“Nkayi William Sifanelo, qui souffre de silicose, indique son dos en grimaçant : ‘Ça fait mal, même en ce moment’, déclare cet ancien mineur d’or. Il ajoute que la douleur est passée des poumons au torse”, rapporte The Star.
Cet homme de 57 ans fait partie d’un groupe de 45 anciens mineurs qui ont décidé de faire la longue route – près d’un millier de kilomètres – depuis leur province du Cap-Est jusqu’à la capitale économique sud-africaine, Johannesburg, pour venir écouter, vendredi 26 juillet, la décision de la Haute Cour de la province du Gauteng.
Jusqu’à 100 000 mineurs concernés
Celle-ci a accepté de valider un accord entre six compagnies minières et les représentants de milliers de mineurs malades de la silicose et de la tuberculose, qui garantit une indemnisation financière de 5 milliards de rands (315 millions d’euros) aux victimes qui avaient intenté un recours collectif il y a plusieurs années.
“L’accord propose une compensation importante – entre 70 000 et 50 0000 rands [4 400 et 3 200 euros] – à tous les ouvriers éligibles […] qui ont travaillé dans les mines appartenant à ces six compagnies du 12 mars 1965 à ce jour.”
Potentiellement, plus de 100 000 ex-mineurs d’Afrique du Sud mais aussi des pays voisins (Lesotho, Swaziland, Mozambique) sont concernés.
“Beaucoup de gens sont morts pour rien”
La richesse de l’Afrique du Sud a longtemps reposé sur l’exploitation de ses mines d’or, découvertes à la fin du XIXe siècle. À l’époque, elles étaient les plus grandes réserves du monde, mais aussi les mines les plus profondes et dangereuses.
“Quand Sifanelo a compris que sa plainte allait pouvoir aboutir, ce fut un soulagement qu’il attendait depuis longtemps”, relate le journal de Johannesburg. Il a travaillé comme treuilliste dans plusieurs mines, mais avait été renvoyé chez lui en 2015 “sans rien” après avoir été informé qu’il avait la silicose. Provoquée par l’inhalation de poussières de silice, notamment lors du forage de roches, la silicose affecte les poumons de manière irréversible.
“Je suis très heureux. Il y a beaucoup de gens qui sont morts pour rien”,
déclare-t-il simplement.
“Un moment incroyable”
“Ce vendredi est un moment historique”, juge The Star dans son éditorial intitulé “Un jugement à marquer d’une pierre blanche et un avertissement pour les compagnies minières” :
“C’est un moment incroyable qui apportera reconnaissance et aide financière aux malades de cette industrie qui a fait vivre Johannesburg et porté le pays aux premiers rangs de l’industrie minière mondiale.”
Le quotidien souligne que le pays continue de payer un prix fort à cette exploitation minière intensive : “L’Afrique du Sud n’est plus un géant des mines, loin de là, mais nous vivons avec cet héritage bon et mauvais.”
Rongé par les eaux acides
Il rappelle ainsi que “la légendaire ‘Ville d’or’ est littéralement rongée par en dessous par les eaux acides des mines désaffectées”. Les habitants vivant au pied des terrils des mines d’or sont aussi exposés : “Ils courent le risque de voir leurs poumons se pétrifier et de développer des cancers incurables à cause de la poussière.” Et le journal de noter que “de nombreuses compagnies qui ont créé le problème n’existent plus.”
Saluant la décision de la Haute Cour du Gauteng, The Star estime que “c’est un précédent important qui devrait inciter toutes les entreprises engagées dans des activités dangereuses à garantir la santé de leurs employés bien au-delà de la durée de leur contrat de travail”.
The Star - Johannesburg
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