Les Rafale reviennent sous les projecteurs en Inde. Alors que le pays entre bientôt en campagne électorale, le principal représentant de l’opposition, Rahul Gandhi, accuse le gouvernement Modi de cacher à la population le prix véritable que Delhi a accepté de payer en donnant son accord, en septembre 2016, pour l’achat de 36 avions de combat à l’avionneur français Dassault. Mardi 24 juillet, le quotidien The Hindu a annoncé que le Parti du Congrès allait déposer un recours au parlement contre le Premier ministre et sa ministre de la Défense, Nirmala Sitharaman, pour “mensonge” et “abus de pouvoir”.
Le parti présidé par Rahul Gandhi est convaincu qu’il y a eu “escroquerie” et conteste “l’affirmation selon laquelle l’accord intergouvernemental de 2008 entre l’Inde et la France, signé sous la précédente majorité, ne permet pas au gouvernement indien de révéler le montant du marché”, ce que prétend Narendra Modi. Rahul Gandhi avait lancé la polémique vendredi 20 juillet, à l’occasion du débat sur une motion de censure contre le pouvoir actuel.
L’argent du contribuable est en jeu
The Economic Times a fait le calcul : “Le contrat était évalué en 2012 à 189,4 milliards de roupies (2,35 milliards d’euros) et il a finalement été signé pour 601,4 milliards de roupies (7,48 milliards d’euros)”. Le ministère indien de la défense parle même aujourd’hui de “670 milliards de roupies” (8,31 milliards d’euros). Si le Parti du Congrès veut une explication sur ces écarts, c’est parce que l’argent du contribuable est en jeu et parce que Rahul Gandhi jure s’être entendu dire par le président français Emmanuel Macron, lors d’un tête-à-tête à Delhi, en mars, qu’il n’y avait aucun secret défense dans ce dossier.
“Ce sont des allégations infondées”, ne cesse de répéter le parti nationaliste hindou majoritaire (BJP), cité par The Hindustan Times, car la confidentialité ne porte pas sur le prix des Rafale mais sur l’équipement des avions. “La divulgation de certaines informations pourrait avoir un impact sur la sécurité et les capacités opérationnelles des arsenaux indiens et français”, affirme-t-il. Pour l’instant, le gouvernement Modi se contente d’indiquer qu’à l’unité, le prix final des Rafale est en fait “inférieur de 9 %” à celui envisagé au tout début de cette affaire, oubliant de rappeler qu’initialement, l’Inde prévoyait d’acheter non pas 36 Rafale, mais 126.
“Le vrai problème, ce ne sont pas les Rafale”, explique le journal économique Mint dans son éditorial du 24 juillet. Certes, des questions restent sans réponse, comme celle du favoritisme dont le choix du partenaire local de Dassault, Reliance Defence, pourrait avoir été entaché. Mais en réalité, “Rahul Gandhi cherche un tremplin pour accéder au pouvoir en 2019”, à la faveur des élections législatives programmées au printemps.
“Le culte du secret va à l’encontre du débat démocratique”, reconnaît Mint, mais la vraie question est de savoir de combien d’escadrons l’Inde a besoin pour se protéger de ses ennemis. “Rahul Gandhi prend plaisir à mouiller le président d’un pays étranger ami dans son combat politique, il ferait mieux de faire des propositions sérieuses en la matière.”
Guillaume Delacroix
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