“Après avoir mis le feu au Parlement local, la foule a brûlé les bureaux des télécommunications et de la poste centrale, ainsi que d’autres bâtiments voisins. Des pierres ont été également jetées sur des hôtels de la ville. La situation tourne à l’anarchie”, s’inquiète le quotidien indonésien Kompas pour signaler les émeutes à Jayapura, la capitale provinciale de la Papouasie, le 29 août au matin.
La veille, au moins deux civils et un militaire ont trouvé la mort lors d’échauffourées entre les manifestants et les forces de l’ordre dans le district de Deiyai, signale The Jakarta Post, un des rares journaux indonésiens à suivre de près les manifestations qui depuis dix jours se multiplient dans les deux provinces indonésiennes de Papouasie..
Selon le porte-parole de la police de Papouasie :
“Un millier de personnes armées d’arcs, de lances et de machettes ont rejoint les manifestants et ont commencé à danser la waita [une danse de guerre traditionnelle] et à lancer des pierres sur les forces de sécurité… si bien que celles-ci ont tiré sur les attaquants.”
Un bilan incertain
The Jakarta Post a interviewé par téléphone le prêtre catholique papou Santon Tekege, présent lors de la manifestation à Deiyai. “Il a vu neuf personnes blessées par balle, sous le drapeau indonésien, devant le bureau du régent [administrateur local]. La situation étant devenue plus tendue, il a fui la scène.”
“Santon s’est ensuite rendu à l’hôpital, où il a encore vu trois civils blessés par balle et six membres des forces de sécurité blessés,” poursuit le quotidien.
Une zone fermée aux médias
Depuis plus d’une semaine, les manifestations s’étendent dans les deux provinces indonésiennes situées sur l’île de Nouvelle-Guinée. Les protestations ont démarré le 20 août en réaction aux insultes racistes professées lors d’un assaut mené par les forces de l’ordre contre des étudiants papous à Surabaya trois jours plus tôt.
Malgré l’ampleur des contestations, la presse indonésienne reste très discrète sur ces événements. Malgré les difficultés rencontrées pour couvrir ce qui se passe dans cette zone traditionnellement difficile d’accès aux journalistes, The Jakarta Post a publié une vidéo dont les images montrent l’étendue des rassemblements.
Vers un nouveau référendum d’auto-détermination ?
Le journal note que les manifestants expriment leur colère face au racisme dont ils sont la cible [de la part des autres habitants d’Indonésie].
“Nombreux sont ceux qui demandent un nouveau référendum afin de décider de leur destin : rester dans l’Indonésie ou en sortir.”
En outre, poursuit le journal, “certains manifestants portaient une bannière rouge marquée d’une étoile blanche, le drapeau du Comité national de la Papouasie occidentale, une organisation qui demande l’autodétermination pour les Papous.”
La Papouasie, une épine dans le pied de l’Indonésie
Courrier International - August 29, 2019
Depuis 1969, la partie occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée fait partie intégrante de l’Indonésie. Mais les velléités indépendantistes n’ont pas cessé face aux injustices récurrentes. Décryptage.
Qu’est-ce que la Papouasie indonésienne ?
La Papouasie “indonésienne” s’étend sur un peu plus de la moitié de la Nouvelle-Guinée, la deuxième plus grande île du monde (786 000 kilomètres carrés).
Au tournant du XXe siècle, l’île de Nouvelle-Guinée était colonisée par trois puissances : les Pays-Bas (partie occidentale), l’Allemagne (nord-est) et le Royaume-Uni (sud-est).
Après la Première guerre mondiale, la partie orientale est passée sous administration australienne, avant de devenir indépendante en 1975.
Une colonisation indonésienne
La région occidentale de la Nouvelle-Guinée est, pour sa part, considérée par l’Indonésie comme faisant partie intégrale de sa République dès 1945. Au même titre que tous les autres territoires anciennement administrés par les Indes Néerlandaises.
Le 1er décembre 1963, l’Organisation de la Papouasie libre (OMP) déclare l’indépendance de ce territoire au moment où l’armée indonésienne commence à l’occuper.
Un référendum contesté
L’accord de New York signé sous l’égide des Nations unies, le 15 août 1962, prévoit le transfert à l’Indonésie du territoire de la Nouvelle-Guinée occidentale alors sous tutelle des Pays-Bas. Il garantit la tenue d’un référendum.
Ce dernier s’est tenu en avril 1969. Les résultats en faveur du ralliement à l’Indonésie ont été entérinés par l’ONU. Une consultation considérée comme truquée par l’OPM, qui engage une rébellion armée.
Jusqu’à récemment, rares étaient les intellectuels indonésiens à mettre en cause la légitimité de ce référendum. Mais, en 2017, les États-Unis ont déclassifié des archives sur cette période.
L’hebdomadaire Tempo s’est saisi de cette occasion pour briser le tabou :
“Ces archives déclassifiées notent qu’en 1969, environ 1 000 Papous ont été choisis pour voter, sous la contrainte, en faveur du contrôle de leur territoire par l’Indonésie.”
Le magazine indonésien poursuit en rappelant qu’“avant son annexion, les Néerlandais n’avaient exprimé aucune objection pour que la Papouasie se dote d’un gouvernement propre. Mais, en 1967 déjà, le gouvernement des États-Unis apportait son soutien à la société américaine Freeport pour exploiter les riches gisements de cuivre et d’or en Papouasie occidentale.”
Freeport, la manne et le poison
En 1967, la compagnie américaine Freeport signe avec le gouvernement indonésien un contrat d’exploitation de la plus grande mine d’or et la troisième de cuivre du monde sur le mont Grasberg, dans la province de Papouasie.
Selon le quotidien indonésien Kompas :
“Ce contrat entache la Constitution indonésienne de 1945 à plusieurs titres. Il met un conglomérat sur le même plan que l’État. Au regard des populations locales, il est nul et non avenu parce qu’il a été signé entre le gouvernement central et Freeport, et non avec les citoyens papous (Amungme et Kamoro), propriétaires des terres de la zone d’exploitation minière.”
Des populations ont été déplacées de force.
Pour Kompas :
“Il n’est donc pas étonnant que les Papous considèrent Freeport Indonesia comme un nouvel impérialisme. Le gouvernement indonésien est identifié comme le bras droit du conglomérat.”
Freeport contribue pour 0,8 % au PIB de l’Indonésie, pour 37,5 % au PIB de la région de Papouasie, et pour 91 % au PIB du district de Mimika.
À son arrivée au pouvoir en 2014, le président Joko Widodo souhaite que l’Indonésie acquière la majorité des actions de Freeport.
C’est chose faite suite à un accord signé en septembre 2018 après un long bras de fer avec la compagnie américaine.
51 % des actions sont désormais détenues par l’État et par des entreprises indonésiennes, et 10 % de ces actions reviennent au gouvernement régional de Papouasie.
“Mais il ne suffit pas à la Papouasie de réclamer des actions. Le gouvernement régional doit, dès à présent, penser à anticiper et construire l’économie de la Papouasie après l’épuisement des mines de Freeport”, met en garde Kompas.
La durée d’exploitation restante est estimée jusqu’en 2065, date à laquelle la mine fermera et les milliers d’employés se retrouveront au chômage.
Richesses minières et grande pauvreté
Les deux provinces, Papouasie et Papouasie occidentale, sont dotées d’une large autonomie.
Les plus vastes d’Indonésie, elles sont également les plus riches du pays en matière de ressources naturelles et minières.
Pourtant, c’est aussi là que l’on constate le plus haut pourcentage d’habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté. Les cas de malnutrition, voire de famine, sont récurrents.
L’OPM continue de mener des attaques sporadiques contre les forces de l’ordre indonésiennes.
Droits de l’homme et infrastructures
“En 1967, avant le ‘référendum populaire’, l’armée indonésienne a massacré entre 1 000 et 2 000 Papous.”
Ce massacre, cité par Tempo sur la base d’archives américaines, a été mené en représailles de l’attaque contre deux militaires indonésiens blessés par des Papous.
Depuis, persécutions, meurtres et emprisonnement de militants indépendantistes en Papouasie par les forces de l’ordre indonésiennes n’ont pas cessé.
Malgré la démocratisation depuis 1998, la situation n’a guère évolué.
En mai 2015, le président Joko Widodo a fait un geste d’apaisement en graciant cinq prisonniers politiques papous condamnés à vingt ans de prison ou à perpétuité.
Il a promis que les quelque 90 prisonniers politiques papous encore détenus seraient eux aussi graciés.
Ces grâces présidentielles se sont doublées depuis d’une politique de construction massive d’infrastructures pour sortir les deux provinces papoues de leur “retard” par rapport au reste de l’archipel.
Quelle chance pour les indépendantistes et pour la paix ?
Lors d’embuscades lancées par l’OPM contre des forces de l’ordre ou des civils, le gouvernement indonésien parle toujours d’un “groupe criminel armé”.
Un phénomène qu’explique le quotidien Republika.
“L’appellation OPM est rarement utilisée par les autorités car ce serait de leur part reconnaître de façon explicite l’existence de ce mouvement indépendantiste et lui donner un pouvoir de négociation sur la scène internationale.”
Pour le prêtre papou, Peter Neles Tebay, fondateur du Réseau pour la paix en Papouasie (Jaringan Damai Papua), le dialogue est le seul moyen d’en finir avec les violations des droits de l’homme, confiait-il au journal Tempo en décembre 2017 :
“Parce que le dialogue ne tue personne.”
La Papouasie occidentale s’enflamme
Courrier International - August 22, 2019
Après quatre jours d’émeutes en Papouasie occidentale, Jakarta a dépêché sur place les plus hauts responsables de la sécurité. Signe de la défiance récurrente du pouvoir central face à ce territoire aux velléités indépendantistes.
Preuve que la situation dans les deux provinces indonésiennes de l’île de Nouvelle-Guinée est très préoccupante, les trois plus hauts responsables de l’État indonésien, après le président, viennent d’être dépêchés sur place.
“Le chef de la police nationale, Tito Karnavian, le chef des armées Hadi Tjahjanto et le ministre coordinateur des Affaires politiques, judiciaires et sécuritaires Wiranto, viennent [ce jeudi 22 août] de s’envoler pour la Papouasie”, rapporte Tempo en ligne..
Des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes de Papouasie occidentale depuis l’assaut par la police le 17 août, date la fête nationale indonésienne, d’une résidence d’étudiants papous à Surabaya, sur l’île de Java. L’assaut de la police s’est accompagné d’insultes racistes.
La situation semblait s’être quelque peu calmée à Manokwari et Sorong, théâtres d’émeutes lundi. Mais, mercredi 21 août, c’est la ville de Fakfak qui s’est enflammée : “Des affrontements se sont produits entre les manifestants et des habitants de Fakfak, ces derniers étant furieux des destructions et incendies provoqués par les émeutiers et du déploiement du drapeau à l’étoile du matin, étendard [interdit] des indépendantistes papous”, note Koran Tempo..
L’ombre des indépendantistes ?
“L’organisation de la Papouasie libre [l’OPM rejette depuis 1965 l’annexion de la Papouasie occidentale par l’Indonésie] a déployé le drapeau à l’étoile du matin et a forcé le maire de Fakfak à le brandir”, a déclaré au quotidien le chef de la police locale. Mais contacté par Tempo, le porte-parole de la branche armée de l’OPM, Sebby Sambom, réfute cette accusation :
“Il n’y a eu aucune instruction de l’OPM. Les Papous veulent l’indépendance. À chaque manifestation, ils la réclament.”
Sebby Sambom ajoute que l’OPM n’est pas impliquée dans la vague d’émeutes qui agite la Papouasie occidentale : “Le peuple est conscient de ses droits”, affirme-t-il.
Sous le titre “Jakarta se démène pour rétablir l’ordre en Papouasie”, le Jakarta Post précise que 960 hommes de la brigade mobile de la police ont déjà été envoyés en renfort à Manokwari, Sorong, Fakfak et Timika. Cinq unités supplémentaires vont être déployées sur place.
Coupure d’Internet
Autre mesure prise par Jakarta : le ralentissement de la bande passante, ordonné dans toute la Papouasie depuis mercredi soir. “Cette décision a été prise pour empêcher la diffusion de nouvelles mensongères, qui enveniment encore plus la situation dans ces deux provinces. Deux rumeurs ont été identifiées jusque-là. La première est la photo d’un étudiant papou tué sous les coups des forces de l’ordre à Surabaya. La seconde concerne une information selon laquelle deux personnes auraient été enlevées par la police alors qu’elles apportaient à manger aux étudiants papous repliés dans leur résidence”, précise Kompas le Jakarta Post.
Cette mesure est vivement critiquée par le directeur de l’Institut pour la réforme de la justice pénale (ICJR), Anggara. Il explique à Kompas :
“Si le gouvernement veut bloquer totalement tous ces services, il doit, conformément à la Constitution de 1945, faire, au préalable, une déclaration politique stipulant que le pays est en danger. Toute forme de restriction des droits de l’homme, sans explication, ni fondement, constitue une violation sérieuse de ces droits et doit être aussitôt suspendue.”
Un échec pour la politique de Jokowi
En conclusion de son article, le grand quotidien national dresse la liste de constructions d’infrastructures dans la province, lancées par le président Joko Widodo depuis son élection en 2014 : 3 851 km de l’autoroute transpapoue déjà terminés sur une longueur totale de 4 325 km, l’électrification en 2017 de 77 % de la Papouasie, contre 30 % en 2013, l’objectif étant de couvrir 85 % fin 2019, la construction de six aéroports, de deux gigantesques barrages.
Kompas souligne également que Widodo s’est déjà rendu dix fois dans ces deux provinces. En vain.
La colère des étudiants face aux injures des forces de l’ordre
Courrier International - August 20, 2019
Révoltés par les injures racistes de la police indonésienne, les étudiants de Papouasie occidentale ont manifesté le 19 août, incendiant le Parlement local et détériorant l’aéroport.
Lundi 19 août, en Papouasie occidentale – province indonésienne – des centaines d’étudiants papous ont manifesté, incendiant le Parlement local de Manokwari et brisant les vitres du terminal de l’aéroport de Sorong, considéré comme la porte d’entrée de Raja Ampat, joyau du tourisme indonésien.
Ils ont brandi des pancartes : “Nous ne sommes pas des singes, nous sommes des humains ! Stop au racisme !” rapporte Kompas.
Cette vague de manifestations estudiantines a été provoquée par un incident qui s’est produit deux jours plus tôt, à plus de 2 300 km à l’ouest, dans la grande ville portuaire de Surabaya sur l’île de Java.
Des militants d’organisations nationalistes et religieuses fanatiques avaient encerclé la résidence des étudiants originaires de Papouasie occidentale, les accusant violemment d’avoir dégradé le drapeau national.
Les forces de l’ordre ont alors pris d’assaut la résidence des étudiants en utilisant notamment du gaz lacrymogène.
Insultes policières
Le Jakarta Post cite le rapport de l’Institut d’aide légale de Surabaya selon lequel des policiers auraient insulté les étudiants en les traitant de “singes”, avant d’arrêter 43 d’entre eux.
Lundi soir, face à la situation qui s’enflammait en Papouasie, la gouverneure de la province de Java-est, Khofifah Indar Parawansa, a présenté ses excuses au cours d’une réunion de pardon et de réconciliation, en présence d’étudiants papous :
“Au nom de tous les citoyens de Java-est, je suis venue ici pour m’excuser. Ce qui s’est passé ne représente pas la voix de la population de notre province.”
Un chant pour s’excuser
Tempo en ligne ajoute que l’ancienne ministre des Affaires sociales a même été jusqu’à entonner une des chansons les plus populaires de Papouasie, célébrant la fierté d’être papou, Aku Papua (Je suis papou) :
“Peau noire, cheveux crépus/Je suis papou /Et même si le ciel se fend/ Je suis papou”
Ces excuses, auxquelles s’est associée la maire de Surabaya, Tri Rismaharini, semblent avoir calmé la situation.
Mais selon Kompas, “200 membres de la brigade mobile de police de la région de Célèbes-sud viennent de débarquer à Sorong et 600 autres vont être appelés des provinces les plus proches en renfort.”
Les injustices nourrissent la colère
L’éditorial du Koran Tempo du 20 août souligne que ce n’est pas le premier incident à Surabaya. Un rapport du Comité pour les personnes disparues et victimes de violence (Kontras) comptabilise, entre 2018 et 2019, huit expulsions d’étudiants papous par la police locale.
Elles ont été caractérisées par des menaces, des saisies, des passages à tabac et des arrestations forcées.
“La question de la Papouasie est de plus en plus compliquée, car le gouvernement la ramène à un simple problème de sécurité ou de trahison, sans prendre en compte le contexte plus large, à savoir les injustices subies par les Papous depuis des années” dénonce Koran Tempo.
“C’est cette approche qui fait que le conflit perdure. Il est indéniable qu’à ce jour, les ressources naturelles de la Papouasie - forêts, pétrole, cuivre, or – sont exploitées sans apporter beaucoup d’avantages aux populations locales.”
Le cycle sans fin des violences
Kompas - July 23, 2019
La construction d’une route à travers la Papouasie indonésienne continue d’attiser les foudres des indépendantistes. Les violences se multiplient, poussant des civils à fuir et à se réfugier dans la jungle. Des dizaines d’entre eux seraient morts de faim.
Le conflit entre l’armée indonésienne et les indépendantistes dans la région de Nduga, en Papouasie, continue à faire des victimes, indique le quotidien Kompas. Outre l’assassinat de nombreux civils, soldats, policiers et ouvriers travaillant à la construction de la route Trans-Papua depuis décembre 2018, le bruit court depuis quelques jours que des dizaines d’habitants réfugiés dans la forêt pour fuir les violences seraient morts de faim et de malnutrition.
“Il y a beaucoup d’informations qui circulent. Le nombre de morts varie entre 50 et 177”, affirme John Jonga, prêtre catholique papou et militant des droits de l’homme. Il encourage le président Joko Widodo à dépêcher de toute urgence une équipe placée sous la tutelle du ministère des Affaires sociales afin de recenser le nombre de personnes ayant fui.
Le 20 juillet, un nouveau soldat indonésien a été tué sur le chantier de la Trans-Papoua par des membres du groupe indépendantiste commandé par Egianus Kogoya. En mai, 600 militaires ont été déployés pour construire les 30 ponts sur un tronçon de 284 kilomètres entre Wamena et Mamugu, le tracé total s’étendant sur 4 600 kilomètres.
Contacté par Kompas, un porte-parole de l’Organisation de la Papouasie libre (OPM), Sebby Sambon, a affirmé que son mouvement poursuivra ses attaques à Nduga contre l’armée indonésienne tant que les travaux se poursuivront : “Nous n’avons pas besoin de Trans-Papoua mais d’un référendum. L’OPM n’empruntera pas la voie de la diplomatie”, a-t-il déclaré au quotidien.
L’armée indonésienne traque les rebelles indépendantistes
Tempo - June 21, 2019
Reportage sur la ligne de front dans une région sous tension, enjeu majeur pour le second mandat du président indonésien Joko Widodo.
Le district de Yigi est comme mort. Ce 31 mars, il n’y a pas un signe de vie dans cette région au nord du canton de Nduga, en Papouasie. Les honai [huttes traditionnelles papoues] sont à l’abandon, les champs déserts. Pas un habitant en vue. Ni même un cochon ou une poule.
Yigi se situe sur la ligne de front entre les forces de l’armée et de la police indonésiennes et les rebelles de l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale (TPNPB), commandés par Egianus Kogeya.
Sur la colline qui garde l’accès à Yigi, des dizaines de militaires indonésiens occupent quatre baraques appartenant à l’entreprise publique PT Istaka Karya qui construit le pont de la Trans-Papua à Nduga. Au sommet flotte un drapeau rouge et blanc [aux couleurs de l’Indonésie].
Sur cette hauteur, ils peuvent surveiller pratiquement toute la région de Yigi.
“Cela fait longtemps que les habitants ont quitté ce district”, affirme le lieutenant Deddy Santoso, commandant du poste.
Le 1er décembre 2018, le groupe armé d’Egianus a enlevé des ouvriers du chantier de la compagnie Istaka Karya. Le lendemain, les combattants indépendantistes les emmenaient sur le mont Tabo, à environ trois kilomètres de Yigi, et abattaient dix-sept d’entre eux.
Le massacre aurait été commis parce que les travailleurs n’avaient pas obéi à la sommation lancée par les rebelles. Ils leur avaient demandé de quitter la région une semaine avant la commémoration du jour de l’indépendance de la Papouasie par le TPNPB, le 1er décembre.
Des combattants du TPNPB ont également pourchassé quatre ouvriers qui avaient réussi à se réfugier dans le poste de l’armée indonésienne dans le district de Mbua, à environ deux kilomètres du mont Tabo. Le 3 décembre, les belligérants ont échangé des tirs du matin au soir.
Le coordinateur des Églises de l’Évangile de Papouasie (Kingmi) de la région de Nduga, le révérend Nathaniel Tabuni, raconte qu’il s’était, alors, précipité au milieu du champ de bataille.
Agitant un drapeau de l’Église, il espérait que le groupe d’Egianus et la TNI [l’armée nationale indonésienne] cesseraient les hostilités. Il regrette :
“En réponse, j’ai reçu une lance.”
Durant ces affrontements, un militaire indonésien est mort. Le lendemain, les forces de l’armée et de la police indonésiennes sont entrées à Mbua pour évacuer les corps et traquer les hommes d’Egianus jusqu’à ce que ceux-ci se replient en direction de Yigi.
Sur la route qui descend du mont Tabo et traverse la forêt, on peut encore voir les grands troncs d’arbres abattus utilisés par les combattants indépendantistes pour barrer le passage aux véhicules de l’armée indonésienne.
En cette fin mars 2019, le district de Yigi n’est pas entièrement sous le contrôle des forces indonésiennes. Le lieutenant Deddy Santoso montre la direction d’une hutte à deux kilomètres de son poste et ranconte :
“La semaine dernière, il y avait quatre ou cinq hommes armés là-bas.”
Non loin de cette hutte, on aperçoit le camp de l’entreprise PT Istaka Karya. Les engins lourds y sont immobilisés au milieu des herbes sauvages. Les armatures en fer rouillent, les câbles pourrissent dans des conteneurs. Des blocs de béton s’entassent au bord de la route.
Depuis que le conflit a éclaté en décembre 2018, la construction des infrastructures dans cette région s’est arrêtée [en particulier l’autoroute Trans-Papua, qui doit rallier l’est à l’ouest de la province, un des projets phares du président Joko Widodo].
En fait, depuis fin juin 2018, l’armée traque les hommes d’Egianus Kogeya. Ils sont accusés par la police d’avoir pris en otage plusieurs instituteurs et agents de santé à Mapenduma au début du mois d’octobre 2018 et d’avoir violé une institutrice. Une accusation réfutée par le cousin d’Egianus, Raga Kogeya. Il affirme que l’auteur du viol n’est pas un membre du groupe armé de son parent.
Après l’attaque des hommes d’Egianus à Nduga, les forces de l’armée et de la police ont mené des opérations conjointes pour reprendre le contrôle du district, et des soldats ont été envoyés en renfort.
Le commandant du bataillon de Nduga, le major Deri Indrawan, explique que le mont Tabo est devenu le sanctuaire d’Egianus et de ses hommes. De là, ils peuvent passer d’une région à l’autre. Cette montagne, souvent cachée dans le brouillard, culmine à 2 800 mètres. Elle relie Yigi et Mbua. Le major Indrawan précise :
“Nous contrôlons désormais Tabo, mais nous n’avons pas encore établi de poste là-bas.”
Selon le colonel Binsar, chef du commando opérationnel, les forces de l’armée et de la police cherchent à réduire l’espace et les mouvements des hommes d’Egianus, y compris en leur coupant l’accès à la logistique et aux munitions qui proviendraient de la ville de Wamena.
À Napu, près de Wamena, l’armée contrôle tous les véhicules qui prennent la direction de Mbua et de Yigi. Dans les districts de Mapenduma et de Mugi, les forces de l’ordre sont sur leurs gardes. Début mars, trois soldats du commando des forces spéciales ont été tués dans une échauffourée avec les hommes d’Egianus.
Le porte-parole du TPNPB, Sebby Sambom, a affirmé que son groupe avait réussi à tuer cinq membres de l’armée indonésienne et à s’emparer de quatre fusils. Et mi-mars, un autre soldat de la brigade mobile a été tué sur l’aéroport de Mugi au moment où il surveillait le débarquement de matériel logistique.
Pour le colonel Binsar, l’arrestation d’Egianus est imminente, parce que son groupe ne pourrait plus s’approvisionner dans les champs des villageois, étant donné que l’armée et la police ont pris le contrôle de la région.
Mais le cousin d’Egianus, Raga Kogeya, doute que son parent puisse être vaincu. Selon lui, les hommes d’Egianus ne comptent pas sur la logistique de Wamena ni sur les champs des villageois. Ils peuvent se nourrir avec les plantes de la forêt. Raga ironise :
“Cela fait plus de trois mois qu’il est pourchassé, mais Egianus n’a pas encore été attrapé.”
En dépit de ce conflit entre les forces de l’ordre et les hommes d’Egianus, les deux camps communiquent parfois par radio. Le lieutenant Deddy Santoso relate ainsi une conversation qui s’est déroulée entre le groupe d’Egianus et ses soldats.
Selon Deddy, un des combattants a expliqué à un militaire les raisons pour lesquelles ils voulaient que la Papouasie soit indépendante. Puis le militaire lui a dit : “Allez, Egianus, descends donc, qu’on boive un café ensemble.” Alors la voix à l’autre bout de l’onde radio a répondu : “Ah… J’ai la flemme…”
À la différence du district de Yigi, celui de Mbua commence à revenir à la normale. Tempo a été témoin du retour des habitants dans leur village, même si certains vivent encore, réfugiés, dans diverses régions.
Le lundi 1er avril, une mamie faisait brouter ses cochons près de la piste d’atterrissage. Ce même jour, six élèves du collège protestant Firdaus ont participé aux examens nationaux. “Ici, c’est redevenu sûr”, affirme le directeur de l’établissement, Ut Lokbere.
Natalia Lokbere, la fille d’Ut, qui s’était réfugiée à Wamena, reconnaît qu’elle souffre encore de traumatisme. Parmi les trois habitants qui ont été tués dans les affrontements entre l’armée et le TPNPB, deux étaient des élèves de son collège. Le colonel Binsar confirme que des civils ont été tués lors de l’assaut du 4 décembre 2018. Il affirme qu’ils faisaient partie du groupe qui a attaqué le poste de l’armée. Le colonel précise :
“Des villageois de Mbua ont participé à l’attaque. Si on porte une arme et qu’on passe à l’attaque, légalement, on peut vous tirer dessus.”
L’armée est parfois appréciée. Début avril, une grand-mère qui ne parlait pas indonésien est arrivée au poste de l’armée attaquée en décembre 2018 par les hommes d’Egianus. Elle apportait quelques bottes de légumes. Elle est entrée dans le poste et a dévoré la nourriture des militaires. Elle en est ressortie avec une boîte de biscuits. Le commandant de la compagnie, le capitaine Hafid raconte :
“À présent, les habitants échangent souvent les produits de leurs champs contre des aliments de l’armée.”
Les militaires s’efforcent de se rapprocher de la population locale. Le colonel Binsar, par exemple, se rend souvent à Mbua. Par deux fois, il a organisé une cérémonie des “pierres grillées” – la cuisson traditionnelle papoue des tubercules, des légumes, du poulet et du cochon qu’on enterre sous des pierres ardentes – avec le pasteur Nathaniel Tabuni. Mais ce dernier demande tout de même que l’armée quitte sa région. Selon lui, même si la situation s’est calmée, une grande partie des habitants a peur de la présence des forces de l’armée et de la police. Le pasteur assure aussi que les hommes d’Egianus ne sont plus les bienvenus à Mbua :
“Je ne veux plus voir de sang couler à Nduga.”
L’armée indonésienne a-t-elle utilisé des armes chimiques en Papouasie ?
Courrier International - August 1, 2019
Un hebdomadaire australien accuse l’armée indonésienne d’avoir fait usage de bombes au phosphore en Papouasie, des armes chimiques interdites dans le droit international. L’armée indonésienne nie ces accusations.
“Exclusif : des armes chimiques lancées sur la Papouasie”. C’est par ce titre choc que l’hebdomadaire australien The Saturday Paper accuse l’armée indonésienne d’avoir fait usage de bombes au phosphore dans la région de Nduga, en représailles du massacre de 19 ouvriers travaillant sur le chantier de la Trans-Papua au début de décembre 2018.
Cette attaque avait été revendiquée par l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale (TPNPB), l’aile militaire de l’Organisation de la Papouasie libre (OPM). L’organisation conteste l’annexion de la province par l’Indonésie en 1969 et milite pour l’indépendance.
“Des photographies montrent des bombes à bout jaunes, ramassées par les villageois. Certaines armes semblent être du phosphore blanc, interdit par le droit international […] Trois des morts sont du village de Mbua, dans la région de Nduga. Les quatre autres ont été tués dans un village dénommé Yigili”, rapporte le journal australien qui cite le récit d’un habitant de Mbua : “Cela s’est passé le 15 décembre 2018. À 11 h 25, heure locale. Ils sont morts parce que les hélicos de l’armée indo[nésienne] les ont bombardés.”
Selon le journal australien, l’armée indonésienne aurait lancé des attaques aériennes sur la région entre le 5 et le 15 décembre.
Province interdite aux observateurs étrangers
“Aucun journaliste international n’est autorisé à se rendre en Papouasie occidentale, et encore moins dans cette région isolée. Ni aucune ONG étrangère. Ni aucun observateur extérieur. Mais certains habitants de Nduga ont des téléphones avec la fonction caméra et ils ont envoyé au Saturday Paper des images de corps écrasés et horriblement blessés”, affirme l’hebdomadaire australien.
Le quotidien indonésien Koran Tempo donne la parole au colonel d’infanterie Muhammad Aidi, qui qualifie de propagande les accusations du Saturday Paper :
“L’armée indonésienne n’a jamais possédé ni utilisé d’armes chimiques de destruction massive, et n’en possédera et n’en utilisera jamais, y compris les bombes au phosphore.”
Le militaire précise que ces bombes sont aussi des armes incendiaires. “Si l’armée indonésienne avait utilisé des bombes au phosphore, la région de Nduga aurait entièrement brûlé, et tous les hommes et les animaux seraient morts”, a-t-il ajouté.
Le chef du bureau des relations publiques, le brigadier Dedi Prasetyo, a reconnu qu’un des corps, identifié par les initiales NW, a été retrouvé sur le site de l’assaut, carbonisé.
Selon lui, les groupes (indépendantistes) armés brûlent toujours leurs membres abattus pour effacer les traces. “C’est la norme pour les procédures opérationnelles de ces groupes armés”, a-t-il expliqué à Koran Tempo.
Contacté par Koran Tempo, John Al Norotow, l’ex-président du Conseil Papouasie – une organisation qui se bat pour l’indépendance de la Papouasie par les voies de la diplomatie – dit ne pas pouvoir certifier que l’armée indonésienne a employé des bombes au phosphore.
En revanche, il nie le fait que l’OPM ait pour tradition de brûler les corps de ses membres tués dans des assauts pour effacer les traces.
Enquête indépendante
Quant au maire adjoint de Nduga, Wentius Nimiangge, il a déclaré à BBC News Indonesia que quatre des sept victimes étaient des civils qui s’étaient enfuis dans la forêt, à la suite des attaques aériennes de l’armée indonésienne. Mais il n’a noté que des traces de balles sur les corps.
Le quotidien Republika rapporte que, dès le 20 décembre, le gouverneur de Papouasie, Lukas Enembe, a formellement demandé au président Joko Widodo de retirer toutes les troupes de l’armée et de la police indonésienne du district de Nduga à l’approche des fêtes de fin d’année. “Ceci pour que les populations puissent fêter Noël en paix.”
Selon Lukas, cette requête a reçu le soutien de tous les membres du Parlement régional, des responsables des Églises, des chefs du droit coutumier, des militants des droits de l’homme, du gouvernement du district et des habitants de Nduga.
Il a précisé à Republika “qu’il allait constituer une équipe indépendante pour faire toute la lumière sur les derniers événements afin qu’il n’y ait plus de violence perpétrée contre la population de Nduga”.
Le chantier de l’autoroute transpapouasie ensanglanté par une attaque armée
L’attaque du chantier de l’autoroute Trans-Papua par les indépendantistes met en péril le succès de ce projet phare du président indonésien.
“Jimmi Aritonang, père de quatre enfants, venait tout juste de commencer son travail de contremaître sur la construction d’un pont dans le district de Nduga, en Papouasie, pour l’entreprise publique PT Istaka Karya, lorsque le cauchemar a commencé”, rapporte le Jakarta Post..
Jimmi est un des survivants d’une tuerie qui s’est produit le samedi 1er décembre 2018. Le bilan s’élève à 20 victimes : 19 ouvriers et un militaire. Les victimes travaillaient sur le chantier d’une route de 4 330 kilomètres destinée à relier Sorong, à la pointe ouest de la Papouasie, à Merauke à l’extrême est. Ce projet d’infrastructure colossale vise à développer la province la plus pauvre et la plus rebelle d’Indonésie.
Ce jour-là, tous les employés du chantier d’autoroute de la Trans-Papua avaient décidé de ne pas travailler. Dans cette région difficile d’accès, des rebelles armés fêtaient l’anniversaire de l’Armée de libération nationale de Papouasie occidentale [organisation demandant l’indépendance de la province indonésienne de Papouasie].
Attaque surprise
Mais, dans l’après-midi du même jour, une cinquantaine d’hommes armés ont attaqué le camp où vivaient Jimmi et les autres ouvriers. Vingt-cinq d’entre eux ont été kidnappés.
Le Jakarta Post cite le récit du commandant de l’armée indonésienne qui a recueilli le témoignage de Jimmi :
“Les hommes armés ont commencé à danser en hurlant et en imitant des bruits de jungle typiques de la Papouasie rurale. Puis ils ont brutalement tiré sur les travailleurs. Certains ont été abattus sur place tandis que d’autres ont fait semblant d’être morts.”
Au lendemain du massacre, le gouvernement parlait d’un assaut d’un “groupe criminel armé”, l’expression consacrée pour désigner l’Organisation pour une Papouasie libre (OPM).
“L’appellation OPM est rarement utilisée par les autorités car ce serait reconnaître de façon explicite l’existence de ce mouvement indépendantiste et lui donner un pouvoir de négociation sur la scène internationale”, explique le quotidien Republika..
La revendication de l’attentat
Pourtant le 5 décembre, le gouvernement a dû parler franchement car l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale (TPNPB en anglais), l’aile militaire de l’OPM, a revendiqué l’attaque.
Son porte-parole, Sebby Sambom, interviewé par Koran Tempo, a affirmé avoir préparé cette action depuis trois mois. À la question : “Quel est le motif de cette attaque ?”, Sebby Sambom a répondu au téléphone depuis un numéro appartenant au réseau de Papouasie-Nouvelle-Guinée :
“Nous pensons que la raison est claire : l’OPM réclame l’indépendance que les Pays-Bas avaient déclarée le 1er décembre 1961 [La Papouasie occidentale faisait partie des Indes néerlandaises et après l’indépendance de l’Indonésie, en 1945, les Pays-Bas avaient réussi à garder la souveraineté sur cette île pendant quelques années avant que l’Indonésie ne prenne la place]. L’OPM s’oppose à la construction de la Trans-Papua. Mais le gouvernement indonésien en a entrepris la construction, qui plus est en employant des militaires.”
Chantier suspendu
“Ce n’est pas la première fois qu’une fusillade se produit dans cette région de Nduga, un des fiefs de l’OPM, rappelle Kompas. Le 2 décembre 2017, un opérateur d’excavatrice avait été tué et un militaire blessé par des membres d’un ‘groupe criminel armé ’ alors qu’ils travaillaient sur le chantier de la Trans-Papua à Nduga. Et le 13 avril 2017, deux militaires gardant la route ont été abattus dans le district de Puncak Jaya. C’est pourquoi la Commission nationale des droits de l’homme a demandé au gouvernement de faire participer le peuple papou à la recherche d’une solution commune afin d’empêcher que de tels incidents ne se reproduisent.”
Le ministre indonésien des Travaux publics a annoncé la suspension provisoire du chantier de ce segment de la Trans-Papua “en attendant que la situation soit plus favorable, conformément aux recommandations de la police régionale”.
La situation reste tendue
Cependant, dans l’interview téléphonique conduite par Koran Tempo, le porte-parole de l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale affirme que son mouvement possède 29 commandos opérationnels en Papouasie, avec chacun 2 500 hommes.
Selon le chef de la police indonésienne cité par Koran Tempo “en plus des armes dérobées aux forces armées, ce groupe fait venir des armes d’Ambon [archipel des Moluques, en Indonésie], des Philippines et de Papouasie-Nouvelle-Guinée”.
Courrier International
Kompas
Stefanus Pramono
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