Il aura fallu plus de quatre ans pour que la loi sur le salaire minimum entre en vigueur en Afrique du Sud. Pour le gouvernement, celle-ci doit constituer un cap “historique, pour remédier aux difficultés des salariés les plus pauvres”, rappelle le site d’actualité économique Fin24.
La nouvelle législation établit “un taux horaire obligatoire de 20 rands [1,20 euros]”, mais l’augmentation sera progressive “pour les femmes de ménage qui toucheront 15 rands [0,90 euro] de l’heure et pour les ouvriers agricoles à 18 rands [1,10 euros] de l’heure” dans un premier temps.
La moitié de la main d’œuvre concernée
Le salaire minimum mensuel légal en Afrique du Sud sera donc de 3 500 rands, soit 213 euros. “C’est un objectif décourageant, étant donné les taux de pauvreté et les inégalités du pays, juge le Daily Maverick, mais c’est précisément pour ces raisons que la nouvelle loi pourrait bénéficier à des millions de travailleurs peu rémunérés (…) Selon la présidence, la nouvelle loi entraînera une augmentation de salaire pour environ six millions de travailleurs, soit 47 % de la main-d’œuvre du pays.”
Son entrée en vigueur va intervenir cinq mois avant les prochaines élections générales. Ce projet de loi a toujours été fermement soutenu par la principale centrale syndicale sud-africaine, la Cosatu – alliée du Congrès national africain (ANC) au pouvoir. Fin24 relate que :
La confédération syndicale a déclaré que la signature de ce projet de loi constitue ‘une victoire historique’, et ‘montre le pouvoir des travailleurs lorsqu’ils sont unis’”
“Condamnation à la pauvreté”
Mais sa rivale, la Fédération sud-africaine des syndicats (Saftu), s’est toujours opposée à l’introduction de ce salaire minimum jugé dérisoire. “Le niveau minimum de 20 rands par heure est de loin inférieur à ce dont les gens ont besoin pour vivre. Il condamne des millions de travailleurs et leurs familles à la pauvreté, avec l’aval du gouvernement”, s’est plaint la Saftu, citée par le Daily Maverick.
La fédération syndicale se réfère notamment à une étude de l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg, selon laquelle “les travailleurs pauvres ont besoin de 4 125 rands par mois [250 euros] pour survivre”.
Certains analystes prédisent des maux sans fin pour l’économie sud-africaine lorsque le salaire minimum national entrera en vigueur.
Des destructions d’emplois ?
Dans un éditorial alarmiste, le journal dominical City Press qualifie la réforme de “toxique” et “destructrice”, et prévoit déjà des destructions massives d’emplois, alors que le chômage est déjà massif dans le pays (27%). Le comité qui a déterminé le niveau du salaire minimum “assure qu’une forte augmentation pour le travail peu rémunéré ‘ne règle en rien le problème du chômage’ mais ‘au contraire se traduit par une précarité accrue pour les travailleurs pauvres’”. La loi prévoit toutefois que les entreprises en difficulté financières seront dispensées de l’appliquer.
L’éditorialiste s’inquiète particulièrement pour “les 2,5 millions de travailleurs qui gagnent actuellement entre 2 500 et 3 500 rands par mois”, et pour “les milliers de petits employeurs qui vont devoir licencier leurs salariés et mettre la clé sous la porte”.
Entre ceux qui critiquent un “salaire minimum forcé” et ceux qui dénoncent “un salaire d’esclave”comme certains syndicats, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a concédé que ce nouveau salaire minimum “ne constitue pas un salaire décent pour vivre. Mais il faut bien un début à tout”, a-t-il ajouté.
Liza Fabbian
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