La Nouvelle-Zélande vient de signer une loi qui accorde aux victimes de violences conjugales un congé rémunéré de dix jours afin de leur permettre de quitter leur partenaire, de trouver un nouveau logement et d’assurer leur protection et celle de leurs enfants.
Les députés ont applaudi et laissé éclater leur joie mercredi soir [le 25 juillet] quand la loi est passée, avec 63 votes contre 57. Cette loi était l’aboutissement d’un long travail de sept années mené par la députée écologiste Jan Logie, qui a travaillé dans un refuge pour femmes battues avant de se lancer dans la politique.
Si certains députés du Parti national [le plus grand parti au Parlement néo-zélandais], dans l’opposition, soutenaient le projet de loi de Logie, l’ensemble du parti a voté contre en dernière lecture. Selon eux, le coût était trop important pour les PME, et les employeurs allaient être tentés de ne pas recruter de femmes soupçonnées d’être dans une situation personnelle compliquée.
Une violence endémique dans les familles
La Nouvelle-Zélande est le pays développé le plus touché par les violences conjugales, avec des signalements auprès de la police toutes les quatre minutes. La violence familiale, selon les estimations, coûterait au pays entre 4,1 et 7 milliards de dollars néo-zélandais par an. Selon Logie, qui était très émue quand sa loi est passée, cette nouvelle législation est la première étape du combat contre la violence endémique et“terrifiante” dans les familles, et d’autres pays devraient suivre l’exemple. Logie a déclaré :
Cette initiative part du principe que toute la société doit s’attaquer à ce problème. Il ne suffit pas de laisser la police se débrouiller, nous avons tous un rôle à jouer pour aider les victimes. Il s’agit également de changer les normes culturelles et d’affirmer haut et fort que l’enjeu est énorme et que ce type de violence n’est pas acceptable.”
La nouvelle loi entrera en application en avril 2019 et stipule que toute personne victime de violences domestiques aura droit à dix jours de congé en plus des vacances et des congés maladies. Les victimes n’auront pas à fournir de preuves de leur situation et pourront bénéficier de conditions de travail plus flexibles afin d’assurer leur sécurité. Elles auront la possibilité de changer de lieu de travail, de modifier leur adresse électronique et toutes leurs coordonnées sur le site Internet de l’entreprise.
Pas une solution miracle, mais une étape importante
“Les violences conjugales ne respectent pas la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée. D’après quantité de recherches sur le sujet, un grand nombre de partenaires violents n’hésitent à venir harceler leur conjoint sur leur lieu de travail, dit Logie. Que ce soit en le suivant, en l’inondant de courriels ou de coups de téléphone, ou encore en proférant des menaces contre lui ou ses collègues. Et souvent c’est une tentative de briser le lien des victimes avec leur travail. Les faire renvoyer ou démissionner afin qu’elles soient plus dépendantes de leur partenaire. C’est très fréquent.” Au Canada, des lois de ce genre existent déjà dans la province du Manitoba et de l’Ontario.
Les associations de protection des femmes et des enfants en Nouvelle-Zélande se sont réjouies de cette nouvelle loi, qui va selon elles permettre aux employeurs de comprendre que c’est le bien-être de leurs salariés qui est en jeu. Pour Ang Jury, directrice du Refuge pour femmes, la loi n’est pas une solution miracle et n’aura pas d’effet préventif, mais c’est “une étape importante qui va dans la bonne direction.” Et de poursuivre : “Nous savons que la situation économique des femmes est un facteur déterminant dans leur décision de quitter un conjoint violent. Si une victime peut conserver son boulot et la confiance de son employeur, tout en gérant sa situation familiale, alors c’est génial.”
Des services sociaux dépassés
“Cela crée un cadre légal solide pour les employeurs, et nous devons marteler que l’entreprise a tout à y gagner. Cette loi va en effet permettre aux employeurs de conserver des salariés précieux et d’améliorer la productivité”, affirme Holly Carrington, porte-parole de Shine, une association qui aide les victimes de violences conjugales
La coalition de centre-gauche du gouvernement a alloué 80 millions de dollars néo-zélandais supplémentaires au financement des associations d’aide aux victimes dans le budget de mai – le premier coup de pouce de ce genre pour des services de terrain depuis dix ans. Mais, selon Carrington, les services sociaux sont débordés et ont besoin de plus de moyens. Il faudrait également mettre en place une commission d’enquête sur les tribunaux des affaires familiales, une demande soutenue cette semaine par la Commission de l’ONU sur les droits des femmes.
“Évidemment nous sommes heureux et ravis de cette loi, mais en l’état actuel des choses, le combat est loin d’être fini, dit Carrington. Notre personnel sur le terrain ne s’en sort plus. Nous traitons tous les jours des dossiers dangereux comportant des risques énormes pour les personnes, et le système actuel n’est pas en mesure d’assurer leur protection. Nous n’avons pas pris le temps de fêter cette nouvelle. Alors que c’est quand même une grande victoire.” En mars, le gouvernement australien a annoncé qu’il allait introduire une loi accordant cinq jours de congé sans solde aux victimes de violences conjugales.
Eleanor Ainge Roy
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