Le chantier de Notre-Dame de Paris va reprendre progressivement, à partir de la semaine du 12 août, avec l’arrivée de nouvelles mesures de protection pour les salariés potentiellement exposés au plomb, a annoncé, vendredi 2 août, la préfecture d’Ile-de-France.
Le chantier avait été suspendu le 25 juillet pour « quelques jours », afin de revoir les règles de précautions sanitaires pour les personnes travaillant sur place, avait expliqué le préfet, Michel Cadot. Un rapport de l’inspection du travail montrait que ces règles n’étaient « pas suffisamment » et pas « systématiquement appliquées », selon lui.
Pendant l’incendie qui a ravagé la cathédrale, le 15 avril, plusieurs centaines de tonnes de plomb contenues dans la charpente de la flèche et la toiture ont fondu et se sont volatilisées sous forme de particules.
Pédiluves et douches de décontamination
Le jour précis de reprise, lors de la semaine du 12 août, n’est pas encore connu. Il sera décidé en fonction de « l’installation de moyens de décontamination complémentaires qui vont arriver cette semaine-là » et qui permettront à « 30 à 40 personnes de pouvoir travailler en même temps sur le site ». Avant la suspension, 60 à 70 personnes travaillaient sur le chantier. Alors que le site devrait accueillir une centaine de travailleurs à l’automne, « une nouvelle commande d’unités de décontamination spécialement conçues pour le chantier » sera livrée à ce moment, précise la préfecture dans un communiqué.
Le temps de la suspension a été mis à profit « pour un important travail d’amélioration et de finalisation de chacune des procédures pour garantir la sécurité des travailleurs », assure M. Cadot, cité dans le communiqué. Ces mesures ont été validées par l’inspection du travail.
Concrètement, un nombre plus important de pédiluves et de douches de décontamination vont être installés. Les procédures de circulation du matériel et des personnes et les méthodes de décontamination des intervenants lors de leur transit d’une zone à une autre (intérieur/parvis, etc.) ont été revues. Les personnels vont être formés et informés.
Prélèvements de poussières
Ces nouveaux protocoles « renforcent la garantie que les travaux ne génèrent pas de pollution à l’extérieur du chantier », affirme la préfecture. Deux écoles, élémentaire et maternelle, situées à proximité de Notre-Dame avaient été fermées « par précaution » jeudi, après que des taux en plomb supérieurs à 5 000 µg/m2 avaient été relevés dans les cours extérieures.
La préfecture souligne également que des inspecteurs du travail ont pris contact avec les commerces et entreprises situés aux abords du site de Notre-Dame, pour leur demander de « faire réaliser des prélèvements de poussières ».
L’association Robin des Bois a porté plainte lundi contre X à cause de la pollution au plomb provoquée par l’incendie, accusant les autorités d’avoir tardé à réagir et d’avoir manqué de transparence.
AFP
Le saturnisme
Le plomb peut provoquer le saturnisme, principalement chez les jeunes enfants et les femmes enceintes. C’est une maladie due à une intoxication au plomb, dont les effets sont délétères même à faible dose, et qui peut se déclarer bien après l’ingestion ou l’inhalation. « C’est insidieux, on ne s’en rend pas compte, on traîne ça et d’un coup, y a des soucis », explique ainsi Mathé Toullier, présidente de l’Association française des victimes du saturnisme, arguant que l’élimination des traces de plomb dans le sang peut prendre des années. A la clé, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, une baisse de croissance, d’audition et de QI, mais aussi pour les cas plus graves, anémie, hypertension, déficience rénale et des effets toxiques sur le système immunitaire et l’appareil reproducteur. L’Organisation mondiale de la santé rappelle par ailleurs le caractère « irréversible » des effets neurologiques et comportementaux.
• Le Monde. Publié le 02 août 2019 à 18h07 :
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/02/le-chantier-de-notre-dame-suspendu-pour-risques-de-pollution-au-plomb-reprendra-a-partir-de-la-semaine-du-12-aout_5496065_3224.html
Les maîtres verriers de Notre-Dame, les plus exposés au plomb
Les experts chargés de la dépose des vitraux après l’incendie de la cathédrale connaissent « un taux de plomb dans le sang particulièrement élevé ».
Un collectif formé par la CGT et des associations a réclamé jeudi 1er août le « confinement total » de la cathédrale Notre-Dame ainsi que la création d’un centre de dépistage et de suivi sanitaire des personnes exposées au plomb. Les concentrations de ce métal sont élevées aux alentours du monument depuis l’incendie du 15 avril qui en a détruit la charpente, le toit et la flèche.
Un problème reconnu par la préfecture d’Ile-de-France qui, le 25 juillet, a suspendu le chantier de rénovation pour plusieurs jours. Le but : « mettre à plat » les règles de précautions sanitaires pour les ouvriers exposés au plomb. Car des cas de plombémie aiguë ont été décelés chez des vitraillistes intervenus peu après l’incendie.
« Chez certains maîtres verriers, des mesures ont révélé un taux de plomb dans le sang particulièrement élevé, très supérieur aux valeurs de référence [moins de 90 microgrammes par litre (µg/L) pour l’homme adulte et moins de 70 µg/L pour la femme] », témoigne ce professionnel reconnu du vitrail.
Dès le 18 avril, la première réunion de travail pour la mise en place du chantier d’urgence s’est concentrée sur la dépose des panneaux de vitraux et des serrureries métalliques qui les portent. Sur la centaine d’intervenants qui ont été réquisitionnés quelques jours plus tard par la préfecture à la demande de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), les maîtres verriers et les serruriers ont composé l’un des contingents de spécialistes mobilisés les plus importants.
Les entreprises Vitrail France, Claire Babet Vitraux, la Manufacture Vincent-Petit, l’Atelier Parot, Loire Vitrail et l’Atelier Baudoin ont été notamment chargées de ces opérations délicates. Elles ont été de surcroît confrontées à l’obligation d’aller vite, la dépose devant libérer des baies où viendra s’appuyer une installation permettant d’affiner le diagnostic sur l’état de la voûte, très affectée par le sinistre. Les vitraux ont ensuite été acheminés sans tarder vers des ateliers pour être nettoyés et restaurés, voire réparés, avant d’être réinstallés en temps utile sur les parois du monument religieux.
Pathologies graves
La nature même de leur activité confronte les maîtres verriers à l’omniprésence du plomb : les cloisons des pièces de verre des vitraux qu’ils réalisent ou qu’ils restaurent en sont très majoritairement constituées. La médecine du travail est ainsi très attentive aux cas de plombémie dans la profession. Ce métal peut être à l’origine de pathologies graves de nature hématologique, neurologique, cognitive, rénale, digestive, cardiovasculaire, métabolique… Le saturnisme en est la plus notoire.
Plus que la réalisation de vitraux neufs, « la principale source d’exposition au plomb est le travail sur vitraux anciens, pourvoyeur de grandes quantités d’oxyde de plomb produites lors du vieillissement du vitrail », indiquait en 2014 l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans l’étude « L’Exposition au plomb chez les vitraillistes » à partir du cas de trois salariés contaminés. Et encore, l’étude ne faisait référence qu’au seul travail en atelier.
Si, dans ce dernier cadre, l’exposition par voie digestive, souligne l’INRS, est le principal vecteur de contamination, par le portage à la bouche des mains souillées (cigarettes, repas, etc.) lors du travail sur les vitraux ou à partir d’autres surfaces contaminées, les interventions de dépose sur site, comme ce fut le cas à Notre-Dame, augmentent très sensiblement les risques d’inhalation.
Poussières résiduelles
Dans ce cas précis, où la « dangerosité » potentielle des vitraux anciens a été accrue par la présence massive de particules en suspension dans l’air ou sous forme de poussières résiduelles consécutive à la combustion de la toiture (composée, flèche comprise, de quelque 400 tonnes de plomb), le moindre manquement, volontaire ou accidentel, à certaines précautions a pu occasionner un accroissement très important de la contamination.
Les tenues conformes au protocole plomb, dont les masques dotés d’aide respiratoire, sont en période de forte chaleur particulièrement pénibles à porter, témoignent les maîtres verriers. De surcroît, elles entravent lourdement la réalisation de tâches manuelles nécessitant une certaine précision dans les gestes en raison de la fragilité, voire de la valeur des supports, comme cela a été le cas pour Notre-Dame.
Dans ses attendus, la préfecture d’Ile-de-France qui relayait un rapport de l’inspection du travail, révélait qu’en dépit de visites « pourtant annoncées », les règles de précaution prévues pour et par les personnes présentes sur le chantier de la cathédrale « n’étaient pas suffisamment » et pas « systématiquement appliquées ». Le préfet, Michel Cadot, évoquait des « installations de décontamination sous-dimensionnées » et appelait à des « protocoles » qui soient appliqués : savon de douches de décontamination, utilisation des combinaisons, des masques et des lunettes, temps de pause, traçabilité, etc.
Plainte contre X
Le 19 avril, quelques jours à peine après l’incendie, l’association de lutte pour la sauvegarde de l’environnement Robin des Bois avait recommandé que « tous les pompiers et sauveteurs qui ont participé à la lutte contre l’incendie et à la récupération en urgence d’antiquités soient soumis dans les semaines qui [suivaient] à un contrôle de la plombémie ».
Le message était passé inaperçu, la question du plomb n’étant pas encore à l’ordre du jour. Au même moment, le centre antipoison de Paris découvrait des taux de plomb supérieurs au seuil réglementaire chez des personnes qui étaient intervenues dans la zone circonscrite autour de Notre-Dame après l’incendie, indiquait l’Association française des victimes du saturnisme (AFVS), soit « une importante plombémie pour les pompiers, ceux qui travaillent dans le quartier, et ceux qui ont déménagé les œuvres d’art », précisait l’AFVS. Le 26 juillet, Robin des Bois a déposé une plainte contre X pour « mise en danger de la personne d’autrui » devant le tribunal de grande instance de Paris.
Le mois de septembre a été choisi par le ministère de la culture pour une importante communication autour de Notre-Dame
Depuis l’interruption du chantier, seul l’architecte en chef des Monuments historiques en charge de Notre-Dame, Philippe Villeneuve, a accepté de parler. Il affirme ignorer l’existence d’une plombémie élevée chez les vitraillistes, lui-même enregistrant en la matière un niveau, dit-il, « très, très en dessous de la moyenne ». Les responsables du laboratoire de recherche des Monuments historiques (LRMH), qui ne souhaitent pas s’exprimer sur le sujet, renvoient la curiosité des journalistes au début du mois de septembre, moment choisi par le ministère de la culture pour mettre en place une importante communication autour de Notre-Dame.
Parmi les ateliers contactés, seul Vitrail France a répondu à nos sollicitations. « Les entreprises qui travaillent dans le domaine verrier ont toujours été exposées au plomb (…), depuis des centaines d’années, précise son directeur, Emmanuel Putanier. Pour le chantier de Notre-Dame, pas plus qu’ailleurs. »
Pour l’heure, certains des vitraillistes qui auraient été victimes d’une plombémie élevée consécutive à leur travail sur les vitraux de la cathédrale parisienne pourraient envisager, témoigne cet observateur, de ne pas se mettre en arrêt maladie. « Il leur est plus simple de démissionner de leur poste actuel, explique-t-il. Et de retrouver, sans difficulté, du travail dans un autre atelier. » Comme si de rien n’était.
Jean-Jacques Larrochelle
• Le Monde. Publié le 02 août 2019 à 05h45 - Mis à jour le 02 août 2019 à 18h31 :
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/02/le-chantier-de-notre-dame-suspendu-pour-risques-de-pollution-au-plomb-reprendra-a-partir-de-la-semaine-du-12-aout_5496065_3224.html
Incendie de Notre-Dame : 175 enfants dépistés pour le plomb
Deux d’entre eux ont des taux supérieurs au seuil de déclaration obligatoire, et seize sont situés dans l’intervalle de vigilance.
Cent soixante-quinze enfants ont été soumis à des tests (plombémies), après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris – survenu le 15 avril –, pour mesurer le taux de plomb présent dans leur sang, a fait savoir, dans la soirée du mardi 6 août, l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France dans un communiqué.
« Trois mois et demi après le sinistre, ce sont donc au total 175 plombémies qui ont été prescrites : [pour] deux d’entre elles, [les données relevées] sont supérieures au seuil de déclaration obligatoire de 50 microgrammes [par litre de sang, µg/l], seize sont situées dans l’intervalle de vigilance et 146 sont en dessous du seuil de vigilance », peut-on lire dans le document.
Nécessité d’un suivi régulier
L’un des deux enfants chez lesquels le dépistage a permis de déceler un taux de plomb supérieur au seuil de déclaration obligatoire avait été identifié dès le mois de juin, mais les analyses effectuées à son domicile avaient montré « des causes multiples d’exposition au plomb, dont certaines sans lien avec l’incendie de Notre-Dame », avait précisé l’ARS dans un précédent rapport.
Le deuxième cas de dépassement, nouvellement identifié, concerne une plombémie « légèrement supérieure au seuil de déclaration obligatoire » et qui « ne nécessite pas de thérapeutique particulière, mais impliquera un suivi régulier », note l’agence dans son communiqué, en précisant que l’école dans laquelle il était accueilli avait été fermée. La jeune sœur de cet enfant, dans le même groupe scolaire, présentait quant à elle un taux inférieur au seuil de vigilance, est-il également expliqué.
Les différents enfants dont la plombémie se situe dans l’intervalle de vigilance ou dépasse le seuil de déclaration obligatoire font l’objet d’un suivi individuel spécifique par le Centre antipoison et de toxicovigilance, en complément de celui assuré par leur médecin traitant.
Ecoles fermées et gel tensioactif
Le 25 juillet, deux écoles proches de Notre-Dame, qui accueillaient des enfants en centre de loisirs pour l’été, ont été fermées « par mesure de précaution » par la Mairie de Paris.
Situées rue Saint-Benoît (6e arrondissement), elles présentaient des taux en plomb supérieurs à 5 000 microgrammes par mètre carré (µg/m2) relevés dans les cours extérieures, avait expliqué la Mairie de Paris à l’Agence France-Presse. Ce groupe scolaire ne rouvrira pas tant que le taux ne redescendra pas à 1 000 µg/m2, avait déclaré le 26 juillet Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris.
Le ministère de la culture a aussi annoncé mardi l’application d’une couche de gel et une méthode d’ultra-haute pression avec ajout d’un tensioactif. Ces deux méthodes, qui prendront au moins une semaine, doivent permettre d’enlever les particules de plomb qui ont pénétré dans les sols. « [Elles] ne devraient pas commencer avant le début de la semaine prochaine », a-t-on indiqué au ministère.
400 tonnes de plomb fondu
Quelque 400 tonnes de plomb ont fondu lors de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, le 15 avril. Une partie s’est dispersée dans le centre de Paris, exposant travailleurs et riverains à des poussières toxiques. L’association Robin des bois a déposé une plainte contre X pour « mise en danger d’autrui ».
L’exposition au plomb peut notamment augmenter le risque d’hypertension artérielle et de lésions rénales chez l’adulte ; elle est susceptible d’entraîner des fausses couches chez les femmes enceintes. Elle est particulièrement nocive pour les enfants, chez lesquels elle peut affecter le système nerveux central, avec des effets neurologiques et comportementaux irréversibles et dont la gravité s’accroît avec le niveau d’exposition.
AFP et Reuters
• Le Monde. Publié le 06 août 2019 à 22h02 - Mis à jour le 07 août 2019 à 13h36 :
https://www.lemonde.fr/incendie-de-notre-dame/article/2019/08/06/notre-dame-depuis-l-incendie-175-enfants-ont-ete-testes-seuls-deux-ont-un-taux-de-plomb-sanguin-superieur-au-taux-de-vigilance_5497199_5450561.html