Julian Assange ne pouvait pas quitter l’Ambassade pour se rendre en Équateur, car il risquait alors d’être arrêté par les autorités britanniques sur le trajet vers l’aéroport. Il a donc vécu durant 7 ans dans une pièce de 20m2, avec des conditions de vie de plus en plus dégradées. Sa détention a été jugée « arbitraire » par le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. En outre, le nouveau pouvoir en Équateur a coupé Assange de presque tous ses contacts, cherchant à le détruire physiquement et psychologiquement.
Une arrestation injustifiée
Sa demande d’asile de 2012 était survenue dans un double contexte.
D’une part, un mandat d’arrêt émis par la Suède « à des fins d’interrogatoire » dans le cadre de deux accusations d’agression sexuelle et de viol sur deux femmes différentes, accusations qui ont aujourd’hui été abandonnées par la justice suédoise pour prescription et absence d’éléments complémentaires pour faire avancer l’enquête. Julian Assange avait alors été arrêté dans un premier temps par la justice britannique dans le cadre de cette affaire, puis libéré sous caution.
D’autre part, des menaces d’arrestation par les États-Unis dans la foulée des documents fuités par Wikileaks en 2010 sur les exactions commises par l’armée Américaine en Afghanistan et en Irak.
Les risques de collaboration entre la police britannique et américaine étant très fortes et les peines encourues par Julian Assange aux États-Unis étant très importantes (pouvant aller jusqu’à la peine de mort), Julian Assange a fait le choix de demander l’asile politique auprès de nombreux pays, ce que le Président Hollande lui avait d’ailleurs refusé. Cette demande d’asile avait alors servi de prétexte à la justice britannique pour à son tour émettre un mandat d’arrêt contre Assange au nom de la violation des clauses de sa libération conditionnelle, mandat d’arrêt qui a servi de base à son arrestation le 11 avril - alors même que, comme la justice suédoise a abandonné ses poursuites, ce mandat d’arrêt est aujourd’hui caduque.
Les États-Unis n’avaient jamais officiellement déclaré qu’ils poursuivaient Julian Assange, la presse bourgeoise s’était d’ailleurs appuyée sur cette absence de déclaration officielle pour décrédibiliser Assange et le faire passer pour un narcissique et un paranoïaque… Jusqu’à son arrestation hier, où Scotland Yard a déclaré qu’il était de plus arrêté au nom des autorités américaines, pour motif de « piratage informatique », dans le cadre des révélations de 2010.
Il est important de souligner que ni l’Angleterre ni la Suède n’ont rendu possible les conditions de son procès pour viol et agression sexuelle, en lui garantissant par exemple qu’il ne serait pas extradé vers les États-Unis. Une fois de plus, les revendications féministes sont instrumentalisées par les États qui n’en ont en réalité rien à faire.
Une attaque contre la liberté d’expression, contre les droits démocratiques
Mais au-delà de ces considérations d’ordre juridique, l’attaque contre Julian Assange est une attaque contre le journalisme, la liberté d’expression et plus profondément contre le droit démocratique à dénoncer les pratiques criminelles menées aux plus hauts sommets des États. Car si nous ne nous reconnaissons pas dans un grand nombre de déclarations politiques de Julian Assange - dont certaines sont réactionnaires, antiféministes, racistes, et doivent à ce titre être combattues clairement et sans hésitation - il a été arrêté car il a, avec Wikileaks, exposé des images et des documents mettant à nu la violence de l’armée américaine, et plus généralement celle des puissances impérialistes.
De ce point de vue, il est impératif de le défendre face à la répression qu’il subit et nous exigeons sa libération immédiate dans le cadre des affaires de Wikileaks, ainsi que celle de Chelsea Manning. Nous exigeons de plus que le gouvernement français lui offre le droit d’asile. Son procès pour les affaires d’agressions sexuelles et de viol ne pourra malheureusement se tenir que le jour où sera garanti que ses poursuites ne seront pas instrumentalisées à d’autres fins.
Nous ne croyons pas en l’homme providentiel et nous pensons, comme le démontrent d’ailleurs les soulèvements actuels en Algérie et au Soudan, que le meilleur moyen de renverser les gouvernements criminels de nos sociétés - et en réalité le seul espoir que nous ayons - c’est la force collective de notre classe sociale qui se soulève, s’organise et se réapproprie dans toutes ses dimensions ses conditions d’existence. Nous défendons la perspective de gouvernements des travailleurEs, fondés sur l’auto-organisation, pour renverser ce système capitaliste de plus en plus barbare à mesure qu’il s’enfonce dans sa crise. Mais pour cela, nous devons nous battre pour garantir les meilleures conditions d’expression démocratique possible pour notre classe, et cela d’autant plus que nous vivons un moment de progression important de l’extrême droite et de durcissement répressif des États bourgeois. Le travail militant de Wikileaks, de touTEs les lanceurEs d’alerte et des journalistes engagés participent de ce combat, parfois au prix de leur sécurité personnelle. Nous devons les soutenir.
Louise R.