“Je suis très heureux de voir ma famille et mes collègues. Et j’ai hâte de reprendre mon travail”, s’est exclamé le journaliste Wa Lone à sa sortie de prison, à Rangoon, le 7 mai, raconte le correspondant en Birmanie du Straits Times, le quotidien de Singapour.
Wa Lone et son collègue Kyaw Soe Oo, tous deux employés par l’agence Reuters, ont bénéficié d’une amnistie prononcée par le président birman à l’occasion du nouvel an bouddhiste.
C’était pour eux l’ultime chance d’échapper à la peine de sept ans de prison prononcée en septembre 2018 et confirmée par la Cour suprême.
“Les deux journalistes ont été arrêtés en décembre 2017, rappelle The Myanmar Times, et ont été condamnés en septembre 2018 sur la base d’une loi sur les secrets officiels datant de l’époque coloniale.”
Le tribunal leur a reproché de détenir des documents secrets concernant la mobilisation de l’armée dans l’État d’Arakan (rebaptisé État de Rakhine par le régime birman).
Au moment où ils ont été arrêtés, les deux journalistes de Reuters achevaient une enquête sur l’implication de l’armée birmane dans le meurtre de 10 hommes et enfants musulmans membres de la minorité ethnique des Rohingyas dans l’État d’Arakan, détaille The Straits Times.
Mobilisation internationale
Ces meurtres ont eu lieu durant les “représailles brutales de l’armée” contre les Rohingyas. Entre septembre et décembre 2017, plus de 700 000 Rohingyas ont fui l’État d’Arakan en raison des opérations militaires.
Les Nations unies ont accusé l’armée de procéder à un “nettoyage ethnique”.
Reuters a toujours affirmé l’innocence des deux journalistes et a mené une campagne internationale de sensibilisation pour obtenir leur libération.
Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont reçu le prix Pulitzer pour leur travail et font partie des journalistes sélectionnés par le magazine américain Time comme personnalités de l’année 2018.
Si au niveau international leur cas a été vu comme une attaque contre la liberté de la presse, précise The Straits Times, le soutien en Birmanie pour les deux journalistes est resté limité, “en partie à cause de la colère suscitée par la couverture internationale du conflit en Arakan, jugée partiale et favorable aux Rohingyas” par une majorité de Birmans, explique le quotidien.
Menace continue sur la liberté de la presse
En dépit de cette libération, “la crise n’est pas terminée pour les nombreux autres journalistes et blogueurs birmans accusés abusivement de crimes pour leurs enquêtes sur l’armée ou les officiels du gouvernement”, explique Phil Robertson, vice directeur Asie de Human Rights Watch, dans Frontier Myanmar.
Ainsi, précise The Straits Times, ces derniers mois les combats entre l’Armée de l’Arakan, un groupe armé qui milite pour l’autonomie des Arakanais, et l’armée birmane sont “un champ de mines pour les journalistes”.
L’armée a lancé des poursuites contre le site birman d’informations Irrawaddy,l’accusant de “partialité dans la couverture du conflit”, ajoute le quotidien de Singapour.
Le ministère de l’Intérieur a également ouvert une enquête contre le rédacteur en chef du Development Media Groupe, qui couvre le conflit en Arakan. Celui-ci est“soupçonné d’avoir enfreint la loi d’association illégale qui interdit tout contact avec des groupes illégaux. Deux journalistes du DMG auraient été interrogés par la police. La loi prévoit jusqu’à cinq ans de prison pour avoir aidé des associations illégales”,détaille Frontier Myanmar.
Courrier International
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