L’annonce a fait grand bruit en Autriche. Gottfried Waldhäusl, membre du Conseil régional de Basse-Autriche issu du parti de droite nationaliste FPÖ, veut “limiter la vente de viande casher”, rapporte Der Standard. Le conseiller régional d’extrême droite, en charge de la protection des animaux, a mis cet enjeu en avant pour justifier sa proposition, l’objectif affiché étant de restreindre les abattages rituels jugés cruels.
Ainsi, l’achat de viande casher serait réservé aux personnes de confession juive, qui devraient détenir une autorisation pour pouvoir s’en procurer. Une proposition qui inquiète beaucoup la communauté juive de cet État. Dans un éditorial publié le 17 juillet, la Wiener Zeitung pointe le risque d’une “attaque contre la liberté de culte” :
Comme l’a déclaré Oskar Deutsch, le président de la Communauté juive de Vienne (IKG), lors d’une séance plénière du conseil religieux lundi soir [16 juillet], seuls les juifs et les juives pourraient à l’avenir avoir le droit d’acheter de la viande casher. Ils seraient donc comptabilisés et identifiés [comme Juifs], on saurait qu’ils ne mangent que de la viande casher, et ‘le droit à la liberté de culte ne serait plus qu’individuel’.”
Une mesure qui “ressemble aux lois aryennes”
Pour se défendre, le conseiller régional met en avant le fait qu’il existe “des juifs religieux et non-religieux”, – précision visant à désamorcer les critiques selon lesquelles l’administration pourrait avoir des données sur la religion de ses citoyens. Autre argument avancé : il ne serait pas nécessaire de donner son nom pour acheter de la viande casher, mais simplement de présenter l’autorisation délivrée.
Ces justifications sont loin de répondre à toutes les inquiétudes provoquées par la proposition. “En pratique, cela se traduira aussi par le fait qu’il y aura une liste avec le nom des personnes qui suivent les règles de la communauté juive, souligne la Wiener Zeitung. ‘Ça ressemble tout bonnement à une loi aryenne’, a déclaré Deutsch au cours de la séance. Mais surtout, il estime qu’une telle réglementation serait contraire à la protection des données”.
Pour l’éditorialiste de la Wiener Zeitung, cette proposition est extrêmement alarmante :
Personnellement, ce qui me choque profondément, c’est que nous parlons à nouveau de listes. On établirait à l’avenir des listes de noms des personnes qui auraient le droit d’acheter et de consommer de la viande casher. Par conséquent, on aurait donc également un registre des juifs pratiquants. Ça provoque instinctivement chez moi un sentiment de malaise.”
Pour l’instant, ces nouvelles mesures n’ont pas encore été mises en œuvre. Après de nombreuses lettres de protestation, adressées notamment à la gouverneure du Land de Basse-Autriche, Johanna Mikl-Leitner, le chancelier fédéral autrichien, Sebastian Kurz, a dit vouloir évoquer rapidement le sujet avec la Communauté juive de Vienne.
Cette polémique n’est pas anodine, s’alarme la Wiener Zeitung. “Ces temps-ci, la classe politique invoque souvent la tradition judéo-chrétienne de l’Europe. Il faut toutefois veiller à ce que les juifs puissent vivre selon leurs traditions. […] Qui dit intégration ne dit pas assimilation. Ni pour les Juifs, ni pour les musulmans”. En effet, le rituel d’abattage pour obtenir la viande halal est également dans le viseur de Gottfried Waldhäusl.
Mélanie Chenouard
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