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200 écoles fermées et 60 % de grévistes en Seine-Saint-Denis, plusieurs milliers de manifestants devant la direction départementale, des rassemblements de plusieurs centaines devant les rectorats à Grenoble et à Toulouse, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Marseille, partout dans le pays la colère monte pour demander que l’éducation nationale soit reconnue responsable des suicides, pour marquer un coup d’arrêt à la politique mortifère de Blanquer et du gouvernement Macron.
Ce ministre et son administration ne reculent devant aucune abjection pour se dédouaner. Ce matin du 3 octobre, jours de l’enterrement de Christine Renon et de grève contre les conditions de travail et les pressions multiples et incessantes de l’administration, ils essayent de faire relayer par les médias le deuil de ses parents pour expliquer son geste tragique. Le frère de Christine a fait lire une lettre aux manifestants : « Je demande de ne pas salir son nom. Non Christine n’était pas fragile. Non Christine n’était pas dépressive. Ils nous l’ont détruite. »
Ce sont bien les réformes destructrices du service public, les directives incessantes, la multiplication des tâches inutiles et souvent contradictoire avec l’intérêt des élèves et la pédagogie, la déprofessionalisation des enseignants auxquels on demande d’appliquer des méthodes normées, inadaptées, désuètes, c’est une médecine du travail inexistante pour une profession très exposée qui sont responsables des suicides. Le jour même où Christine Renon mettait fin à ses jours, Frédéric Boulé, professeur de SVT de Valbone dans l’académie de Nice, se suicidait 5 jours après une visite à la médecine préventive. Même si un chiffre est déshumanisant dans ce contexte, le taux de suicides deux fois et demi plus important chez les enseignants que chez l’ensemble des salariés rend compte de la difficulté et de la souffrance de ce métier.
Ces suicides sont maintenant portés devant les CHSCT de Seine-Saint-Denis et de Nice et une alerte sociale a été posée devant le CHSCT ministériel. La mobilisation doit obtenir la responsabilité de l’institution ainsi que la reconnaissance des suicides comme accidents du travail.
Le mantra de ce gouvernement « faire mieux avec moins » est responsable de l’épuisement au travail comme la signature « Christine Renon, directrice épuisée » le signifie. « Faire mieux avec moins » cela veut dire que les enseignants ne font pas bien. Cela veut dire qu’ils doivent prendre en charge plus de tâches en étant moins nombreux. Ainsi les élèves en difficultés scolaires sont pris en charge par des personnels de moins en moins nombreux, de plus en plus polyvalents et, pour certains, de plus en plus précaires. Les missions d’orientation des élèves sont enlevées aux professionnels pour être confiées aux enseignants. L’anglais doit être enseigné par tous les professeurs d’école, qu’ils l’aient appris ou non. Les évaluations normées et antipédagogiques en maternelle, en CP, en CE1, en 6e et en seconde n’ont aucun intérêt ni pour les élèves, ni pour les enseignants. Elles servent seulement à alimenter la machine statistique du ministère, à rendre les professeur-es responsable de la dégradation des conditions d’enseignement. Blanquer va même plus loin. Il veut imposer la méthode de lecture du b-a-ba en contrepartie des dédoublements de CP et CE1, niant l’expertise des professeurs-es d’écoles et l’adaptation de leurs méthodes aux situations très diverses des écoles. Sans compter que c’est, en Seine-Saint-Denis, un des départements qui connaît le plus de difficultés, où le ministère n’a cessé de diminuer le taux d’encadrement, que ces dédoublements n’ont pas tous pu se mettre en place faute de recrutements.
La mobilisation partie de l’émotion du suicide de Christine Renon et de l’épuisement des directrices et des directeurs d’école, atteint tou-tes les professeurs-es du premier et du second degré, tous les départements. Cette politique mortifère doit être arrêtée. Blanquer, loin d’entendre la colère due à son mépris, a décidé de mettre en place un « comité de suivi des conditions de travail des directeurs d’école ». Il compte sur l’émotion du suicide de Christine Renon pour imposer une nouvelle fois une des dispositions les plus décriées de sa loi.
Non, Blanquer doit revenir sur toute sa politique. Plus largement c’est la politique mortifère du gouvernement dans tous les services publics, à la SNCF, dans les hôpitaux, aux impôts, aux finances qui doit être stoppée. Des appels intersyndicaux à la grève seraient importants pour maintenir un haut niveau de mobilisation et permettre ce changement de politique.
François Montreuil
• Créé le Jeudi 3 octobre 2019, mise à jour Jeudi 3 octobre 2019, 16:23 :
https://npa2009.org/actualite/education/suicides-dans-leducation-la-colere-et-la-mobilisation
Pour Christine Renon
Une semaine après le suicide de Christine Renon, dans le hall de son école, la maternelle Mehul à Pantin, nous sommes encore sous le choc, profondément tristes et profondément en colère. Parce que nous avons perdu l’une des nôtres.
Et aussi parce que nous sommes nombreuses et nombreux à nous reconnaître dans les mots qu’elle met sur sa souffrance au travail. La lettre de trois pages envoyée à ses collègues, juste avant de mettre fin à ses jours, commençait ainsi : « Je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée après seulement trois semaines de rentrée ».
Souffrance au travail
Les indécentes tentatives de déni et de dénigrement du rectorat et du ministère n’y peuvent rien : c’est bien de son travail qu’est morte notre collègue, et son geste fait éclater une souffrance au travail qu’on l’on avait jusque-là cherché à garder silencieuse. « Pas de vague », comme on dit chez nous.
Pourtant, de la souffrance au travail, il y en a. « Ces tout petits riens qui occupent à 200 % notre journée », disait-elle. De la souffrance au travail, il y en a, lorsque des rythmes scolaires épuisants sont imposés, malgré les demandes des personnels. De la souffrance au travail, il y en a, lorsque chaque ministre de l’Éducation applique ses réformes sans tenir compte de l’avis des personnels. Lorsque l’on met en place des dispositifs et des évaluations chronophages et dénués de sens pédagogique. « À la fin de la journée on ne sait plus trop ce que l’on a fait », disait-elle encore. De la souffrance, il y en a, lorsque l’institution nie l’expertise des professeurEs et leur liberté pédagogique et impose des méthodes d’apprentissage normées…
Réactions indécentes de l’institution
Pour Christine Renon, il est désormais trop tard. Mais pas pour celles et ceux qui restent. Est-ce que nous allons regarder, impuissantEs et silencieux, nos collègues mourir de servir l’Éducation nationale ? Douze suicides ou tentatives de suicides dans la seule académie de Créteil (77-93-94) depuis le début de l’année…
Nous savons, et Christine Renon le savait aussi, qu’il n’y a rien à attendre de l’institution. « L’idée est de sacrifier les naufragés dans la tempête » écrit-elle.
Au bout de quatre jours de silence, le ministre s’est fendu d’un tweet. Où le nom de Christine Renon n’est pas mentionné. Quant au rectorat, s’il est intervenu sur place, c’est pour enjoindre les directeurs et directrices à respecter leur « devoir de réserve » et à ne pas diffuser sa lettre. Et demander aux enseignantEs de l’école Mehul de retourner en classe le lendemain du jour où le corps de la directrice a été retrouvé.
Face à l’indécence de la réponse institutionnelle, heureusement, il y a celles et ceux qui ont fait preuve de dignité. En se rendant dès le jeudi soir, à plusieurs centaines, devant l’école Mehul pour un premier hommage très fort. En publiant des motions pour dénoncer les conditions de travail qui ont conduit au suicide de Christine Renon dans de nombreuses écoles, collèges et lycées. En appelant le jeudi 3 octobre, jour du CHSCT exceptionnel, à une grève et à un rassemblement devant la direction départementale de l’Éducation nationale, à Bobigny. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à notre collègue : des établissements massivement fermés, partout en France, des rassemblements pour demander, enfin, une écoute et une prise en compte de la souffrance des enseignantEs, et la fin de ce management brutal. Parce qu’il n’est pas tolérable que l’on puisse encore perdre sa vie à travailler pour l’Éducation nationale.
François Montreuil et Raphaël Alberto
• Créé le Lundi 30 septembre 2019, mise à jour Mercredi 2 octobre 2019, 11:27 :
https://npa2009.org/actualite/education/pour-christine-renon
Suicide d’une directrice d’école à Pantin : le ministère doit rendre des comptes
Samedi 21 septembre, Christine Renon, directrice de l’école Méhul à Pantin, s’est suicidée dans le hall de son école. Le NPA exprime tout son soutien à sa famille et à ses collègues.
Se suicider sur son lieu de travail n’est pas un acte anodin, et les lettres qui ont été envoyées pour expliquer ce geste expriment clairement la difficulté d’assumer une charge de travail qui augmente, les demandes excessives de la hiérarchie, un environnement social dégradé. Christine Renon ne raconte rien d’autre qu’un quotidien devenu difficile à affronter, qu’une charge mentale devenue inassumable.
C’est un tragique signal d’alarme qui a été tiré. Dans l’Éducation nationale, mais aussi à La Poste, aux Finances publiques et à la SNCF, où les suicides se sont multipliés, les ministres remettent en cause les missions de service public et les salariéEs perdent le sens de leur travail. Cette perte de sens est accentuée lorsque les hiérarchies, des ministres aux rectorats, ne cessent de faire pression sur les salariéEs, de mettre en place des organisations du travail insupportables.
Nous invitons tous les personnels de l’éducation nationale et les habitants de Pantin à se joindre à l’hommage organisé en mémoire de Christine Renon, et à demander des comptes à l’Éducation nationale, jeudi 26 septembre 2019 à 18 heures devant l’école Méhul, 30 rue Méhul à Pantin.
NPA, Montreuil, le 25 septembre 2019.
• Mercredi 25 septembre 2019, mise à jour Mercredi 25 septembre 2019, 20:57 :
https://npa2009.org/communique/suicide-dune-directrice-decole-pantin-le-ministere-doit-rendre-des-comptes
Suicide de Christine Renon : l’État m’a tuée
« L’idée est de ne pas faire de vague et de sacrifier les naufragés dans la tempête ! » Christine Renon, directrice de l’école maternelle Mehul de Pantin, est l’une de ces sacrifiéEs, qui s’est suicidée le 21 septembre dans son établissement. Dans la lettre qu’elle a envoyée, elle décrit son épuisement professionnel, son sentiment de solitude face à l’administration et son manque de confiance en l’institution. Ce nouveau suicide doit alerter sur les conséquences des politiques menées depuis de nombreuses années dans l’éducation nationale, dans la fonction publique et partout ailleurs. Oui, le travail tue !
Ce suicide montre une fois de plus que l’État peut, en tant qu’employeur, pousser au suicide : autoritarisme, infantilisation, humiliation, pressions hiérarchiques, réformes incessantes, restructurations, suppressions de postes… Aujourd’hui les conditions de travail dans l’ensemble des administrations se dégradent et tous les personnels sont pressurés. La souffrance au travail existe bel et bien et les burn-out, les démissions, les suicides se développent partout… malgré l’omerta. Et ce que vient de faire Christine Renon avec son geste tragique et ses lettres, c’est de briser l’omerta, mettre au grand jour les suicides, les conditions de travail des directeurs et directrices d’école, mais aussi celles de nombreux secteurs : hospitalier, rail, finances publiques, territoriale…
Le cas de Christine Renon fait écho à une infinité de situations, dans le public comme le privé. Car la réalité du travail est à des années-lumière du monde aseptisé et pacifié que certains veulent nous vendre. Combien d’entreprises, petites ou grandes, avec leurs pressions managériales, leurs restructurations perpétuelles accompagnées de répression syndicale, combien de travailleuses et de travailleurs touchés ? Nul besoin de sondages ou d’enquêtes internet : il suffit de travailler pour le savoir.
Christine Renon a voulu que son suicide porte, loin, fort, qu’il pousse à réfléchir, à se mobiliser, à faire bouger les choses. Elle a voulu faire de sa mort un acte militant. Agissons donc toutes et tous pour ne plus perdre notre vie à la gagner !
Josephine Simplon
• Créé le Mercredi 2 octobre 2019, mise à jour Jeudi 3 octobre 2019, 10:55 :
https://npa2009.org/actualite/services-publics/suicide-de-christine-renon-letat-ma-tuee