Cette nomination a une forte signification. S. Moro a été le principal responsable de l’opération Lava Jato [initiée en 2014-2015] au sein du pouvoir judiciaire. C’est à partir de cette position qu’il a agi continuellement afin d’interférer dans le processus politique national. Au milieu de la mobilisation pour la destitution de Dilma Rousseff, en août 2016, le juge Moro a divulgué illégalement un enregistrement audio d’un entretien téléphonique entre la présidente d’alors et Lula. En juillet 2017, il a condamné en première instance l’ex-président Lula dans un procès marqué par l’arbitraire [le 4 mars 2016, sur ordre de Sergio Moro, la police débarqua devant la maison de Lula da Silva pour l’emmener au commissariat ; et comme par hasard, toutes les caméras filmaient cette « arrestation »]. Cette condamnation a pavé le chemin menant Lula en prison avant de lui récuser le droit de se porter candidat cette année-là. Enfin, dans une autre manœuvre illégale, Moro a divulgué la déposition confidentielle d’Antônio Palocci à six jours du premier tour des élections [A. Palocci pour réduire sa peine de nombreuses années d’incarcération pour corruption se transformait en dénonciateur de Lula].
Cet ensemble d’actions a renforcé indirectement la candidature de Bolsonaro, en insufflant un « antipétisme » sur lequel a surfé le candidat du PSL (Parti social-libéral] et, directement, en empêchant Lula qui était en tête des sondages d’intentions de vote de se porter candidat. Il s’agit là d’une intervention directe du pouvoir judiciaire sur les élections présidentielles de cette année. Ce même pouvoir a fait totalement preuve de connivence avec toutes les irrégularités commises par Bolsonaro et a permis une série de mesures intimidantes contre la campagne de Fernando Haddad (PT), spécialement lors du second tour.
Maintenant, après les grands services rendus au coup d’Etat institutionnel [l’impeachment de Dilma Rousseff] et à son agenda politique réactionnaire, Moro s’éloigne de la magistrature et est récompensé : il assumera un super-ministère de la Justice, lui permettant également d’exercer ses pouvoirs dans le secteur de la Sécurité publique [1]. Cela démontre pleinement le caractère sélectif et réactionnaire du Lava Jato qui a toujours été au service du coup d’Etat parlementaire afin de permettre une sortie encore plus conservatrice pour la crise politique brésilienne.
C’est ainsi que le gouvernement Bolsonaro se dessine. Une alliance sinistre avec une présence forte de l’élite des forces armées, de l’agrobusiness, des éléments les plus réactionnaires du pouvoir judiciaire [2] et ainsi que d’une partie des directions d’Eglises évangéliques.
Plus que jamais, il sera très important de renforcer un front unique qui unifie les centrales syndicales, les syndicats, les partis de gauche qui s’identifient avec les travailleurs, les mouvements populaires, les mouvements étudiants, les mouvements de luttes contre les oppressions, le Front Brésil populaire et le Front d’un peuple sans peur.
Un front unique des masses laborieuses qui promeut une ample unité d’action en résistance aux attaques contre les droits sociaux et les libertés démocratiques qui seront mises en œuvre par le gouvernement Bolsonaro et ses alliés.
Editorial d’Esquerda.online