Les temps sont durs pour les journalistes exerçant au Bangladesh. Vendredi 2 novembre, c’est avec tristesse et colère que les médias locaux ont célébré la journée mondiale de la fin de l’impunité pour les crimes perpétrés contre leur profession. Le Daily Star souligne ainsi que l’année 2018 a été “l’une des pires” dans le monde, en particulier en Somalie, en Syrie, en Iraq, au Soudan du Sud, en Afghanistan et… au Bangladesh, au Pakistan et en Inde. “C’est choquant et cela montre le vrai niveau de protection accordé aux journalistes en Asie du Sud”, déplore le journal. S’agissant du Bangladesh, un pays qui n’est pas en guerre, précise-t-il, “ce n’est pas une grande surprise pour qui a assisté aux récentes manifestations étudiantes en faveur de la sécurité routière”.
On a vu en effet une trentaine de reporters “ciblés délibérément” par des actes de violence de la part de militants favorables au gouvernement de la Ligue Awami, dirigé par Sheikh Hasina. “Les journalistes ne sont pas en sécurité au Bangladesh”, affirme le Dhaka Tribune, comme l’ont encore démontré les lois sur la télévision et sur la sécurité numérique entrées en vigueur courant octobre. Des textes qui permettent aux autorités d’emprisonner toute personne relayant des informations considérées comme “fausses”.
“L’hiver tombe sur Dacca”
Alors que des élections législatives doivent se tenir en décembre, “la démocratie est en crise” au Bangladesh, estime le quotidien New Age. Non seulement à cause du traitement de plus en plus sévère réservé à la presse, mais aussi parce que les opposants sont de plus en plus nombreux à être arrêtés. “Dans l’opposition, on considère que tout est fait pour que le scrutin soit organisé sous le contrôle des seuls responsables actuels, afin d’assurer illégalement leur maintien au pouvoir”, indique le journal, qui ajoute que “des millions d’électeurs ne savent même pas s’ils seront autorisés à voter librement”. C’est toujours pareil, dénonce New Age : “Chaque fois que des élections approchent, les partis politiques se font la guerre pour savoir quelle autorité doit superviser le vote”, au lieu de s’assurer que les diversités ethnique, religieuse et sexuelle seront équitablement respectées.
“L’hiver est en train de tomber sur Dacca”, s’alarme le rédacteur en chef de The Asian Age, Syed Badrul Ahsan, dans les colonnes de The Indian Express, l’un des plus grands quotidiens anglophones de l’Inde voisine. “La tension monte et la question n’est plus de savoir qui va gagner, tant l’inquiétude est grande qu’une atmosphère pacifique puisse ou non être maintenue, lorsque le pays se rendra aux urnes”, explique-t-il. Le Parti nationaliste du Bangladesh, principale formation d’opposition dont la présidente, Khaleda Zia, croupit derrière les barreaux et vient d’ailleurs de voir sa condamnation pour corruption passer à dix ans, “craint que ne se répète le scénario de janvier 2014, lorsque tous les candidats de la Ligue Awami avaient été élus, faute d’adversaires”. L’avenir semble décidément bien sombre.
Guillaume Delacroix
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