Les poissons français, ou plutôt ceux que ciblent les navires français, sont en petite forme. Selon l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qui a pour mission d’évaluer les quelques dizaines d’espèces que nous mangeons, moins de la moitié des stocks, 48 %, sont exploités de façon durable, c’est-à-dire en laissant aux adultes assez de temps pour se reproduire efficacement. En revanche, 27 % sont surexploités, et 25 % ne sont pas évalués. Un stock désigne une espèce dans la zone où elle vit. Par exemple, le merlu du golfe du Lion suscite de sérieuses inquiétudes, alors que le merlu du golfe de Gascogne semble mieux se porter. Les eaux métropolitaines comptent cinq stocks de sole, quatre de cabillaud, etc.
Selon le bilan présenté vendredi 1er février par l’Ifremer, les bateaux français ont débarqué 422 588 tonnes de pêche fraîche (non compris les thons qui arrivent congelés de l’océan Indien, par exemple) au total en 2017. Pour établir leurs modèles, les techniciens halieutes s’appuient sur des historiques de capture, des estimations d’abondance, les caractéristiques biologiques de l’espèce. Ils ne se contentent pas des déclarations des près de 7 000 professionnels du secteur, ils observent les débarquements et ont parfois des contrôleurs à bord. En outre, vingt-cinq campagnes scientifiques sont menées chaque année.
Les conclusions de l’Ifremer, qui mène des recherches sur environ 200 stocks, sont mitigées. Au chapitre des bonnes nouvelles, la biomasse – le nombre et le volume – des plies adultes est en forte augmentation. Le lieu noir, lui aussi, frétille. Mais le hareng et le maquereau perdent du terrain depuis trente ans dans la Manche, où la hausse de la température de l’eau a probablement poussé ces derniers à migrer.
La situation de la Méditerranée « globalement préoccupante »
La Manche et la mer du Nord font figure de bonnes élèves, avec 65 % des stocks exploités raisonnablement. Elles, qui représentent environ un quart des débarquements métropolitains, bénéficient d’une saison « exceptionnelle » pour la coquille Saint-Jacques, mais les pêcheurs continuent à puiser trop fort dans les bancs de cabillauds et de bars. La zone Manche Ouest, mer Celtique et Ouest Ecosse présente, elle, 39 % de stocks satisfaisants et 30 % non évalués.
Dans le golfe de Gascogne – où 47 % des populations de poissons commercialisables ont le temps de se reproduire tandis que 36 % sont surpêchées –, on note la bonne santé de la sole, du merlu et de la baudroie blanche. La biomasse des anchois est au plus haut depuis 1987, mais le petit pélagique a perdu du poids en moyenne. Parmi les espèces sur la mauvaise pente figurent les grosses légions de sardines (18 000 tonnes), les langoustines et les maquereaux communs (plus de 3 200 tonnes chacun).
Si tout ne va pas pour le mieux du côté de l’Atlantique, la situation de la Méditerranée « reste globalement préoccupante », constatent les experts. Sur 12 000 tonnes débarquées, ces derniers n’ont repéré que 6 % de stocks bien gérés et 8 % en train de s’effondrer. Faute de données, ils ignorent en fait ce qu’il advient de la plupart des espèces. Car, jusqu’à présent, les pêcheurs du Sud ont réussi à échapper aux quotas, sauf pour le thon rouge. Ayant frôlé la disparition, le roi des sushis a eu droit à un sauvetage in extremis durant la décennie 2000, à base de sévères restrictions de capture et de contrôle.
Avec ses performances moyennes, la France ne diffère guère des tendances de l’Union européenne, qui annonce une gestion durable de ses ressources halieutiques de 52 %. Les Vingt-Huit sont bien loin de l’objectif ambitieux qu’ils se sont eux-mêmes fixé : parvenir à une pêche durable intégrale en 2020.
Martine Valo