“Si l’opération militaire contre la province d’Idlib n’a toujours pas été lancée, c’est essentiellement parce que Moscou ne souhaitait pas se fâcher avec Ankara au risque de ruiner le format de négociations d’Astana [auquel participent la Russie, l’Iran et la Turquie]”, écrit le quotidien Kommersant.Or le 29 août, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que la Russie et la Turquie s’étaient mises d’accord et que l’attaque sur Idlib était inévitable :
Entre Moscou et Ankara règne une compréhension politique totale : il est indispensable de séparer les opposants armés normaux [soutenus par la Turquie] des bandits du Front Al-Nosra, tout en préparant parallèlement une opération contre ces terroristes et de tout faire par ailleurs afin de minimiser les risques pour la population civile.”
Moscou a freiné l’impatience de Damas
Il y a un mois déjà, rappelle le quotidien russe, Bachar El-Assad avait laissé entendre que la province d’Idlib – dernière “zone de désescalade” du territoire syrien qui échappait encore à son contrôle – était la prochaine cible de l’armée syrienne. Des troupes et des armes avaient commencé à être acheminées dans la région. C’est alors Moscou qui a freiné l’opération.
En effet, la région d’Idlib est particulièrement sensible pour la Turquie, du fait sa position géographique frontalière et surtout des liens d’Ankara avec certains groupes armés qui s’y trouvent. Ankara exigeait donc des garanties de sécurité pour ces derniers et la certitude que l’opération militaire ne provoquerait pas une vague de réfugiés dans sa direction. Un mois de contacts et d’échanges a donc été nécessaire pour trouver des compromis avec la Turquie.
Désormais, a expliqué Lavrov, les commandements militaires russe et turc étudient la façon de “traduire l’accord politique en action sur le terrain”.
Selon une “source militaire” citée par Kommersant, les forces armées russes ont depuis longtemps admis que l’opération à Idlib était “inévitable”. “Des dizaines de milliers de combattants de l’organisation État islamique et du Front Al-Nosra y sont concentrés, explique la source. Ils ne tuent pas les civils mais les maintiennent sous un contrôle strict et les empêchent d’emprunter les corridors humanitaires”. L’armée syrienne table sur une victoire car, selon elle, les combattants ne sont plus en mesure d’opposer une résistance active, poursuit la même source.
Lavrov met en garde l’Occident
En attendant, les pays occidentaux ont exprimé leur inquiétude quant à une possible catastrophe humanitaire consécutive à l’utilisation d’armes chimiques pendant l’attaque d’Idlib, note Kommersant.Le quotidien moscovite ajoute que la Russie, pour sa part, considère que Washington et ses alliés “couvrent les terroristes”, notamment le groupe du Front Al-Nosra. Sergueï Lavrov n’y va pas par quatre chemins :
À propos des spéculations sur la supposée préparation d’attaques chimiques par le gouvernement syrien, j’espère vivement que nos partenaires occidentaux, qui attisent activement ce sujet, ne seront pas complaisants à l’égard des provocations, des mises en scène qui sont clairement en préparation, et qu’ils ne s’opposeront pas à l’opération antiterroriste contre le Front Al-Nosra.”
Le 1er septembre, doivent commencer en mer Méditerranée orientale des manœuvres militaires russes avec la participation de 25 navires et 30 avions, pour une durée d’une semaine. Kommersantestime qu’elles peuvent être considérées comme une réponse aux activités des États-Unis dans la région et la présence d’au moins deux sous-marins capables de frapper la Syrie. Le 30 août, la porte-parole du ministère de la Défense russe a d’ailleurs exprimé l’inquiétude de Moscou concernant la concentration en Méditerranée de forces armées occidentales.
Laurence Habay
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