La question mérite qu’on s’y attarde. Le Québec a versé 2,8 milliards de dollars aux prestataires au cours de la dernière année, pour une prestation mensuelle moyenne de 865 $ par ménage en mai 2019. Voici donc sept mythes et vérités sur l’assistance sociale au Québec.
1er MYTHE : ILS SONT TRÈS NOMBREUX
Le nombre de prestataires de l’aide ou de la solidarité sociale n’a jamais été aussi bas au Québec. Nous sommes très loin des sommets des années 80 ou 90. La vigueur économique, les programmes gouvernementaux et l’éducation ont eu un effet marquant.
En 1996, 813 000 personnes vivaient de l’aide sociale, enfants compris. En 2019, c’est moitié moins, à 377 000, selon les chiffres du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
Ces 377 000 prestataires représentent 5,5 % de la population âgée de 0 à 64 ans ; c’était 12,8 % en 1996 [1].
Le plus réconfortant, c’est la baisse du nombre d’enfants vivant grâce à l’assistance sociale. Ils étaient 127 000 en 2005, 93 000 en 2016 et ils sont 76 000 aujourd’hui. Ce recul de 50 000 enfants en quelques années est spectaculaire.
Les milliers qui restent sont encore trop nombreux, mais il appert que les programmes permettant aux parents de rentabiliser leur entrée sur le marché du travail ont porté leurs fruits, notamment pour les mères seules.
Parmi ces programmes, il y a la politique familiale de Pauline Marois de 1997, dont les garderies peu coûteuses, mais aussi la prime au travail du Québec et l’Allocation canadienne pour les travailleurs.
Ces mesures permettent de corriger ce qu’on appelle « la trappe des pauvres ». En résumé, elles compensent les coûts très élevés de la sortie de l’aide sociale, compte tenu des charges sociales à payer par ces nouveaux salariés et de la perte des avantages de l’aide sociale.
2e MYTHE : DES PARESSEUX
Des quelque 300 000 adultes qui reçoivent de l’aide sociale, 60 % sont incapables de travailler (184 000), ayant des contraintes sévères (126 000) ou temporaires (58 000) à l’emploi, selon les données du Ministère.
Les contraintes sévères sont définies comme un handicap physique ou mental permanent, tandis qu’une contrainte temporaire peut être, par exemple, une grossesse de plus de 20 semaines.
Dire que les « BS ne travaillent pas parce qu’ils sont paresseux », comme on l’entend parfois, est donc une généralisation simpliste.
Le Front commun des personnes assistées sociales reconnaît que la conjoncture économique favorise la diminution récente du nombre de prestataires. Cependant, on s’interroge sur la catégorisation des personnes aptes ou non au travail. « Dans quelle mesure les personnes considérées comme aptes au travail le sont-elles vraiment ? », dit le porte-parole Guillaume Grenon.
3e MYTHE : DES « BS DIPLÔMÉS »
Au Québec, la moitié des adultes prestataires de l’assistance sociale n’ont aucun diplôme (150 000). Et de ce groupe, 50 000 sont considérés comme n’ayant aucune contrainte à l’emploi.
À l’autre bout du spectre, seulement 3500 prestataires sans contrainte à l’emploi ont un diplôme universitaire, ce qui représente 1,2 % du total des adultes prestataires de l’assistance sociale.
Affirmer que l’aide sociale finance des intellectuels oisifs est loin de la réalité. La vérité, c’est que le phénomène touche principalement les personnes qui n’ont pas terminé leur secondaire et qui, souvent, sont analphabètes.
4e MYTHE : SURTOUT DES JEUNES
Non, parmi les adultes, ce ne sont pas surtout les jeunes qui vivent de l’assistance sociale. Au contraire, le phénomène frappe très fortement les personnes de 50 ans ou plus (45 % du total), bien davantage qu’il y a 10 ans (ils étaient alors 38 % du total).
Il est tout de même vrai qu’aujourd’hui, le nombre de jeunes prestataires (35 ans et moins) sans contrainte à l’emploi demeure élevé (38 000), mais ils étaient 52 000 il y a 10 ans.
5e MYTHE : LE QUÉBEC EST LE CHAMPION
Pendant longtemps, on a considéré le Québec comme le champion de l’assistance sociale au Canada. Il est difficile de comparer les programmes d’une province à l’autre, mais un survol rapide permet de constater que le Québec ne porte plus ce titre déshonorant.
En mai 2019, l’Ontario comptait 970 000 prestataires de l’un de ses deux programmes d’assistance sociale (soutien au travail ou soutien aux personnes handicapées), qui peuvent s’apparenter à l’assistance sociale au Québec. Toute proportion gardée, ce nombre représente un taux d’assistance sociale de 8,2 % en Ontario, selon mes estimations, bien plus élevé que les 5,5 % du Québec.
1re VÉRITÉ : LA GASPÉSIE AU SOMMET
Certaines vérités sur l’assistance sociale demeurent, néanmoins. Ainsi, la Mauricie, l’île de Montréal et la Gaspésie sont les régions administratives qui comptent la plus grande proportion de prestataires, avec des taux respectifs de 8,4 %, 7,6 % et 7,1 %. Historiquement, ces régions ont eu des taux de chômage plus élevés, faut-il dire.
La région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine conserve le triste record de la plus longue durée cumulative moyenne à l’assistance sociale (233 mois), soit plus de 19 ans ! Au Québec, la moyenne pour les adultes est de 181 mois (15 ans).
Triste constat : les prestataires adultes considérés comme sans contrainte à l’emploi, au nombre de 112 000, touchent des prestations pendant une période cumulative de 119 mois, en moyenne, soit près de 10 ans. Comme leur âge moyen est de 40 ans, c’est donc dire qu’ils ont passé près de la moitié de leur vie d’adulte à recevoir de l’aide sociale.
Une consolation, toutefois : cette durée a diminué fortement depuis 10 ans. Tous types de prestataires confondus (avec et sans contrainte), cette moyenne était de 236 mois il y a 10 ans au Québec, contre 181 mois aujourd’hui, l’équivalent de 4,5 ans de moins. Le Ministère ne publiait pas cette durée pour les prestataires sans contrainte à l’emploi en 2009.
2e VÉRITÉ : LES IMMIGRÉS NOMBREUX
Autre fait incontournable : la proportion élevée d’immigrés ou de réfugiés qui touchent de l’assistance sociale au Québec. En mai 2019, près de 61 000 adultes nés à l’étranger y avaient recours, dont les deux tiers sont au pays depuis cinq ans ou plus. Parmi ces 61 000, près de la moitié ont des contraintes à l’emploi, toutefois.
En termes relatifs, les prestataires nés à l’étranger représentent 20 % de l’ensemble des prestataires, proportion qui baisse à environ 14 % pour ceux qui sont ici depuis cinq ans ou plus. Ces proportions sont plus élevées que la part totale des immigrés dans la population québécoise (environ 13 %). Il y a 10 ans, il y avait quelque 76 000 immigrés qui recevaient de l’assistance sociale, soit 15 000 de plus qu’aujourd’hui.
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Francis Vailles
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