Le secrétaire d’Etat à l’intérieur, Laurent Nunez, a déclaré dimanche 2 juin ne pas « avoir de regret » sur la gestion des manifestations de « gilets jaunes ». Il estime que « ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné [sic] » qu’il y a eu faute des forces de l’ordre. Il s’exprimait lors de l’émission « Le Grand Jury » sur RTL-LCI-Le Figaro :
« Nous n’avons pas de regret sur la façon dont nous avons mené l’ordre public et la sécurité publique. C’est une crise inédite depuis cinquante ou soixante ans, personne n’a eu à affronter ce que nous avons eu à affronter avec [le ministre de l’intérieur] Christophe Castaner et les choses se sont quand même globalement bien passées en matière d’ordre public. »
Au même moment se déroulait à Paris une « marche des mutilés » organisée par des « gilets jaunes » dénonçant l’utilisation par les forces de l’ordre de lanceurs de balles de défense (LBD) et de grenades de désencerclement, équipements accusés d’avoir éborgné ou arraché des mains lors des manifestations.
Entre 300 et 400 personnes ont défilé dans le calme dimanche à Paris pour dénoncer les « mutilations policières » et réclamer l’interdiction des LBD et de certaines grenades lacrymogènes « inutilement dangereux ».
Selon les organisateurs du rassemblement, depuis le début de la mobilisation des « gilets jaunes » le 17 novembre 2018, « vingt-trois manifestants ont été éborgnés, cinq ont perdu la main, un a été amputé d’un testicule, un a perdu l’odorat et une dizaine d’autres » ont eu d’autres blessures graves (à la mâchoire, au pied...).
Le ministère de l’intérieur a estimé de son côté, au 13 mai, que 2 448 personnes avaient été blessées côté manifestants depuis le début du mouvement, et 1 797 parmi les forces de l’ordre.
« Je ne présente pas d’excuse »
« Quand il y a une agression contre des policiers et qu’il y a une riposte proportionnée, oui il peut y avoir des blessés, a estimé Laurent Nunez, ce n’est pas parce [qu’il y a eu des blessures] que la violence est illégale (…). Je ne présente pas d’excuse, je m’en remets à la justice de mon pays. »
Alors que le procureur de Paris a annoncé, jeudi, que des policiers seront jugés pour violence, le secrétaire d’Etat a souligné que « le nombre d’enquête est très faible au regard de l’engagement qui a été celui des policiers » et « le nombre de dossiers pour lequel le procureur annonce qu’il pourrait y avoir des poursuites est encore plus faible ». « Une poursuite ne veut pas dire qu’il y aura condamnation », a-t-il aussi ajouté, assurant qu’en cas de condamnation, il y aura appel.
« J’ai toute confiance dans les policiers et gendarmes de ce pays (…). Nous savons qu’ils ont employé la force de manière proportionnée dans la plupart des cas, et la force n’a été employée que quand il s’agissait de riposter à des agressions violentes contre eux-mêmes ou contre nos institutions », selon lui. « Avec Christophe Castaner nous avions toujours dit que s’il y avait des fautes commises dans l’emploi de la force, il y aurait bien évidemment des sanctions », a-t-il toutefois assuré, ajoutant qu’il s’agissait d’un « nombre infime de cas ».
AFP
Les « gilets jaunes » se mobilisent pour l’acte XXIX
Des appels au rassemblement ont été lancés notamment à Paris, où des manifestants se sont élancés en direction de la place de la Nation.
Six jours après les élections européennes, qui n’ont pas marqué l’émergence claire d’un vote « gilet jaune », le mouvement a organisé de nouvelles manifestations, samedi 1er juin, dans plusieurs villes de France.
Des appels au rassemblement ont été lancés notamment à Paris, où près de 2 000 personnes ont manifesté. Des restrictions de circulation ont été émises par la préfecture de police, notamment sur les Champs-Elysées. Partis vers 13 heures de la place Denfert-Rochereau dans le 14e arrondissement, les manifestants, parfois équipés de sifflets ou de tambours, devaient rejoindre la place de la Nation. « Justice sociale justice fiscale ! », « anti, anti, anticapitaliste ! », pouvait-on notamment entendre dans le cortège, qui semblait un peu plus clairsemé que celui de la semaine passée, qui comptait 2 100 manifestants, selon le ministère de l’intérieur.
« On ne lâche rien ! Les médias disent que le mouvement est mort, mais c’est faux », affirme Sandrine, 53 ans, de Massy-Palaiseau, auxiliaire familiale, présente chaque samedi depuis le 17 novembre 2018. « On est hyperrésistants. Il y aura peut-être un petit creux pendant l’été, mais en septembre ça va repartir de plus belle. »
Appel à des rassemblements dimanche
Des manifestations devaient également se tenir à Montpellier, au Havre, à Strasbourg, Bordeaux et Toulouse, où plus de 1 800 personnes se disaient « intéressées » par l’événement annoncé sur Facebook. A Lyon, la manifestation annoncée vise la « convergence “gilet jaune” – blouse blanche », en soutien au personnel médical.
Après des mois de mobilisation variable, attirant de plusieurs dizaines de milliers à plus de 200 000, les dernières semaines ont montré un essoufflement de la mobilisation : le 18 mai, ils étaient environ 15 500 à travers la France, et 12 500 samedi dernier.
Alors que le procureur de Paris a assuré cette semaine que des policiers seraient jugés pour violences lors des manifestations, suscitant la colère des organisations syndicales de la police, plusieurs slogans contre les forces de l’ordre étaient scandés dans les rues de Paris samedi. Depuis le début du mouvement, le 17 novembre, 2 448 personnes ont été blessées côté manifestants et 1 797 parmi les forces de l’ordre, selon des chiffres du ministère de l’intérieur arrêtés au 13 mai. Mais « peut-être que les policiers vont rejoindre le mouvement et se mettre de notre côté », espère Sandrine. « Car aujourd’hui l’Etat se retourne contre eux, alors qu’ils n’ont fait qu’obéir aux ordres. »
D’autres manifestations sont prévues en France samedi, ainsi qu’une « marche des mutilés » dimanche à Paris. D’autres collectifs ont appelé à un « dimanche jaune », sans point de rassemblement précis. « On aura beaucoup plus de monde sur tout le week-end, avec tous les gens qui travaillent le samedi », arguent les organisateurs, qui visent aussi à « fatiguer les forces de l’ordre » : « S’ils bossent le samedi et le dimanche, ils vont demander des comptes au gouvernement ! »
AFP