À sa une, le 25 septembre, le très conservateur journalIl Tempo reprend la formule du ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini : “La fête est finie”. La veille, le conseil des ministres a approuvé le décret sur la sécurité et l’immigration. “Finalement, on met de l’ordre”,estime le journal.
Parmi les mesures : la suppression de la “protection humanitaire”, le type de protection le plus souvent accordé aux demandeurs d’asile, et l’allongement de la période légale de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière de trois à six mois. Un demandeur d’asile condamné en première instance (notamment pour violences sexuelles, trafic de stupéfiants et certains cas de vol aggravé) verra son dossier suspendu et sera obligé de quitter le territoire – un recours sera possible en cas d’acquittement en appel. Est également introduite la déchéance de nationalité pour les faits de terrorisme.
Le texte “introduit un durcissement sans précédent pour les demandeurs d’asile et les aspirants citoyens”, souligne La Repubblica.Et pourtant, le projet initial a déjà été corrigé, notamment pour lui éviter l’inconstitutionnalité. Immigration et sécurité sont traitées dans un même texte, observe pour sa partIl Fatto Quotidiano, “signe tangible” que le gouvernement les considère comme un même sujet.
“Plus qu’une loi, c’est un hashtag”
Pour Matteo Salvini, estime le journal, c’est l’aboutissement de “plusieurs mois de propagande sur les bateaux et les migrants”. Secrétaire de la Ligue (extrême droite) et promoteur d’une ligne très dure en matière d’immigration, le ministre de l’Intérieur est aussi le vrai patron du gouvernement de coalition formé en juin avec le Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste, ni de droite ni de gauche). Et surtout, c’est un très grand adepte de la communication sur les réseaux sociaux.
Avant même la fin du conseil des ministres, observe La Stampa, Salvini annonçait déjà que son décret était “approuvé à l’unanimité”. En conférence de presse, relate Il Fatto Quotidiano, Matteo Salvini, radieux, et le Premier ministre, Giuseppe Conte,affichant pour sa part “un sourire hésitant”, brandissent des feuilles A4 sur lesquelles on lit : “#DecretoSalvini sur la sécurité et l’immigration”. “Plus qu’une loi, c’est un hashtag”, constate le journal.
Le texte doit désormais être examiné par le président de la République, puis être approuvé par le Parlement – où “il pourrait y avoir quelques surprises”, estime La Stampa, car “au sein de l’aile gauche du M5S, on manifeste un mécontentement évident”.
Un texte contre-productif
Si tous s’accordent à reconnaître que le ministre de l’Intérieur a réussi son opération de communication, la plupart des journaux sont loin d’être convaincus par les mesures. Ce décret, qui “entend apporter de la sécurité en restreignant l’asile, passe à côté de la réalité”, estime le journal de droite Il Foglio. “La réalité, c’est que les arrivées massives de migrants ont chuté depuis longtemps, depuis le prédécesseur de Salvini, Marco Minniti”, qui a scellé un accord avec la Libye de Faiez Serraj pour qu’elle bloque les départs.
Les problèmes qui restent sont : intégrer les migrants réguliers, rapatrier les irréguliers et assurer à ceux qui sont en attente l’assistance que leur doit un État de droit. Or sur tous ces points, le #DecretoSalvini ne change rien”.
Ce que le ministre ne dit pas, ajoute La Repubblica dans un autre article, c’est “qu’on ne peut pas renvoyer ceux qui arrivent sur nos côtes sans l’accord des pays d’origine. Il ne peut pas le dire, sinon tous comprendraient que son décret n’aura aucun effet sur les flux migratoires”. Pour le journal de centre gauche, ce texte est même contre-productif : en restreignant l’accès à une protection légale, il ne fera que “multiplier le nombre de clandestins. Car, au terme du délai de rétention, les migrants irréguliers (qui seront encore plus nombreux qu’actuellement) recevront, comme aujourd’hui, une simple feuille, qui ne les conduira pas à un retour volontaire, mais à la clandestinité.”
Courrier International
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