient les femmes hongkongaises durant le « mouvement des parapluies », en 2014. Quartz rappelle que, lors de ces manifestations pour réclamer l’élection des dirigeants politiques au suffrage universel, elles occupaient surtout des rôles d’organisatrices, prenant en charge l’aspect logistique des occupations ou le nettoyage des lieux occupés.
Cette année, des femmes ont surtout été remarquées pour leur présence en première ligne des manifestations, comme cette secouriste blessée à l’œil en août lors d’affrontements avec la police, devenue ensuite le symbole de la contestation. Depuis, les manifestants portent ainsi régulièrement des cache-œil ou de faux bandages à la tête, par solidarité avec les blessés.
Photomontage de manifestants portant un pansement à l’œil en hommage à une secouriste blessée, à Hongkong, le 12 août.
Mobilisées contre les agressions sexuelles
Mais, dans un rapport rendu public à la fin de septembre, Amnesty International assure que de nombreuses violences se déroulent également loin des caméras [2], notamment des agressions sexuelles envers les femmes. Le 25 août, des milliers de femmes et d’hommes s’étaient d’ailleurs rassemblés pour protester contre les violences sexuelles commises par la police [3], partageant en ligne le hashtag #ProtestToo, en référence au mouvement #MeToo, né en octobre 2017. Selon des manifestantes, ce type de harcèlement a redoublé depuis que le gouvernement central chinois a durci ses positions à l’encontre du mouvement prodémocratie, autorisant notamment les fouilles corporelles intégrales. Le South China Morning Post a notamment relaté à la fin d’août l’histoire d’une femme obligée de se déshabiller sur ordre de la police.
Menaces de viol, photos humiliantes ou montages : les Hongkongaises affirment également être harcelées sur Internet et des militantes prodémocratie assurent avoir été victimes d’attaques sexistes en ligne, en représailles à leurs prises de position. « Ils ne s’en prennent pas à mes opinions ou quoi que ce soit d’autre, ils m’attaquent simplement parce que je suis une femme », expliquait ainsi à l’Agence France-Presse Mickey Leung Ho Wun, lycéenne à Hongkong, au début de septembre.
La jeune femme de 17 ans a eu la surprise de découvrir sur Facebook, sur une page de soutien à la police, un photomontage réalisé à partir d’un cliché pris au cours d’un rassemblement prodémocratie. Sur la photo originale, Wun se tenait à côté d’une banderole sur laquelle était écrit : « Je suis une lycéenne ». Sur la version détournée, on pouvait lire : « Je ne porte pas de sous-vêtements ».
L’objectif de ces attaques est d’« ignorer ma volonté et mes idées afin de se focaliser sur mon allure extérieure, ma manière de m’habiller et de me diaboliser », a également affirmé sur Facebook Denise Ho, la star de la pop cantonaise, cible récurrente du harcèlement sur les réseaux sociaux. Les victimes soupçonnent des internautes pro-Pékin d’être derrière ces insultes sexistes, la majorité des messages étant écrit en chinois simplifié, principalement utilisé en Chine continentale. Selon Quartz, cette nouvelle image des « Kong girls » est venue ébranler les convictions de la génération précédente, pour laquelle il est inconcevable de remettre en cause l’ordre établi, qui plus est au péril de sa vie.
Cécile Bouanchaud