Quelle est la situation des réfugiés à Cherbourg ?
Pascal Besuelle - Depuis quatre ans, nous constatons la présence de plusieurs dizaines de réfugiés, pour la plupart kurdes, qui essaient régulièrement de passer en Angleterre. Ils ont investi successivement plusieurs squats. Un ensemble assez large d’organisations et d’individus leur apporte un soutien matériel. Ce relatif - très relatif - « afflux » est évidemment consécutif à la fermeture du « centre » de Sangatte. L’image de Sangatte entretient, chez de nombreux élus de droite comme de gauche, la peur, le fantasme d’une « invasion » aux conséquences incontrôlables en termes sécuritaires... et électoraux.
Quelle est l’attitude des autorités ?
P. Besuelle - Pour l’État, la droite locale et les entreprises maritimes, les choses sont claires : matraques et rangers pour tout le monde. Sarkozy s’est fait le plaisir d’affréter un avion afin d’emmener vers le centre de rétention de Toulouse les victimes des rafles qui ont eu lieu sur le port. Ceux qui n’ont pas été arrêtés sont partis d’eux-mêmes, le propriétaire du terrain sur lequel ils étaient installés à Tourlaville ayant opportunément obtenu une mesure d’expulsion. Tout semblait donc réglé, ce dénouement provoquant satisfaction à droite et, il faut bien le dire, lâche soulagement des municipalités de gauche (trois des cinq mairies de la communauté urbaine sont dirigées par la gauche plurielle). Et puis, patatras, comme nous l’avions dit à l’époque, des réfugiés sont revenus et ont, cette fois-ci, élu « domicile » à Cherbourg, qui plus est dans un local appartenant à la commune. Cette situation a pour conséquence d’exacerber les contradictions à gauche : le maire PS de Cherbourg a d’abord déclaré qu’il n’expulserait pas les squatters, le député UMP lui reprochant son « manque de fermeté ». Le maire est ensuite revenu sur sa décision et a promis une expulsion « humaine » (sociale-libérale en somme), arguant de la dangerosité (incontestable) du local squatté.
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives du mouvement de solidarité en faveur des réfugiés ?
P. Besuelle - Tout d’abord, il faut souligner le caractère très large de ce mouvement. Dès l’origine, des citoyens indépendants ont apporté leur soutien matériel avec l’aide du Secours populaire et du Collectif contre le racisme et les idées d’extrême droite (CGT, SUD, FSU, LDH, Mouvement de la paix, Ligue de l’enseignement, Verts, LCR), ou encore d’Amnesty International. Puis, quand les réfugiés se sont fixés à Tourlaville, une association d’aide spécifique, Itinérances, s’est créée et a fait, en liaison avec les associations d’aide aux SDF (Chaudrée, Conscience humanitaire), un travail exemplaire en terme de soutien alimentaire et sanitaire. Ces derniers temps enfin, la communauté catholique s’est fortement mobilisée et la paroisse de Cherbourg a même officiellement apporté son soutien aux réfugiés. On a même vu des structures CFDT appeler à la mobilisation.
Cette initiative a rassemblé, dans une période extrêmement peu propice à la mobilisation, plus de 200 personnes. Cette revendication « unifiante », formulée voilà deux ans, dépasse maintenant largement le cercle des militants les plus impliqués dans l’action. Elle a pour intérêt de dépasser un cadre strictement humanitaire et de poser une problématique très clairement politique, ce qui amène d’ailleurs chez beaucoup le désir d’interpeller les candidats aux prochaines élections sur les questions d’immigration et d’asile. Chacun le sent bien, l’heure des choix est arrivée. Des choix de société.