Le septième Forum social mondial (FSM) s’est clos, jeudi 25 janvier, à Nairobi (Kenya) dans un certain désenchantement. Les 100 000 participants attendus n’ont pas été au rendez-vous, puisque les organisateurs ont admis que l’affluence n’avait pas dépassé 57 000 personnes, dont 8 000 accueillies à titre gracieux.
Le défilé inaugural du samedi 20 janvier avait mobilisé seulement 10 000 personnes, mais la marche de clôture de jeudi a attiré encore moins de monde (2 000 personnes qui ont cheminé à travers les bidonvilles de la capitale kényane, en scandant le slogan traditionnel « Un autre monde est possible ».
Olivier Besancenot (LCR), l’un des candidats trotskistes à l’élection présidentielle française, a résumé le sentiment le plus répandu en déclarant que « le mouvement altermondialiste est peut-être moins à la mode, mais il continue à se construire » et que « chaque Forum a sa couleur : celui-ci est moins »rouge« que ceux de Porto Alegre (Brésil) ou de Caracas. »
En effet, la manifestation de Nairobi a été moins politique que celles d’Amérique latine. Elle a été marquée par une forte présence des mouvements chrétiens, très influents dans une Afrique où elle se tenait pour la première fois.
Une organisation parfois approximative a compliqué l’accès aux débats et créé des tensions entre les organisateurs et les militants des organisations les plus combatives. Ainsi le Parlement du Peuple, Attac Japon et le mouvement sud-africain Indaba ont manifesté pour la gratuité d’accès au Forum pour les Kényans, menaçant de bloquer les portes du FSM pour obtenir gain de cause.
D’autres militants ont envahi un stand de restauration pour protester contre la cherté de la nourriture, vendue trois ou quatre fois plus cher qu’en ville. Le prix exorbitant des bouteilles d’eau ou des transports collectifs, par ailleurs inexistants, a aussi été dénoncé comme excluant des débats les Africains les plus pauvres.
UN CERTAIN MALAISE
Tout au long du Forum, des manifestations ont été organisées en rapport avec l’actualité. La répression en Guinée et le silence de la communauté internationale devant la répression qui a fait 23 tués parmi les manifestants, à Conakry, ont ainsi été conspués.
Ils étaient encore 2 000 dans le centre de Nairobi pour exiger un moratoire dans les négociations sur les Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et 77 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Ces APE libéraliseraient, avant le 31 janvier 2007, les échanges entre leurs signataires, afin de se mettre en conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les altermondialistes redoutent que les produits européens n’en profitent pour envahir les pays du Sud, détruisant leurs fragiles marchés agricoles et artisanaux.
Réunies en « Assemblée des citoyens », les associations présentes au FSM ont arrêté un calendrier des prochaines actions altermondialistes. A l’initiative de Stop The War et de No Vox, le principe d’une journée contre la guerre en Irak a été décidé pour le 20 mars.
Un « contre-G8 » sera organisé à Rostock (Allemagne) au début du mois de juin. Les ONG appellent à une semaine de mobilisation, du 14 au 20 octobre, en faveur de l’annulation de la dette des pays du tiers-monde.
Les participants ont aussi apporté leur soutien à la campagne « Un travail décent pour une vie décente », lancée par la Confédération syndicale internationale et destinée à garantir les droits sociaux des travailleurs sud-africains qui travailleront à la préparation de la Coupe du monde de football de 2010.
Signe d’un certain malaise, aucun Forum ne se tiendra en 2008, les journées d’action thématiques représentant l’essentiel de la mobilisation mjavascript:barre_raccourci(’’,’’,document.formulaire.texte)ondiale.
Il faudra donc attendre janvier 2009 pour que les militants opposés à la mondialisation et au libéralisme se retrouvent afin d’échanger leurs expériences et de renforcer leur combativité. Mais la ville du Sud qui accueillera le huitième Forum social mondial n’a pas encore été choisie.
Les débats du Forum social mondial se prolongent sur Internet
LEMONDE.FR | 24.01.07 | 21h05 • Mis à jour le 25.01.07 | 11h23
Elle ne s’attendait pas à ça. « Paradoxalement, les Kényans sont assez absents, nombre d’entre eux se sentent exclus de l’événement. Le prix de l’entrée est prohibitif (80 euros !) », raconte Clémentine Autain depuis Nairobi. Si les participants africains au Forum social mondial (FSM) ne payent en réalité que cinq euros, c’est encore trop pour beaucoup de Kényans. Mais depuis mardi, selon le blog Mentalacrobatics, les organisateurs ont décidé de les laisser entrer gratuitement.
« L’organisation du Forum social au Kenya tient parfois du miracle », constate à la décharge des organisateurs le journaliste du quotidien suisse Courrier Simon Petite, présent sur place. Ceux-ci « n’ont obtenu aucun soutien financier des autorités. Ils doivent même louer le stade de soixante mille places. Pour y parvenir, il faut traverser la ville et passer la frontière invisible qui sépare les beaux quartiers de l’Est populeux », raconte-t-il. Des conditions qui peuvent également expliquer quelques cafouillages lors du lancement du Forum social, rapportés par le Collectif du 29 mai : « Organisée ce matin à 10 km du centre-ville, annoncée nulle part, avec un programme pas encore imprimé, la manifestation d’ouverture a accumulé les handicaps », constate-t-il, tout en déplorant également la sous-représentation des Kényans au sein du forum.
« LA DISCRIMINATION ÉCONOMIQUE »
Autre reproche fait par de nombreux participants : la présence de grands groupes d’hôtellerie-restauration sur le site de la manifestation, où ils vendent de la nourriture. « Au FSM existe aussi la discrimination économique », écrit Idéaliste convaincu. « Je peux acheter ma banane pour 5 shillings (0,06 €) à l’extérieur du site, sur place pour 10 shillings (0,12€ ) auprès d’un marchand itinérant ou bien pour 50 shillings (0,60 €) dans la tente de la succursale kényane de la multinationale Resort Inn présente sur place », note-t-il. Un constat qui a échauffé les esprits : « Il y a une heure, un groupe de gens a pris d’assaut les tentes du Windsor Golf and Country Club, et a pris beaucoup de nourriture. Un peu plus tard, la même scène s’est reproduite à la tente de Norfolk. Résultat : les deux hôtels ont plié bagage, sous bonne escorte policière », rapportait, mercredi, Mentalacrobatics.
L’incident n’a pas empêché le forum de suivre son cours : débats, conférences et ateliers sont retransmis en vidéo sur plusieurs sites dédiés. Pourtant, la vidéo n’a pas forcément vocation à remplacer le déplacement : « Comme d’hab’ dans ce genre d’événement, l’intérêt est surtout dans les discussions informelles, dans les rencontres spontanées, les échanges entre délégations. On en apprend souvent plus que dans les débats organisés », estime Clémentine Autain.
Damien Leloup et Luc Vinogradoff