La mobilisation des gilets jaunes se poursuit depuis le début de l’année et en est maintenant à deux mois entiers de blocages, de manifestations, d’assemblées citoyennes dans les localités ou les quartiers. Cela malgré la méfiance ou la franche hostilité du mouvement ouvrier traditionnel, malgré tous les efforts du gouvernement Macron pour tenter d’étouffer, de dénigrer, de criminaliser les gilets jaunes. Ces efforts ont été complétés crescendo depuis novembre par un nombre inouï de violences policières et de victimes de ces violences.
Aussi, loin d’être sorti de sa crise, le gouvernement est toujours socialement et politiquement isolé, dos au mur cherchant à reprendre de l’oxygène et à se libérer d’un guêpier qui le paralyse dans la poursuite des réformes libérales.
Mais dans le camp des classes populaires, la question reste entière d’accroitre le rapport de force, face à ce gouvernement claquemuré derrière sa police et à un patronat muet, retenant son souffle en continuant d’engranger ses profits. Comment faire aboutir les revendications portées par les gilets jaunes, en premier lieu la question du pouvoir d’achat, c’est-à-dire celle des salaires, des allocations et des pensions, et celle de l’injustice fiscale ? Le soutien et la sympathie envers les gilets jaunes est toujours aussi forte dans la population et notamment parmi les salarié-e-s, mais sans la mise en mouvement de nouvelles couches sociales dans les quartiers et les entreprises, couches qui restent spectatrices du mouvement comme si elle n’avait pas la réponse au changement nécessaire de ce rapport de force, cela malgré l’investissement de militant-e-s du mouvement social , investissement qui n’est pas encore à l’échelle de ce qui est nécessaire pour renforcer directement le mouvement de gilets jaunes. Il n’y a pas encore de secteur professionnel entré en grève à la chaleur des gilets jaunes.
Le pays vit depuis deux mois dans une crise politique latente. Le 5 décembre, dos au mur, le gouvernement a dû annuler purement et simplement l’augmentation de la taxe carburant qui avait été à l’origine du mouvement. Cela n’a pas empêché la mobilisation de se renforcer dans les jours suivants. Macron a essayé une nouvelle fois de sortir de la nasse en annonçant, le 9 décembre, un train de mesures en trompe l’œil, accordant, à une partie des salariés payés au SMIC, une hausse anticipée d’une prime d’activité et la non augmentation de l’impôt social ( la CSG) sur une partie des retraités. Ces nouvelles mesures, valorisées par la presse comme un recul très important, n’ont pas recueilli le même enthousiasme de la part des gilets jaunes, des smicard-e-s et des retraité-e-s. Car, elles ne modifient en rien la situation actuelle de l’ensemble des classes populaires qui, toutes, vont subir la stagnation des salaires et des pensions face à une inflation qui a repris une hausse régulière (1,8% en 2018, prévision équivalent pour 2019).
Les mobilisations et les actions des gilets jaunes se sont poursuivies à plus petite vitesse autour des fêtes de fin d’année, mais ont repris de façon plus intenses début janvier avec sûrement plus de 100000 manifestant-e-s le 12 janvier, notamment de très grosses manifestations dans les régions (Bordeaux, Toulouse, Bourges, Rouen, Saint-Brieuc, Nantes, Lyon, Marseille, Montpellier, Perpignan, Pau,….). Il en a été de même le 19 janvier avec à nouveau au moins 100000 manifestant-e-s réparti-e-s dans de très nombreuses villes.
Plusieurs faits sont à noter ces dernières semaines :
Du côté du pouvoir, une volonté de démultiplier la violence policière. Le gouvernement essaye depuis le début de décembre de discréditer le mouvement en le qualifiant de violent, séditieux, utilisant volontairement le vocabulaire attribué généralement à des actions de groupes d’extrême droite. D’ailleurs, Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, développe en permanence des éléments de langage faisant apparaître les gilets jaunes comme des élément d’extrême droite, violents, homophobes, antisémites et racistes « voulant renverser la République » . Ces derniers jours, face à la remontée des mobilisations de rue, Castaner, Ministre de l’Intérieur, avait déclaré que toutes les manifestations des gilets jaunes non déclarées étaient illégales et que ceux et celles qui y appelaient ou y participaient devaient en subir les conséquences. En pratique ces déclarations visant à faire peur, se sont doublées, d’un grand nombre d’interpellations, de mise en examen. Il y a une criminalisation de l’action des gilets jaunes, comme il y avait criminalisation des mobilisations de la jeunesse des quartiers populaires en 2005. Il y a aussi désormais l’utilisation de tout l’arsenal judiciaire dont dispose le Ministère de l’Intérieur pour des arrestations préventives, des déclarations d’atteinte à l’ordre public, de regroupement pour mener des actions violentes…. Les autorités administratives, notamment les préfets, ont désormais des droits exorbitants de limitation des libertés publiques, hérités de lois antiterroristes et notamment de la loi intégrant depuis 2018 les dispositions de l’Etat d’urgence.
A ces limitations des droits démocratiques s’ajoute une montée systématique de la violence policière, violence policière orchestrée directement par la hiérarchie. Cette violence correspond de la part du pouvoir d’abord à une peur réelle du mouvement, des mobilisations populaires et donc entraîne la volonté de les étouffer, les éteindre par l’emploi de la force. Luc Ferry, ancien ministre de Sarkozy, a clairement appelé, le 8 janvier, à ouvrir le feu contre les gilets jaunes : « Ça suffit, ces nervis d’extrême droite et extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper des policiers. (...) On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies ». De tels propos n’ont entraîné que très peu de réactions politiques de désaveu. . Les propos de Luc Ferry venaient au lendemain de l’acte 8 des gilets jaunes à Paris où un groupe de manifestants avait été grenadé et atteints par les flash balls et frappés à terre par des policiers. En riposte ceux-ci avaient été littéralement boxés à mains nues par l’ancien boxeur professionnel Christophe Dettinger.
La vidéo montrant la scène a fait en quelques heures le buzz et les messages de sympathie se sont multipliés pour Dettinger, arrêté, puis mis en examen. Une cagnotte de soutien a recueilli plus de 100000 euros en quelques heures avant d’être fermé sur ordre du gouvernement. Il y a donc une réelle peur du côté des possédants, devant la perte de légitimité du pouvoir et de ses sbires, devant la popularité maintenue des gilets jaunes parmi la population.
L’autre vecteur de cette violence est une escalade progressive commencée depuis plus de 10 ans en France où est appliquée une doctrine de « maintien de l’ordre à la française », basée sur des arrestations systématiques avant et durant les manifestations, l’absence de toute recherche de dialogue et de désescalade, au contraire l’utilisation systématique désormais d’armes « non-létales », dites aussi de « force intermédiaire » : les LBD40, lanceur de balles de caoutchouc. Ces armes font de graves blessures et peuvent être mortelles. Malgré les déclarations du Ministère, elles sont utilisées en visant systématiquement la tête des manifestant-e-s . Avec l’Etat Espagnol, la Grèce, la Pologne, la France est un des rares pays d’Europe où cette arme est autorisée contre des manifestants. Les GLI F4, grenade à main lacrymogènes et assourdissantes, dites de « désencerclement » sont en théorie utilisée en cas d’urgence, de mise en péril des policiers. En pratique, comme les LBD, elles deviennent aussi d’un usage courant contre les manifestations. Elles contiennent une charge de 25gr de TNT et crée un violent effet de souffle en explosant. Elles avaient été utilisées massivement pour l’expulsion des zadistes de Notre Dame des Landes en avril 2018. Les GLI F4 sont interdites d’usage contre des manifestants dans tous les pays d’Europe sauf en France.
La question des violences policières contre les gilets jaunes a été systématiquement niée par le gouvernement et occultée par les grandes chaînes d’information. Pourtant un rapport d’Amnesty International le 14 décembre avait déjà dénoncé l’action de la police contre les gilets jaunes, sans qu’il entraîne la moindre médiatisation. Les décomptes ont percé ce mur de silence début janvier par des articles de presse et l’enquête d’un journaliste free lance David Dufresne : au moins 94 blessés graves recensés dont 69 par des tirs, 14 manifestant-e-s ayant perdu un œil, plus des mains arrachées, des mâchoires fracassées,…La violence policière n’a commencé à devenir une question politiques que ces derniers jours.
Mais les forces de police et notamment les forces de police spécialisées dans le maintien de l’ordre (CRS et gendarmes mobiles) bénéficient d’autant plus du soutien sans faille du gouvernement qu’elles agissent tout simplement sous ses ordres et que l’on n’est pas dans le cadre de « bavures ». Les forces de police en général ont, comme dans d’autres pays, les mains libres et le droit à l’impunité. Le gouvernement et les medias les ont, depuis les attentats de 2015, auréolés du prestige de protecteurs de la République. Pour l’instant, le gouvernement balaye de la main la question des violences policières. Christophe Castaner, Ministre de l’Intérieur vient de déclarer « Je n’ai jamais vu un membre des forces de l’ordre attaquer un manifestant ».
Parallèlement, le gouvernement vient de lancer un « Grand débat national » dans le pays, sur 4 thèmes : fiscalité et dépenses publiques ; organisation des services publics ; transition écologique ; démocratie et la citoyenneté. Débat de deux mois totalement encadré par le gouvernement et auquel sont conviés non seulement les gilets jaunes mais tous les « corps intermédiaires », notamment syndicats et partis. Dans le mouvement syndical, seuls la CGT et Solidaires ont refusé de cautionner ce qui n’est qu’une mascarade de débat démocratique. Emmanuel Macron vient de communiquer une longue lettre pour lancer et encadrer ce débat, posant lui-même plusieurs 35 questions qui devront trouver des réponses…sans donner aucune réponse aux demandes précises des gilets jaunes et essayant de dévier le débat sur les questions de l’immigration ou de la restriction des moyens des services publics jugés comme pendant obligatoire aux baisses de prélèvements fiscaux réclamés par les gilets jaunes.
Pour lui donner un cachet da neutralité, le débat aurait dû être encadré par une instance indépendante du gouvernement, la commission nationale du débat public. Mais sa présidente, Chantal Jouanno, ancienne ministre de Sarkozy, a refusé la mission. Dès lors, c’est directement le gouvernement qui l’organise.
A l’issue de ce « débat », vers le 15 mars, seraient prises par le gouvernement, des mesures répondant aux questions soulevées dans des cahiers de doléances. Des réunions locales doivent d’ici être organisées par des mairies ou des associations. Le but est de montrer que Macron et le gouvernement répondent aux gilets jaunes, à l’exigence de démocratie et d’écoute de leurs demandes ans les différents domaines. Mais d’ores et déjà, Macron a annoncé qu’il ne changerait pas de cap…. et ne reviendrait pas sur les mesures prises depuis le début de sa présidence, en mai 2017, comme la suppression de l’ISF, la pérennisation du CICE.
Et pour que les choses soient bien claires, c’est aussi directement Macron qui imprime la maîtrise de ce débat en animant deux réunions la semaine du 14 janvier, dans deux petites villes, une dans l’Eure, l’autre dans le Lot, à chaque fois avec 600 maires de petites communes. Ces deux réunions se sont déroulées dans des salles transformées en bunker, les communes en état de siège trente kilomètres à la ronde, rappelant les bouclages pour les sommets internationaux. Cela a aussi été le cas ces derniers jours pour un déplacement de Macron à Toulouse avec le même dispositif ultrasécuritaire pour empêcher toute incursion de manifestants. Donc Macron se met en scène sur les grandes chaînes comme animateur de ce débat, sans aucun contact avec celles et ceux à qui ils proposent ce débat et qui l’ont provoqué. De nombreuses assemblées ou manifestations de gilets jaunes ont clairement opposé un refus de s’intégrer dans ce processus de débat sans débat.
Par contre, dans la dynamique du mouvement et prenant appui sur ces deux mois de débats, de centaines d’assemblées de gilets jaunes se réunissent depuis des semaines, dans des conditions très diverses, pour préciser leurs exigences et débattre de leurs moyens d’actions. Un net changement s’est opéré depuis début janvier. Des militants de la gauche radicale, des syndicalistes, sont plus nombreux et plus à l’aise dans ces assemblées, ayant fait leur preuves en participant régulièrement à la construction des actions. Les cahiers d’exigences se précisent, en même temps que la structuration. Le 26 janvier, à Commercy en Lorraine, aura lieu une rencontre nationale des gilets jaunes, suite à deux appels lancés par les gilets jaunes de Commercy.
Le premier appel, lancé fin novembre, visait à refuser la nomination de représentants régionaux ou nationaux autoproclamés des gilets jaunes, appelant à la multiplication des assemblées populaires locales démocratiques. Le deuxième appel a été une invitation à ce que ces assemblées locales se réunissent ensemble le 26 janvier pour se renforcer et cibler les vrais obstacles aux exigences des gilets jaunes « les 500 personnes les plus riches de France ont multiplié par 3 leur fortune depuis la crise financière de 2008, pour atteindre 650 milliards d’€ !!! Les cadeaux fiscaux et sociaux faits aux plus grandes sociétés s’élèvent également à plusieurs centaines de milliards par an. » Le but de cette réunion est aussi la mise en commun des cahiers de revendications, des « cahiers de doléances » sans passer par le filtre du grand débat mais pour donner un poids national aux exigences des gilets jaunes.
Impossible de savoir quelle sera la représentativité de cette réunion [voir la note ci-dessous à ce sujet.], mais elle rencontre un grand écho dans beaucoup d’assemblées de gilets jaunes, ayant discuté tant du cahier que de la délégation.
Dans tous le cas, à l’étape actuelle, ce qui est évident est le maintien de la mobilisation, de la cohérence de l’action des gilets jaunes, de l’échec des tentatives de l’extrême droite de mettre sa patte sur ses exigences, de l’échec du gouvernement de le briser ou de manipuler de prétendus porte-parole. La jonction est meilleure avec les secteurs radicaux, en témoigne par exemple l’action commune CGT/Gilets jaunes organisée à Bordeaux samedi 19 janvier par la CGT Ford avec Philippe Poutou et des militants des gilets jaunes du Nord Gironde, action visant à s’opposer à la fermeture de l’usine de Ford Blanquefort. De même, désormais Solidaires appelle explicitement à renforcer directement le mouvement, appelant ses militants à s’insérer dans les actions et les groupes Gilets jaunes. Du côté de la CGT, les choses sont moins évidentes. De nombreux militant-e-s CGT étaient et sont sur les ronds-points et parmi les gilets jaunes. Mais surtout, désormais, de nombreuses structures CGT se sont liés aux gilets jaunes avec des rédactions de tracts, des appels communs à manifester avec des plates-formes communes. Cela n’efface pas la tiédeur, la méfiance de la direction de la CGT qui continue surtout à poser son action comme parallèle à celle des gilets jaunes. FO, FSU, CFDT et UNSA restent au mieux distantes, au pire hostile.
Dans tous les cas, se posent toujours les deux tâches dans le mouvement ouvrier pour ses secteurs radicaux et anticapitalistes : rejoindre, renforcer, étendre l’action des gilets jaunes, son mouvement et ses structures. Parallèlement, bien sûr, engager toutes ses forces pour la mise en mouvement des salarié-e-s sur leur lieux de travail, sur les revendications qui sont portées par les gilets jaunes sur les salaires, les pensions, l’augmentation du SMIC, l’indexation des salaires, pensions et allocations sur le coût de la vie ; pour poser avec eux aussi la question de l’injustice fiscale et exiger la fin des impôts indirects.
Car, réellement, les forces du mouvement ouvrier restent majoritairement arme au pied alors qu’il faut avancer vers la mobilisation générale contre Macron, arriver à ce que les forces militantes se mettent au diapason des gilets jaunes et agissent aussi pour que des secteurs professionnels entre en grève au côté de gilets jaunes<. Mais ces deux actions sont nécessaires
Il est par ailleurs surprenant de voir à quel point les gilets jaunes agissent comme décapant sur les partis politiques.
La droite classique, LR, est restée totalement déstabilisée par le mouvement. Après avoir essayé de surfer sur les premières manifestations, Wauquiez revêtant même un gilet jaune, lorsque la logique d’Etat et de répression a été mis en œuvre par Macron, les LR sont devenus muets, ont même réagi en trouvant que le gouvernement était trop laxiste envers « les casseurs ». Au total, deux mois après, les LR ont perdu encore en crédibilité. D’ailleurs, tous les efforts politiques de Macron, ces dernières semaines ont été pour assécher l’audience des LR et respirer un peu plus en apparaissant plus crédible du côté de la droite classique. Ainsi, non seulement la répression policière, « le maintien de l’ordre », mais aussi les déclarations du gouvernement sur la possible suspension des allocations familiales pour les parents d’enfants délinquants, la dénonciation des « assistés », ces dernières semaines, en parlant des allocataires des minimas sociaux, tout autant de postures et de déclarations visant à apparaître comme le meilleur président de droite. D’ailleurs, le ralliement net du courant d’Alain Juppé à Macron réduit encore l’espace des LR qui reste néanmoins le principal danger parmi les partis traditionnels. En effet, la gauche social-démocrate et écologiste est totalement aphone, incapable de soutenir un mouvement qui remet directement en cause les politiques d’austérité qu’ils ont toujours soutenu.
En voulant s’auto instituer prolongement politique et quasiment porte-parole des gilets jaunes, JL Mélenchon s’est créé un double mouvement de rejet : d’abord par le refus des gilets jaunes d’être ainsi instrumentalisé, ensuite par la méfiance d’une partie des militant-e-s de gauche vis-à-vis des gilets jaunes. Aussi, paradoxalement, il n’augmente pas son poids politique de meilleure opposition à Macron au moment où un mouvement réel s’en prend au régime. Par ailleurs la crise interne de la France insoumise se consume comme une mèche lente. La gauche radicale, essentiellement le NPA, gagne en sympathie et en crédibilité par une attitude politique plus respectueuse du mouvement et porteuse de propositions dans les débats, mais elle reste encore en dehors des radars nationaux, mise à part une grande popularité individuelle d’Olivier Besancenot.
Le problème crucial de Macron est qu’il ne rétablit pas un rapport de force favorable, notamment à la poursuite des deux prochaines réformes libérales d’importance : celles des retraites avec une refonte totale, l’unification des régimes, et le passage à une retraite par points. L’autre, la réforme de la fonction publique visant à la suppression de 120000 postes, le recrutement de salariés non-fonctionnaires. Les deux réformes étaient prévues pour le 1er semestre 2019. Les mettre en branle maintenant serait synonyme d’alimenter de deux grosses bûches le feu que l’on veut éteindre.
Parallèlement, son initiative de Grand débat peut se retourner par un effet de boomerang redoutable au plus tard début mars lorsqu’apparaitra au grand jour le grand écart entre les aspirations populaires et le maintien de la rigidité libérale. La presse patronale lui enjoint clairement d’ailleurs de ne prendre aucune mesure « démagogiques » qui mettrait à mal les profits des entreprises. Tout cela montre l’importance des enjeux pour les semaines à venir.
Enfin, s’il est impuissant à peser sur un mouvement qui vise explicitement à une augmentation des salaires et à une autre répartition des richesses, le Front national apparait toujours comme le parti à même d’engranger les fruits de cette crise politique lors des prochaines élections européennes.
Léon Crémieux 21 janvier 2019
Note complémentaire sur « l’assemblée des assemblées » de Gilets jaunes à Commercy
L’assemblée des gilets jaunes de Commercy, « l’assemblée des assemblées » a été un réel succès rassemblant près d’une centaine de délégations et plus de 300 participants.
Son but n’était pas de créer une direction des gilets jaunes, encore moins un parti ni de lancer une liste pour les européennes.
La question n’est pas anodine, car cette semaine un groupe de gilets jaunes a annoncé la mise sur pied autoproclamée d’une liste appelée RIC « rassemblement d’initiative citoyenne », clin d’œil à la revendication du référendum d’initiative citoyenne, avec comme tête de liste Ingrid Levavasseur, une aide-soignante de l’Eure, qui a pris la parole plusieurs fois dans les medias. Ce groupe a été dénoncé comme sous influence de la République en Marche pour torpiller le mouvement. De même Jacline Mouraud, une des premières gilets jaunes vient de créer un parti les « Emergents » visant elle les élections municipales de 2020.
Ces deux initiatives, parallèles, mais tout aussi peu démocratiques, passant par-dessus la tête de l’ensemble des gilets jaunes sont le reflet de la pression du gouvernement et des médias pour que les gilets jaunes deviennent « responsables » et rentrent dans le système qu’ils condamnent.
L’état d’esprit de l’Assemblée de Commercy est aux antipodes de ces deux initiatives. L’idée est au contraire d’asseoir le mouvement des gilets jaunes sur ses assemblées de base et de créer un réseau de débat, d’échanges sur les actions et les revendications, sans la prétention de « centraliser » le mouvement.
La réunion de Commercy était la première initiative de ce genre parmi les gilets jaunes.
Médiatisée par les réseaux sociaux mais sans aucune publicité dans les grands medias, elle a été » le reflet fidèle des principales revendications qui apparaissent parmi les gilets jaunes, notamment sur l’augmentation des salaires et des pensions, l’exigence démocratiques, la dénonciation des violences policières et de la mascarade de débat Macron. Elle a aussi témoigné de la recherche de convergence avec le mouvement syndical en appelant à la grève générale à partir du 5 février, journée nationale de grève lancée par la CGT, rejointe par Solidaires. On peut dire que se sont reconnus dans les appels de Commercy beaucoup de groupes gilets jaunes penchant à gauche, mais cette initiative allait dans le même sens que l’appel de groupes de gilets jaunes à se rassembler samedi soir Place de la République à Paris, reprenant le flambeau de « Nuit debout » du printemps 2016. Là aussi, la volonté était de se regrouper et de débattre. La police a rapidement gazé et chargé pour empêcher les gilets jaunes de se rassembler.
Le troisième appel de Commercy va circuler dans les jours qui viennent pour tenter de faire trait d’union.
Léon Crémieux, 28 janvier 2019