“Si nous portons (la crise) dans la rue, il y aura un énorme bain de sang”, a mis en garde le président du Parlement sri-lankais, Karu Jayasuriya, lundi 29 octobre, alors que s’accentue la pression de la communauté internationale sur le président Maithripala Sirisena. Le pays s’enfonce dans la crise politique depuis vendredi, quand le chef de l’État a limogé le Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, avec qui il gouvernait depuis 2015, et a nommé à sa place l’ex-président Mahinda Rajapakse.
La “crise constitutionnelle créée par le président Sirisena” – comme l’écrit le quotidien indépendant sri-lankais The Island – a pris dimanche soir une tournure violente : un garde du corps d’Arjuna Ranatunga, ministre du Pétrole du gouvernement démis, a tiré sur une foule hostile qui tentait de prendre en otage ce soutien de M. Wickremesinghe, tuant un homme de 34 ans. M. Ranatunga a été arrêté lundi. Et, alors que la crise entrait dans son troisième jour, de longues files de clients s’étiraient devant les stations essence de Colombo, rapporte la journaliste du Guardian dans la capitale..
Washington a appelé dimanche M. Sirisena à “reconvoquer immédiatement le Parlement”. L’Inde pousserait également en ce sens, selon des sources diplomatiques indiennes contactées par l’Agence France-Presse. En attendant, le camp Rajapakse est à la manœuvre pour rallier des élus qui appuieraient au Parlement M. Rajapakse, explique le Times of India. D’après Ranjan Ramanayake, un membre de l’UNP cité par le journal, des législateurs se seraient vu proposer jusqu’à 800 millions de roupies (4,6 millions de dollars) pour virer de bord et soutenir l’ancien homme fort de l’île.
La crise pourrait profiter à la Chine
“Il semble que M. Sirisena ait mal calculé, dès le début, l’appui qu’il pouvait obtenir pour évincer M. Wickremesinghe”, analyse le New York Times. Par ailleurs, “la décision du président […] d’inviter M. Rajapakse à revenir au pouvoir va à l’encontre des promesses qu’il avait faites d’enquêter sur les actions de l’ancien exécutif pendant la longue guerre civile du pays”, de 1983 à 2009, ajoute le journal.“Au cours de ses dix années au pouvoir (2005-2015), M. Rajapakse et son gouvernement ont été accusés de violations des droits dans le cadre de la guerre contre (la rébellion séparatiste) des Tigres tamouls. Des hommes politiques de l’opposition, des travailleurs humanitaires et des journalistes disparaissaient régulièrement, beaucoup étaient retrouvés morts.”
Au plan régional, la crise pourrait profiter à la Chine. “Sous le règne de M. Rajapakse”, l’empire du Milieu “a trouvé une ouverture pour attirer davantage le Sri Lanka dans son giron grâce à des milliards de dollars de prêts, certains pour les projets préférés de la famille au pouvoir”, rappelle le quotidien. Et de citer un analyste : “Pays après pays, la Chine a exploité le désarroi interne pour avancer ses intérêts.”
Courrier International
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