“Trois mois après que la Belgique s’est extasiée sur les exploits des Diables rouges en Coupe du monde, le retour du balancier est particulièrement violent pour le football belge”, déplore Le Soir.
Comme toute la presse belge, le journal affiche ce 11 octobre à sa une le scandale qui a éclaté la veille. Une opération de police “sans précédent” a été déployée : 184 policiers mobilisés ont mené 44 perquisitions. Ils ont saisi des documents, des montres de luxe, des bijoux et de l’argent liquide pour un total de 8 millions d’euros.
“Ces perquisitions ont eu l’effet d’une bombe, souligne La Dernière Heure-Les Sports, car la moitié des clubs de football de D1 – dont les 5 grands, Anderlecht, Bruges, Standard, Genk, Gand – étaient visés.” Et l’opération touche de grands noms du football, renchérit Le Soir : “le principal agent de joueurs du pays, l’entraîneur du club champion, l’ex-manager d’Anderlecht, les deux meilleurs arbitres deD1. Pour ne citer que les protagonistes les plus connus.”
Les auditions se sont poursuivies ce 11 octobre. Au total, 29 personnes ont été interpellées. “À ce stade-ci, quatre personnes ont été inculpées pour participation à une organisation criminelle et corruption privée active et passive”, indique le quotidien francophone.
Les maux qui rongent le football
”Que leur reprochent les enquêteurs ?” interroge encore Le Soir.
En résumé, la liste de tous les maux, ou presque, qui rongent le football : fraude financière, évasion fiscale, matchs truqués.”
Au centre de l’enquête, deux personnages, Mogi Bayat et Dejan Vejlkovic, qui ont tous deux été arrêtés. “Ces agents de joueurs auraient développé un système élaboré qui permettait de dissimuler des commissions” versées lors de transferts de joueurs, explique La Dernière Heure. “Ces commissions et rétrocommissions échappaient au regard du fisc ou de toutes les parties du contrat.”Les enquêteurs soupçonnent également une “influence possible sur les matchs de la saison de compétition 2017-2018”.
Des perquisitions ont également eu lieu en France, au Luxembourg, à Chypre, au Monténégro, en Serbie et en Macédoine, poursuit le quotidien sportif. En Serbie, le père, le frère et le neveu de Dejan Vejlkovic ont été interpellés. “Cinq perquisitions ont eu lieu et une somme de 800 000 euros a été saisie ! Tout cela explique les qualifications d’organisation criminelle, de blanchiment et de corruption privée retenues par le parquet.”
L’âme du sport<
Pour Le Soir, cette affaire rappelle que le milieu du football, où “circule beaucoup d’argent, énormément d’argent”, est propice à des malversations. Mais elle met surtout en lumière “la montée en puissance d’une catégorie de personnes qui a vu son rôle grandir en Belgique jusqu’au point d’en devenir interpellant : les agents.”
Aujourd’hui, certains agents – pas tous, mais les principaux – contrôlent des joueurs, mais sont aussi mandatés par un ou des clubs, prennent parfois la place des directeurs sportifs ou des cellules de scouting [détection des jeunes], voire contrôlent carrément des clubs en sous-main. Ce mélange des rôles a créé un terreau ‘idéal’ pour tous les conflits d’intérêts et les tentations les plus malsaines.”
De son côté, De Standaard estime qu’“on pouvait se douter que des pratiques de blanchiment et de rétrocommissions” intervenaient dans le football. “Mais si l’enquête en cours devait démontrer que [les arbitres] Sébastien Delferière et Bart Vertenten se sont laissé acheter, alors les dégâts occasionnés seront bien pires que n’importe quelle fraude fiscale.” Les arbitres sont souvent accusés d’être partiaux ou inattentifs, écrit le quotidien flamand de référence. Mais s’ils s’avèrent corrompus, “on touche à l’âme du sport, à la raison pour laquelle des centaines de milliers de personnes le regardent toutes les semaines. La magie de la victoire et de la défaite.”
Carole Lyon
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.