Voici pour votre information :
– Une présentation “ non officielle ” d’une “ audition ” sur le nucléaire organisée par le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL).
– Une note sur la composition du GUE/NGL (pays et partis).
D’importantes divergences se manifestent au sein du GUE/NGL sur la question du nucléaire civil. En fait, le PCF (qui préside le groupe, avec Francis Wurtz) semble assez isolé sur ses positions “ pro ”. Pour faciliter un échange de vue en ce domaine, le bureau du groupe a décidé d’organiser une “ audition ” à Bruxelles, le 9 février 2000, entre “ experts ”, plutôt qu’un débat direct entre “ politiques ”.
Quatre composantes du GUE/NGL ont ainsi choisi chacune un “ expert ” pour introduire le débat lors de cette “ audition au Parlement européen sur l’énergie nucléaire ” : le PCF, le Parti de gauche suédois, le PDS allemand et la Gauche unie (IU) espagnole. Aucun de ces quatre intervenants n’était à proprement parler un expert en matière nucléaire, tous abordaient cette question sous un angle plus général (les grands choix énergétiques). Il n’y a, par exemple, pas eu de discussion détaillée sur le risque nucléaire, la radioactivité, les déchets, etc.
Les quatre intervenants
J’ai communiqué au secrétariat du réseau Sortir du nucléaire la présentation écrite des quatre intervenants (c’est le seul document imprimé distribué à cette occasion). Je peux l’envoyer à qui la demande. En voici un bref résumé.
– Le PCF n’a pas invité, comme il le fait généralement en France, un cadre d’une institution nucléaire, mais Pierre Boisson, expert au Commissariat général du plan. Ingénieur général des Mines, Boisson n’est pas (plus ?) membres du PCF. Auteur du rapport officiel du gouvernement Jospin sur les “ perspectives énergétiques 2010-2020 ”, sa carrière concerne les choix d’orientation industrielle, les mines et les hydrocarbures plutôt que le nucléaire.
– Le Suédois, le Dr Tomas Kåberger, PhD, est “ senior researcher ” dans la direction de la ressource de l’énergie du département de la Théorie sur les ressources physiques à l’Université de Göteborg et à la Chalmers University of Technology (Göteborg). Il a travaillé pour le gouvernement et des entreprises sur les questions de l’énergie et de l’environnement.
– l’Allemande, la Dr Birgit Radochla, est docteur en philosophie. Elle a contribué à définir la politique énergétique du Comité exécutif du PDS du Land de Brandebourg. Elle a notamment publié sur l’impact de la libéralisation du marché européen de l’électricité et sur les rapports entre politique d’énergie et reconstruction écologique.
– Enfin, Luis Miguel Sanchez Seseña, économiste, est membre du secteur Economie de la Gauche unie d’Espagne (IU). Il a participé à l’élaboration du Plan énergétique alternatif 93-2000 (PEA), de concert notamment avec le mouvement écologiste Aedenat et Greenpeace. Il a travaillé pour des entreprises pétrolières.
Les positions
* Pierre Bosson est le seul à avoir prôné la poursuite à long terme de la production nucléaire civile. Non pas en chantant ses vertus supposées mais de façon, disons, “ indirecte ”. On pourrait résumer ainsi le noyau de l’argumentation :
Aujourd’hui, il y a de l’énergie en abondance et l’on croit pouvoir choisir entre les diverses sources énergétiques. Mais dans une cinquantaine d’années, l’énergie va devenir rare pour diverses raisons : épuisement relatif des stocks d’énergies fossiles, limites du potentiel des énergies renouvelables, croissance démographique (et donc croissance correspondante des besoins), croissance économique du Sud (ce qui va considérablement accroître la demande en énergie). En fait, tant sur le plan démographique que de la croissance économique, c’est le Sud qui est la clef de l’avenir en ce qui concerne l’évolution des besoins énergétiques. N’oublions pas aussi les contraintes physiques (réduction de l’effet de serre).
Conclusion majeure : il faut préserver aujourd’hui toutes les filières énergétiques (fossiles, fissiles, renouvelables) car, demain, elles seront toutes nécessaires pour répondre aux besoins. Si du moins on ne veut pas condamner les populations du Sud au sous-développement.
* Tomas Kåberger a tout d’abord insisté sur le potentiel représenté par les énergies nouvelles, en relevant le rythme de croissance du secteur des éoliennes et du solaire (et la baisse régulière de leurs coûts de production), ou la mise au point de technologies efficaces dans la production de ces énergies, comme dans le transport de l’énergie produite (une question fort importante) Puis il a repris quatre arguments contre le nucléaire : gravité du risque en cas d’accident, dommages humains et environnementaux causés par l’exploitation des mines d’uranium, coûts considérables et risques permanents liés à la gestion des déchets, lien entre l’exportation mondiale de l’énergie nucléaire civile et la tendance à la prolifération du nucléaire militaire au Sud.
On prend aujourd’hui mieux conscience du coût réel de l’énergie nucléaire (compte en particulier tenu du coût provoqué par tout accident nucléaire), ce qui explique le peu d’enthousiasme manifesté en ce domaine par le privé. De plus, on réévalue les possibles effets dangereux des faibles doses de radioactivité. Le tout posant la question de la solidarité intergénérationelle : il est irresponsable (du point de vue santé, sécurité, coût...) de multiplier les centrales et d’accumuler les déchets dont hériteront les générations futures...
* Pour Birgit Radochla, il n’est pas possible d’inscrire l’énergie nucléaire dans une perspective de développement durable. En effet, ce qui est durable avec le nucléaire, ce qui perdure pendant de très longues périodes de temps, ce sont... ses conséquences dangereuses. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas seulement des problèmes économiques posés par le nucléaire, mais qu’il y a aussi une dimension éthique dans le choix des technologiques - et ce tant du point de vue de la situation présente que de l’avenir. Ainsi, il est nécessaire d’intégrer au débat une approche philosophique, qui contribue à rejeter le nucléaire.
La position du PDS a évolué ces dix dernières années, ce qui est aujourd’hui d’autant plus important vu la situation politique en Allemagne : le mouvement antinucléaire allemand, avec de fortes traditions, à du mal à suivre la politique des Verts au gouvernement.
Aujourd’hui, le PDS a une position claire de rejet du nucléaire. Mais il n’a pas encore de positions globales, cohérentes concernant le secteur et la politique énergétiques dans leur ensemble : comment sortir du nucléaire et par quoi le remplacer ? Il existe ici plusieurs hypothèses sur le moyen et le long terme. Il y a par exemple un débat sur les conséquences que peut avoir le choix du rythme de sortie du nucléaire (problèmes de sécurité, réduction des gaz à effet de serre, évolution des réserves pétrolières, etc.). Il faut donc combiner, dans la discussion des choix, les aspects politiques, techniques, etc.
* Luis Miguel Sanchez Seseña a commencé par critiquer la logique même de la contribution initiale de Bosson fondée sur l’extrapolation de tendances passées et la généralisation hypothétique au Sud du modèle de développement qui a marqué le Nord - une généralisation qui conduirait la planète à l’infarctus écologique. Certes, la clef se trouve bien au Sud, mais cela implique des conclusions inverses à celles de Bosson : la nécessité d’un autre modèle de développement, durable, impliquant une autre vision de l’économie et de son rapport à l’énergie : rompre l’équation (déjà dépassée) “ x % de croissance économique = % de croissance de la consommation énergétique ”, distinguer effectivement les notions de croissance et de développement, ne pas identifier croissance de la consommation énergétique et croissance du bien être humain, mettre l’accent sur l’économie d’énergie... Ce qui conduit à la définition d’un plan énergétique alternatif, permettant la croissance d’emplois durables socialement juste et des rapports Nord-Sud plus justes.
En Espagne, le débat au sein d’IU ne porte plus sur le nucléaire “ en principe ”. Il y a maintenant accord sur la nécessité d’en sortir. Le débat porte sur la possibilité, la façon de s’en débarrasser. Ce qui implique d’inverser la logique marchande qui profite de la hausse de la consommation d’électricité (et donc la suscite), alors précisément qu’il faut l’épargner. Ce qui exige une politique publique active et une taxe sur l’énergie frappant les gros consommateurs afin de les pousser à augmenter l’efficacité énergétique.
Le débat est nécessaire au sein du GUE/NGL. On comprend le problème du PCF au sein du groupe : il ne lui est pas facile d’assumer que le groupe s’oppose frontalement au nucléaire ! Mais on ne peut pas ignorer le poids dont pèse l’industrie nucléaire française en Europe. C’est pour cela qu’il est indispensable de dégager des démarches communes...
Le débat
Seuls les députés présents à “ l’audition ” ont pu participer au débat (une douzaine). Tous les partis n’étaient pas représentés et les non députés (assistants ou “ fonctionnaires ” du groupe n’interviennent pas, sauf exception). Bien évidemment, les députés ne “ possèdent ” pas nécessairement le dossier, si bien que la discussion prend facilement l’allure de questions de clarification, où de positionnements assez généraux.
Fatigué, j’ai cessé de prendre des notes, si bien que je ne vais pas essayer de résumer les interventions. Aucun député ne s’est fait directement le défenseur de l’option nucléaire. En dehors du PCF, parmi les composantes du GUE/NGL qui se sont exprimées, le représentant de l’une des organisations grecques a posé des questions “ ouvertes ”, pouvant laisser entendre que le nucléaire resterait nécessaire à l’avenir, mais sans s’engager clairement à ce sujet (à ce que j’ai compris du moins). Par ailleurs, je ne sais pas précisément où en est LO sur cette question (ils me semblent aujourd’hui “ prudents ”) et ils n’étaient pas présents lors de l’audition.
Dans leurs réponses, les intervenants sont (évidemment) restés sur leurs positions.
L’audition s’est terminée sans conclusion spécifique quant à la poursuite du débat.
La GUE/NGL
Le groupe confédéral Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (avec pour sigle anglais NGL = Northen Green Left) a 42 députés, élus dans 10 pays. Il comprend des sensibilités “ régionales ” (Europe du Nord et du Sud) et nationales différentes, les anciens PC ayant évolué de façon variée et certains des partis membres du GUE/NGL n’ayant jamais été staliniens. De plus, un même pays peut être représenté par une ou deux organisations différentes. C’est le cas de la France, de l’Italie et de la Grèce. Ainsi, il s’agit donc bien d’un groupe “ confédéral ”.
Allemagne
– Parti du socialisme démocratique, Partei Des Demokratischen Sozialismus (PDS) : 6 élus.
Danemark
– Parti socialiste populaire, Socialistisk Folkeparti (SF) : 1 élu.
Espagne
– Gauche unie, Izquierda Unida (IU) (Gauche unie) : 4 élus.
Finlande
– Alliance de gauche, Vasemmistoliito (VAS) : 1 élu.
France
– PCF, liste “ Bouge l’Europe ” : 6 députés (dont deux ne sont pas membres du PC).
– LO : 3 députés.
– LCR : 2 députés.
Grèce
– Mouvement démocratique et social (DIKKI) : 2 élus.
– Parti communiste de Grèce, Kommunisto Komma Elladas (KKE) : 3 élus.
– Alliance de gauche et de progrès, Synaspismos (Syn) : 2 élus.
Italie
– Parti de la refondation communiste, Rifondazzione Communista (PRC) : 4 élus.
– Parti des commmistes italiens, Parti dei Comunisti Italiani (PdCI) : 2 élus. (C’est est une scission récente du PRC).
Pays-Bas
– Parti socialiste, Socialist Partij (SP) (d’origine historique maoïste) : 1 élu.
Portugal
– Coalition démocratique unitaire du Parti communiste et des Verts (CDU) = Partido Comunista Português (PCP) : 2 élus.
Suède
– Parti de gauche, Vänster Parteit (VP) : 3 élus.
Par ailleurs, deux partis sans élus au Parlement européen, de pays de la périphérie, sont “ membres associés ” :
* Chypre - Progressive Party of Working People (AKEL).
* Norvège - Socialistisk Venstre Parti (SV)