Nous venons d’entendre le préfet de Seine-Maritime déclarer que l’état de l’air à Rouen était « habituel ». C’est à se demander d’où il parle pour ne pas sentir, selon la direction et la force du vent, selon les quartiers, cet air irrespirable qui nous asphyxie, s’infiltre dans nos poumons, nos maisons, nos bureaux, nos lieux de travail, irrite nos gorges, nos yeux, nous provoque des migraines, nous fait parfois vomir et nous réveille la nuit. Cette affirmation est insoutenable car elle fait passer pour des hystériques ou des mystificateurs ceux, nombreux, qui continuent de subir cette odeur suffocante dans une atmosphère toujours saturée à l’heure où nous écrivons…
Des centaines de milliers de personnes à Rouen et ses environs, légitimement inquiètes, se sentent méprisées par la suite de communiqués qui prétendent que tout est sous contrôle. « Dormez tranquilles braves gens, les relevés n’indiquent rien d’anormal. » L’empressement avec lequel on cherche à nous rassurer en oubliant les simples mots de compassion, de sollicitude après ce traumatisme ! Et aujourd’hui on nous assure que tout est normal. Comme dans la chanson de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem. Si c’est vraiment le cas, changez vos méthodes et vos outils de mesure, car il y a un vrai problème.
Nos enfants respirent un air malsain, insalubre depuis des jours. Certains de nos jardins sont noircis d’hydrocarbures rendant les cultures de nos potagers impropres à la consommation. Pour combien de temps ? Nous y trouvons des morceaux d’amiante, des débris non identifiés, de fines poussières jaune-vert. Nos maisons sont tachées de suie noirâtre. Nous toussons, nous respirons mal. Les plus fragiles sont hospitalisés. Quand nous le pouvons, nous fuyons pour chercher l’air sain auquel tout citoyen devrait avoir droit.
Notre ville, dont l’embellissement récent nous rendait heureux, et où nous aimons vivre, est souillée, abîmée, noircie, « clairement polluée ». Agnès Buzyn, ministre de la solidarité et de la santé, venue faire ce constat de l’évidence, nous dit : « Il faut se laver les mains, et il faut nettoyer. » Est-ce cela le plan du gouvernement après une catastrophe industrielle Seveso ? Se laver les mains et nettoyer ? C’est à nous Rouennais et habitants de l’agglomération de décontaminer notre ville ? Nos jardins ? Nos champs ?
Vous n’avez rien d’autre à nous dire ?
Expliquez-nous pourquoi nous ne savons toujours pas de quoi est composé l’air que nous avons respiré depuis jeudi matin ?
Expliquez-nous pourquoi, puisqu’il existe sur le secteur de Lubrizol un Plan de prévention des risques technologiques piloté par la Dreal Normandie et que ce type de plan s’applique aux zones présentant des risques majeurs, comme c’est évidemment le cas d’une usine classée Seveso, rien n’ait, semble-t-il, été mis en œuvre en conséquence vis-à-vis des populations dès le déclenchement de l’incendie ?
Expliquez-nous pourquoi, si tout est si normal, des policiers travaillent avec des masques à gaz ?
Expliquez-nous comment il est possible qu’un site Seveso puisse être recouvert d’amiante ?
Dites-nous quelles dispositions le gouvernement va prendre pour organiser le suivi épidémiologique de toute la population des villes touchées par ce nuage toxique de 22 kilomètres de long et 6 km de large ? S’il a l’intention de le faire ?
Expliquez-nous comment une usine classée Seveso seuil haut peut exister à 500 mètres d’un centre-ville avec un bassin de population aussi important, en face d’un futur écoquartier ?
Expliquez-nous pourquoi un arrêté préfectoral suspend pour 112 communes collecte du lait, d’œufs, de miel, livraison d’animaux, interdit les récoltes, mais nous, habitants, aurions respiré un air qui ne serait pas particulièrement dangereux ?
Que dites-vous aux agriculteurs, aux éleveurs, aux maraîchers, aux apiculteurs ? Dont pour certains l’activité économique est déjà en péril ? Que dites-vous aux malades ? Aux femmes enceintes ?
Que dites-vous aux salariés de l’usine, vivant souvent près du site, désormais au chômage technique, également secoués par cette catastrophe ? Aucun mot n’a été prononcé publiquement à leur égard.
Que dites-vous aux professionnels du tourisme qui reçoivent des annulations en série ?
Que répondez-vous aux médecins qui s’alarment de découvrir les taux affolants de plomb et autres métaux lourds auxquels nous avons pu être exposés ?
Les conséquences immédiates et à venir de ce désastre sont si nombreuses que nous ne pouvons pas toutes les énumérer. Mais nous enrageons de recevoir si peu d’égards, de soutien, et surtout d’informations claires. Sur ce qui s’est passé et ce qui va se passer à l’avenir.
Par ailleurs, nous avons entendu le président de Lubrizol, Frédéric Henry, dire que le secteur de l’usine où l’incendie s’est déclenché était un lieu de stockage, sans activité industrielle, et donc qu’il ne faisait pas partie des secteurs du site où l’entreprise avait anticipé d’éventuels accidents dans ses scénarios et exercices de crise. Si nous avons bien compris son propos, il nous semble grave.
Nous, Rouennais, ou liés à cette ville, habitants des villes environnantes, signataires de ce texte demandons :
– La reconnaissance de l’état de catastrophe technologique.
– Une refonte totale de la législation concernant tous les sites Seveso sur le territoire français en tenant compte de l’avis des premiers concernés : les habitants. Car soyez bien certains que cette catastrophe se reproduira. A Rouen, où nous vivons sur un baril de poudre, ou ailleurs.
– Une réponse gouvernementale à la hauteur de ce qui a eu lieu : une catastrophe majeure.
– Et enfin, que les dirigeants de l’usine Lubrizol dont les prises de paroles depuis jeudi sont affligeantes de lâcheté et de cynisme soient mis le plus vite possible devant leurs responsabilités qui sont immenses.
Premiers signataires : Ingrid Gogny, Agnès Libert, Annabelle Rakotondratsima, Yann Boisselier, Annick Delaunay Crouail, Pascale Greene, Dominique Gogny, Jane Planson, Myriam Libert, Nùria Rodriguez, Jeanne Gogny, Mathieu Letessier, Catherine Briez, Véronique Piton, Bernard Langlois, Christine Boisselier-Daré, Camille et Vincent Guilbert, Catherine Lecourtois, Franck Gibaux, Frédérique Martincourt, Ninon et Olivier Dumoulin, Nathalie Le Gendre, Virginie Mendzildjian, Elise Vannier, Baptiste Beaud, Anne Jézequel, Baptiste Bernard, Sylvie Jeanne, Jérôme Duclos, Aurélie Bruyère, Philippe Gauthier, Patrick Desile, Hélène deVillars, Marie Thevenet Defreitas, Claude Robinson, Thomas Gogny, Françoise et Jean-Marie Gehan, Carole Jubert Canet, Marie Chevrin-Garric, Caroline Lavoinne, Karine Preterre, Philippe Robinson, Loïc Seron, Théophile Gratien, Jean-Marc Delacruz, Angèle Humbert, Martin Sanchez, Franck Beharelle, Caroline Cintas, Suzanne Saint-Cast, Sandrine Charré, Jean-Paul Darras, Jules Laurent, Fred Levavasseur, Sabine Meier, Anne Vincelot, Marine Francin, Héléna Visinali, Loïc Bosser, Justine Barret, Léandre Bosser, Armand Bosser, Evelyne Martincourt, Gilles Gogny, Georges Robinson, Patricia Duchesne, Agim Lekaj, Lisa Létiche, Emilie Faudemer, Véronique Langlois, Clara Lagadec, Cécile Fort, Guilhem Julia, Marie Delattre, Sylvia Brunet, Damien Hardy, Dominique Jouet, Vincent Dubois, Pierre-Alexandre Jouvençon et Sylvie Dufaur, Frédéric Rabin, Francisca Rabin Maia de Souza, Sasha Leroy, Ingrid Rabin, Jean-Michel Leroy, Gladys Leroy Testu, Jean Claude Testu, Liliane Testu, Erick Boquen, Baptiste Sibille, Jacky et Isabelle Cellier, Haïfa Rabai, Marceau Minot, Lydie Turco, Fréderic Layec, Anne Lemeteil, Patrick Lefèvre, Anne Le Douarec, Jean-Pierre et Claudine Feray.
Collectif C’est normal ?
• Libération, 30 septembre 2019 à 16:34 :
https://www.liberation.fr/debats/2019/09/30/a-rouen-une-colere-noire_1754516
LPO Normandie : Accident chimique à Rouen.
Suite à l’accident dans l’usine Lubrizol de Rouen, la LPO Normandie a été alertée par des citoyens sur des mortalités d’oiseaux à proximité du site. A ce stade, nous n’avons pas d’éléments probants permettant de faire un lien avec ce grave accident, en particulier pas de témoignages multiples.
Mais le risque pour la biodiversité et évidemment pour la santé des habitants est bien réel. Nous condamnons fermement l’absence de transparence de la préfecture de Seine-Maritime et du ministre de l’intérieur qui se permettent de déclarer : « Il n’y a pas de dangerosité particulière…Il n’y a pas de risque avéré pour la population. Des premières analyses de la qualité de l’air…n’ont pas mesuré de toxicité aiguë de l’air. »
Or, ceci est faux et ces autorités le savaient très bien quand elles se sont exprimées. En effet, dans le même temps, par un premier communiqué de presse et une alerte sur son site le 27 septembre (puis une confirmation dans un long communiqué détaillé le 28 septembre) l’association ATMO Normandie, chargée des mesures a bien précisé : « Son mode de calcul (indice de la qualité de l’air) ne prend pas en compte les polluants atypiques émis lors d’accident. Des mesures complémentaires ont été réalisées dont l’analyse complexe ne peut être en temps réel car faite en laboratoire de chimie. »
ATMO Normandie a donc honnêtement reconnu que…on ne savait rien à ce stade ! Et le même préfet qui affirme qu’il n’y a pas de danger a émis les recommandations suivantes : les éleveurs doivent mettre leurs bêtes sous abri, il est interdit de nourrir les bêtes avec des aliments souillés, il faut faire pâturer les bêtes sur des pâtures saines (on rappelle qu’elles doivent en même temps être sous abri et on s’interroge sur les moyens de vérifier qu’une pâture est saine !), les agriculteurs ne doivent rien récolter, ne doivent pas nettoyer les champs, les riverains ne doivent pas consommer les produits de leurs jardins s’ils ne sont pas épluchés ou lavés (donc en cas de pollution chimique il suffirait de laver les légumes avec de l’eau…polluée ! Mais c’est vrai que le Préfet a aussi dit qu’il n’y avait pas de risque concernant les nappes phréatiques…).
De qui se moque-t-on ? On nous fait de nouveau tout simplement le « coup » du nuage nucléaire de Tchernobyl qui n’a pas passé la frontière…
Avec tous ces discours, comment les citoyens peuvent-ils avoir confiance dans l’Etat ? Et comment pourront-ils suivre des consignes de la préfecture, quand celle-ci a perdu toute crédibilité ?
Il y avait pourtant autre chose à faire :
– d’abord dire tout simplement que l’on ne savait pas.
– puis, mettre en place une commission de surveillance en associant les syndicats, les associations environnementales afin qu’elles puissent garantir la transparence des informations et du suivi de la crise.
Au vu de ces informations et du risque pour la biodiversité et la santé des habitants, la LPO Normandie exige une vraie transparence et une expertise biodiversité crédible. Nous participerons ainsi à la manifestation à Rouen du mardi 1er octobre.
Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) Normandie
NPA - Incendie de Rouen : nous voulons savoir, et Lubrizol doit payer !
Alors que l’usine Lubrizol de Rouen dégageait encore une immense colonne de fumée, le gouvernement et son préfet s’entêtaient à dire qu’il n’y a pas de risque toxique aigu. Or, le site stockait des produits toxiques et dangereux pour l’environnement. Le toit parti en fumée contenait de l’amiante, produit hautement cancérigène, tout comme la suie et les benzènes.
Alors que l’on interdit les récoltes, et de faire sortir le bétail, de consommer œufs et lait produits dans 112 communes, on voudrait nous faire croire qu’il n’y a pas de risques pour la santé !
Dimanche soir, la préfecture et l’inspection académique ont annoncé que tous les établissements scolaires pouvaient rouvrir ce matin car ils avaient été « nettoyés ». Ce matin, dans plusieurs établissements, des enseignantEs ont exercé leur droit de retrait et ils et elles ont bien raison ! Car ils n’ont eu aucune garantie sur la fiabilité des procédures de nettoyage.
Le patron de Lubrizol s’est dit « très étonné » de l’incendie. Mais on peut remarquer que la zone qui a brûlé était confiée en sous-traitance à une entreprise de… nettoyage ! Est-ce normal que, pour des raisons de coûts, un secteur d’une entreprise Seveso haut seuil soit sous-traité ? Qui est responsable des produits qui se sont répandus dans l’atmosphère ? Qui a planifié le stockage des produits dangereux ? Qui a laissé un toit amianté, alors que la pose de toit fibro-ciment est interdite en France depuis 1996 ? La direction de l’entreprise est responsable. C’est elle qui a obligation de sécurité.
Nous exigeons que les dirigeants de Lubrizol et le gouvernement livrent toutes les informations nécessaires pour établir la vérité sur la situation : les produits présents dans l’usine, ceux qui ont brûlé, des analyses complètes de l’air, de l’eau et des suies, le respect ou non des procédures de sécurité par Lubrizol et la préfecture.
Nous exigeons qu’une commission d’enquête indépendante de l’État et de ses services soit mise en place, et ait accès à toutes les données.
Nous exigeons un suivi amiante (et des autres produits) pour touTEs, notamment les pompiers en première ligne, victimes d’une surmortalité par cancer.
Nous exigeons que Lubrizol prenne en charge tous les dommages causés sur la santé et l’environnement. Et aucunE salariéE de Lubrizol ou des entreprises sous-traitantes ne doit pâtir de cette situation : maintien intégral de leur salaire !
Nous luttons pour lever le voile sur les affaires des capitalistes, pour mettre fin aux secrets industriel et commercial, qui leur permettent de cacher, sous couvert de l’impératif de la concurrence, qu’ils sont les seuls responsables des dégâts écologiques.
Nous appelons à participer à la manifestation unitaire à Rouen, mardi 1er octobre à 18h, Palais de justice de Rouen, et au rassemblement devant le siège parisien de Lubrizol, à 18h à la Défense.
NPA, Rouen et Montreuil, le 30 septembre 2019.
Robin des Bois : Comment le secret s’est abattu sur les usines Seveso
Communiqué Lubrizol n°1
La carence d’informations sur les matières dangereuses impliquées dans l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen découle de l’instruction du gouvernement du 6 novembre 2017 relative à « la mise à disposition et aux conditions d’accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d’actes de malveillance dans les installations classées pour la protection de l’environnement ». Cette instruction a été vivement critiquée par le représentant de Robin des Bois au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) quand elle a été présentée à la séance du 5 septembre 2017. Immédiatement après cette réunion, Robin des Bois a publié un communiqué intitulé « L’Instruction omertante » et qui se concluait ainsi : « Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, l’État démantèle la culture collective de sécurité et le droit de chacun à savoir où il met les pieds et les poumons ».
Ce communiqué a créé un vif incident entre Robin des Bois, le cabinet du Premier ministre et le ministère de l’Écologie. Fin novembre 2016, pendant la préparation de cette instruction, Robin des Bois avait été consulté par une mission intergouvernementale. Les représentants de l’association étaient favorables dans les circonstances du moment à ce que les plans précis des usines avec l’emplacement des bacs, stockages, rétentions contenant des substances dangereuses pour la santé humaine et l’environnement ne fassent pas l’objet d’une communication sur internet. Cependant, Robin des Bois réaffirmait la nécessité, conformément à l’article L125-2 du code de l’environnement (1), d’informer loyalement les populations permanentes ou temporaires sur les substances dangereuses et les risques auxquels elles sont exposées en fonctionnement normal, en fonctionnement dégradé et en situations accidentelles. Sur un plan pratique, Robin des Bois avait recommandé dans le cadre de cette consultation que les clôtures des établissements Seveso soient notablement renforcées et que des rondes nocturnes physiques soient multipliées. La communication du rapport final de cette mission intergouvernementale a été refusée à Robin des Bois ; ce document n’est pas public.
Depuis l’application de cette instruction certaines rubriques des arrêtés préfectoraux et des autres documents publics d’information sont classés comme confidentiels. Robin des Bois avait aussi prévenu que cette « censure » entraînerait de nombreux contentieux après des accidents majeurs. Il s’agit d’un retour en arrière considérable par rapport aux progrès dans l’information préventive réalisés après la catastrophe d’AZF à Toulouse en septembre 2001.
Maintenant que la catastrophe a eu lieu chez Lubrizol à Rouen, Robin des Bois demande aux pouvoirs publics de révéler l’inventaire qualitatif et quantitatif des substances, produits et déchets présents sur le site. D’après les informations parcellaires en notre possession en provenance de sources ouvertes, il s’agit en particulier de :
– pentasulfure de phosphore (considéré comme précurseur d’armes chimiques) et d’acide dithiophosphorique
– di-alkyl dithiophosphates de zinc (DATP ou ZDDP) et ses substances intermédiaires
– additifs détergents et dispersants
– acide chlorhydrique et sous-produits chlorés dont du dioxyde de chlore et des chlorures de soufre
– solvants divers notamment éthylhexanol
– hydrocarbures simples, hydrocarbures sulfurés, hydrocarbures azotés, hydrocarbures phosphorés
– soude ou potasse caustique
– substances ou mélanges non-nommés dégageant des gaz toxiques au contact de l’eau
– diverses substances toxiques pour les organismes aquatiques
– sources radioactives scellées
– amiante
Par ailleurs, les sols et les eaux souterraines du site Lubrizol Rouen sont pollués à l’arsenic, aux Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques et au zinc et ces pollutions sont attribuées aux activités de l’usine.
La combustion de ces matières et des installations industrielles produit des substances toxiques et persistantes comme des dioxines et des furanes. Les conséquences sanitaires et environnementales de cette marée noire atmosphérique vont devoir être étudiées pendant plusieurs mois et années et sur un vaste périmètre. Plusieurs fragments d’amiante provenant des toitures de Lubrizol ont atterri dans la nuit de l’incendie dans des jardins sur les hauteurs de Rouen à plus de 3,5 km du sinistre. Certains bâtiments de cette usine Seveso soumise aux risques d’incendie, d’explosion et de surpression étaient encore couverts par 8000m2 de tôles en fibre d’amiante et en ciment. Le préfet a prescrit des mesures d’empoussièrement par les fibres d’amiante dans un rayon de seulement 300 m autour de l’usine dévastée.
(1) Article L125-2 du code de l’environnement : « Les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles. »
Documents complémentaires :
– Fiche d’information Seveso de l’usine Lubrizol de Rouen où il est indiqué : « Les accidents pouvant entrainer une explosion sur les installations ont une probabilité d’apparition relativement faible (évaluée au maximum à une fois tous les 10.000 ans). »
http://www.robindesbois.org/wp-content/uploads/Fiche-Seveso-Lubrizol-Rouen-RobindesBois.pdf
– Arrêté préfectoral du 26 septembre 2019 imposant à la société Lubrizol des prescriptions de mesures d’urgence pour son site situé sur la commune de Rouen.
http://www.robindesbois.org/wp-content/uploads/AP-26-sept-19-Lubrizol-mesures-urgence-RobindesBois.pdf
– Arrêté préfectoral du 28 septembre 2019 relatif à des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d’origine animale et végétale produites sur la zone impactée par les retombées de suies de fumées de l’incendie de l’usine Lubrizol.
http://www.robindesbois.org/wp-content/uploads/AP-28septembre-2019-robindesbois2.pdf
Reportage photos et vidéo : voir le lien ci-dessous
• http://www.robindesbois.org/comment-le-secret-sest-abattu-sur-les-usines-seveso/
Jacky Bonnemains (Robin des Bois) : « Impossible de tourner la page Lubrizol tout de suite ! »
Jacky Bonnemains est un militant normand, président-fondateur de l’association de protection de l’homme et de l’environnement Robin des Bois. Interview.
Joce HUE : sont les risques induits par l’incendie de Lubrizol ?
Jacky Bonnemains : « Notre première pensée va aux pompiers qui sont intervenus, ainsi qu’aux intérimaires qui campent dans des caravanes à côté de l’usine. Le panache était certes spectaculaire, mais c’est sa toxicité qui nous intéresse. Des produits comme des hydrocarbures cancérogènes, de l’acide chlorhydrique ou des oxydes de zinc ont brûlé, occasionnant sûrement des dégagements de métaux lourds et de dioxines. Quoi d’autre ? On ne sait pas... Il faut donc connaître l’inventaire exact de ce qui a brûlé. Tout ça va avoir des conséquences environnementales et sanitaires sur un temps long. Nous demandons au préfet d’émettre un arrêté obligeant l’industriel à financer sous la responsabilité des services de l’état une véritable analyse environnementale. Nous demandons au préfet d’obliger l’industriel à financer une enquête d’ampleur sur les risques sanitaires, pour connaître notamment ce qui est retombé dans les champs, les prairies, les abreuvoirs, les potagers, les puits, les rivières...
Nous pensons notamment au monde agricole, les cheptels des agriculteurs et les produits des maraîchers notamment. Nous craignons que des denrées alimentaires soient contaminées. Il faudra peut-être retirer du marché la viande, le lait, les fruits et légumes. Et puis les nappes phréatiques ont-elles été touchées ? Sans parler de la pollution de la Seine, où des moyens Polmar (“pollution maritime”) ont été engagés pour pomper et contenir la marée d’hydrocarbures et de liquides toxiques qui a envahi les 14 hectares de l’usine, avec un arrosage permanent pour diluer cette couche surnageante de 1 à 2 cm d’hydrocarbures. »
Les autorités jouent-elles leurs rôle ?
« Il y a eu quelques recommandations, mais pas d’arrêté coercitif. Or, une intoxication des populations est tout à fait possible. On ne sait rien de la composition de cet air fétide, il n’y a pas d’analyse de l’eau des puits... C’est dangereux d’affirmer qu’il n’y a pas de toxicité. Il faut d’abord s’assurer que l’air est salubre avant que les écoles et les crèches ne rouvrent demain. Il n’y a aucune clairvoyance du préfet, qui cherche manifestement à raccourcir la cinétique de l’événement afin de le clore prématurément.
Ce n’est pas possible de tourner la page tout de suite ! Il faut donc qu’il prenne un arrête global, reprenant tous les aspects de cette toxicité. Nous avons été associés à la rédaction de la circulaire du 20 février 2012 relative à la gestion des impacts environnementaux et sanitaires d’événements d’origine technologique en situation post-accidentelle.
Tout est là : il faudrait mettre les moyens, avec notamment une cellule post-accident technologique pour mieux appréhender les conséquences et les risques de sur accident, notamment avec l’usine de traitement des déchets Triadis à proximité immédiate de Lubrizol. Sous la responsabilité de la Dreal, l’industriel s’était engagé à réduire à la source les risques. Le PPRT indique un rayon de 600 à 650 mètres qui pourrait être affecté par un incendie ou une explosion. Cela s’avère manifestement insuffisant, puisque les effets se sont fait sentir à plus de 20 kms de l’usine. »
Vous dénonciez déjà en 2013 la dangerosité du site de Lubrizol...
« Lubrizol n’est pas un cas unique, mais c’est assez exceptionnel. L’usine existe depuis 1953 et s’est fait rattraper par le tissu urbain. On y trouve des stocks de déchets et des substances toxiques très diverses, à tel point qu’il est impossible de dire quelles sont celles qui ont brûlé. C’est tout de même étonnant qu’un feu se déclare en pleine nuit.
Le management de cette usine à peut-être manqué de rigueur et de conscience des risques, tant économiques pour l’entreprise elle-même que sanitaires et environnementaux. Je ne pense pas qu’elle pourra repartir, que Lubrizol pourra être reconstruite. Cela va sûrement devenir une friche industrielle avec un avenir compliqué, restant en l’état un bon moment, des problèmes de décontamination du terrain. Sans compter la pluie qui va disséminer les polluants par écoulement et l’envol de poussières par temps sec. »
• PARIS-NORMANDIE. PUBLIÉ LE 29/09/2019 À 07:30 MIS À JOUR LE 29/09/2019 À 07:30 :
https://www.paris-normandie.fr/actualites/jacky-bonnemains-robin-des-bois--impossible-de-tourner-la-page-lubrizol-tout-de-suite--DG15640157