Nos camarades britanniques viennent de publier, en anglais, un livre de la révolutionnaire cubaine Celia Hart. Chercheur en physique, éduquée en République Démocratique Allemande, membre du Parti Communiste Cubain, Celia Hart est fille de deux figures historiques de la Révolution Cubaine : Armando Hart, ex-Ministre de l’Éducation et Haydée Santamaria, dirigeante du Mouvement 26 Juillet et, plus tard, directrice de la Casa de las Americas (elle s’est suicidée en 1980). Ce petit mais passionnant ouvrage rassemble quelques-unes de ses interventions ou entretiens — entre autres au journal « Rouge » — des quatre dernières années.
Esprit libre et courageux, Celia Hart a découvert, en lisant Trotsky, l’explication de la crise et de l’effondrement du prétendu « bloc socialiste ». C’est grâce à lui, au fondateur de l’Opposition de Gauche, écrit-elle, que j’ai compris que justice sociale et liberté individuelle ne sont pas contradictoires : nous ne sommes pas condamnés à choisir entre les deux.
L’écroulement du mur de Berlin et la fin de l’URSS ne signifient pas la fin du socialisme : la société socialiste, qui ne peux exister qu’à l’échelle planétaire, appartient à l’avenir, non au passé. Et si aujourd’hui la Russie, dans les mains d’une Mafia capitaliste/bureaucratique, a renié son passé révolutionnaire, le drapeau rouge avec la faucille et le marteau flotte encore sur le tombeau de Lev Davidovitch, à Coyoacan. Ramon Mercader, le tueur stalinien — dont la présence à Cuba dans les années 1960 lui reste une évidence insupportable — a pu liquider un homme, mais pas ses idées : l’internationalisme, la révolution permanente.
Ces idées ont trouvé leur place dans l’histoire du communisme cubain : C. Hart rappelle que Julio Antonio Mella, le fondateur du Parti Communiste Cubain dans les années 1920 — il sera assassiné au Mexique en 1930 — était proche de l’Opposition de Gauche et que Ernesto Che Guevara a saisi, mieux que personne, la dynamique de révolution permanente du processus cubain et du combat en Amérique Latine : « ou révolution socialiste ou caricature de révolution ». Si son intérêt pour Trotsky ne s’est manifesté que lors de ses dernières années — on sait qu’il a emporté avec lui en Bolivie L’Histoire de la Révolution Russe — le Che avait trouvé, par ses propres moyens, quelques-unes des plus importantes idées du fondateur de l’Armée Rouge. C’est Che Guevara qui a fait de moi une trotskiste, écrit-elle…
Si Celia Hart regrette le silence sur Trotsky qui règne à Cuba, elle ne manifeste pas moins son adhésion enthousiaste à la Révolution cubaine, ainsi qu’au processus bolivarien enclenché par Chavez au Venezuela. Il n’existe pas, il ne peut pas exister, de « socialisme dans un seul pays », mais nous avons connu, au cours du XXe siècle, des authentiques révolutions socialistes, donc la cubaine est un des exemples les plus frappants. Elle voit aussi les dangers qui menacent son avenir : l’interpénétration de la bureaucratie avec le marché peut donner naissance à une bourgeoise prête à restaurer le capitalisme. Dans ce cas, Cuba connaîtrait le même destin que la RDA… Elle pense toutefois que la révolution cubaine a la possibilité de corriger ses propres erreurs, grâce à une perspective internationaliste.
Personnage charismatique, animée d’une foi et d’une énergie inépuisables, Celia Hart est convaincue, comme le dit le titre de son livre, qu’« il n’est jamais trop tard pour aimer et pour se révolter ». Dans ce petit livre émouvant, qui se termine avec une lettre de prison de sa mère, Haydée Santamaria, datée de 1953, elle donne libre cours à son amour pour la révolution et sa révolte contre les injustices du capitalisme et du stalinisme.