Nargues Hosseini, 31 ans, a été la deuxième femme après Vida Movahed à avoir enlevé son voile en public, alors que la loi en vigueur depuis la révolution islamique de 1979 impose aux femmes de sortir en cachant leurs cheveux et en recouvrant leur corps d’un vêtement ample. Originaire de Kashan (centre), étudiante en sociologie, elle a passé vingt jours dans la prison de Ghartchak, avant d’être libérée sous caution. Elle revient pour Libé sur son activisme au sein d’un mouvement destiné à éveiller les consciences.
« Lorsque j’ai enlevé le voile et que j’étais sur l’armoire électrique (lire ci-contre), j’étais vraiment stressée, j’avais l’impression que d’un moment à l’autre mes jambes allaient me lâcher. Je me concentrais juste pour être sûre de tenir immobile. Pourtant, mon action de désobéissance avait été le fruit d’une décision bien réfléchie ; entre le moment où Vida Movahed a enlevé son voile et moi, il s’est passé vingt jours environ. Quand j’ai découvert sa vidéo, je me suis demandé comment il était possible de faire quelque chose d’aussi effrayant devant autant de monde, tout en étant aussi calme. Cette simplicité et cette sérénité sur le visage de Vida Movahed m’ont énormément attirée. Je me suis renseignée sur ce qu’elle risquait, quelle peine elle encourait (des coups de fouet, jusqu’à deux mois de prison et une légère amende, de 1 à 10 euros), et je me suis dit : n’est-ce pas là le prix que je devrais payer pour ce que je veux, pour la responsabilité sociale qui m’incombe ? Peu importe que ce mouvement change quelque chose ou non, que cela me donne le droit ou non de ne plus porter le voile. Ce n’est pas le mouvement d’émancipation en tant que tel qui est important, mais plutôt moi, en tant que femme et être humain dans la société.
« On a toutes vécu des atteintes à nos droits. Personnellement, pendant treize ans, je me suis battue au sein de ma famille pour ne pas porter le tchador. Mais, à un moment donné, c’est la place de la femme parmi toutes les autres femmes qui compte le plus. Par son action, Vida Movahed affirmait symboliquement : « Je suis là je n’irai nulle part. Je reste immobile jusqu’à ce que j’arrive à faire valoir mon droit à choisir mon vêtement. »
« Je suis ravie et fière d’avoir participé à ce mouvement, je me sens en paix avec ma conscience. Ce qui m’a donné du courage, c’est que je savais que des gens allaient me soutenir. D’ailleurs, lorsque j’ai été libérée, ce soutien m’a paru tel que j’en ai été submergée. C’est aussi grâce à la solidarité des gens que ma caution de 12 000 euros a pu être payée. Je peux donc dire que cette action, les vingt jours de prison, ma condamnation en valaient la peine. Et cela démontre aussi que les Iraniens veulent du changement. D’ailleurs, un des résultats significatifs de ce mouvement, c’est que les gens en discutent toujours entre eux. Le hijab n’est pas censé demeurer ou disparaître par la force, le choix de le porter ou non est un droit naturel et cette question sera réglée par le débat, quand les gens intégreront l’idée qu’une partie de la population s’oppose à ce port de voile obligatoire. Et peut-être qu’à travers ces discussions, certains commenceront à nous donner raison. Je ne veux pas que l’on m’oblige à faire quelque chose que je ne souhaite pas. »
Sara Saidi Correspondance à Téhéran