L’obésité est devenue un problème de santé publique majeur. Le phénomène a d’abord frappé les Etats-Unis, puis les autres pays développés, puis le tiers-monde. Il y aurait aujourd’hui plus d’un milliard d’obèses sur terre. L’Organisation Mondiale de la Santé voudrait agir, mais l’administration Bush s’y oppose, pour ne pas déplaire au lobby du sucre.
Dix à 25% des Européens et 20 à 25% des Américains sont obèses. (1) Le taux d’obésité chez les enfants américains a doublé en dix ans. Seize pour cent des adolescents britanniques étaient obèses en 2000 – trois fois plus qu’en 1990 ! Outre les enfants, l’obésité dans les pays riches touche surtout les pauvres, les femmes et les minorités ethniques opprimées : Hispano-Américains, femmes afro-américaines, Amérindiens,…
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère l’obésité comme une épidémie au moins aussi grave que le tabagisme. L’obésité augmente les risques d’autres maladies : maladies cardiovasculaires, diabète, cancer, maladies de la vésicule biliaire,... Or, quelques soixante pour cent des problèmes de santé dans le monde sont dus à des affections cardiovasculaires, et celles-ci sont responsables de 47% des décès.
Les causes principales de l’excès de poids sont la sédentarité et un régime alimentaire trop riche en calories et en graisses. L’obésité, pour l’OMS, est donc un problème de santé publique. L’épidémie ne peut être enrayée que si des politiques adéquates sont mises en œuvre. Les experts de l’organisation préconisent l’adoption de normes plus strictes, ainsi que des règles en matière de publicité et d’étiquetage des produits alimentaires.
Ces propositions ont fait bondir George W. Bush. Son secrétaire d’Etat à la santé, Tommy Thompson, a protesté que l’OMS « sortait de son rôle » et lançait des allégations « non fondées scientifiquement ». Les Américains sont particulièrement opposés à la proposition de fixer à 10% le taux maximum de sucres ajoutés aux aliments (la norme US est de 25%). Le professeur Kaare Norum, responsable de la campagne anti-obésité auprès de l’OMS, a répliqué par une lettre accusant carrément l’administration américaine de sacrifier la santé des jeunes Américains aux intérêts des industriels. (2)
Selon George W. Bush et ses collaborateurs, la lutte contre l’excès de poids serait une question de « choix personnel ». Pas question que l’Etat vienne se mêler de ce que les gens ont dans leur assiette ! Mais ce discours sur le « free choice » (libre choix) ne sert qu’à dissimuler des motivations bassement commerciales et électorales.
Le lobby américain du sucre constitue un des gros bailleurs de fonds du Parti républicain (3). Jose ‘Pepe’ Fanjul, un des barons américains du sucre, a mobilisé plus de 100.000 dollars pour la campagne électorale de Bush. Peu rentable sur le marché mondial, le secteur est protégé par des quotas d’importation et des aides publiques. Par ailleurs, Coca-Cola et les autres géants de l’agro-alimentaire ne veulent pas d’entraves à leur liberté de gaver les consommateurs de sucres. Ajoutez à cela que la Floride - enjeu électoral majeur - est un des principaux Etats américains producteurs de sucre, et vous comprendrez que la « liberté des consommateurs » ne pèse pas lourd dans la « conscience » de George W.
Le capitalisme du XIXe siècle affamait les ouvriers. Celui d’aujourd’hui en gave de plus en plus. La logique est la même : la course au profit. Obèses de tous les pays, unissez-vous !
(1) L’obésité et l’excès de poids sont déterminés par le rapport du poids (en kilos) au carré de la taille (en mètres). Entre 25 et 30, la personne est en excès de poids. Au-delà de 30, elle est obèse.
(2) The Observer, 18 janvier 2004.
(3) Et de son concurrent démocrate : comme souvent aux USA, les bailleurs de fonds évitent de mettre tous leurs œufs dans le même panier.