Tu as quitté la ferme alors que tu n’avais que 18 ans et tu as rejoint l’ETA pour lutter pour la libération nationale et sociale de ce peuple, Euskal Herria.
Nous t’avons appelé Troglo dès le début, un surnom chaleureux que nous t’avons donné durant toute la vie. Tu venais de Galdames, dans la région montagneuse d’Enkarterria, dont les habitants, en raison de leur caractère rural, étaient appelés affectueusement troglodytes. Ainsi, nous t’avons dénommé seulement Troglo, à cause de quelques « troglodades » que tu avais faites, surtout quand tu étais en exil à Paris.
Pendant plusieurs années, avec le reste de l’« équipe », nous avons partagé la clandestinité et l’exil. Avec le retour à la légalité en 1977, nous avons uni nos forces dans LKI-LCR et Zutik ! A la fin des années 90, notre parcours politique s’est un peu séparé : je suis retourné à la Gauche abertzale [basque] et tu es resté indépendant avec d’autres militants et militantes de LKI et du monde chrétien progressiste, en promouvant toujours diverses initiatives sociales et politiques en faveur de notre pays.
Nous devons reconnaître le grand travail que tu as fait dans la promotion d’une Initiative législative populaire en 1997 en faveur de la réduction du temps de travail dans le secteur public à 35 heures hebdomadaires et pour un salaire social décent et de qualité. Cette initiative a permis au gouvernement de Gasteiz [communauté autonome du Pays basque] de mettre en place, en 2000, le revenu de base garanti (Renta de Garantía de Ingresos-RGI), tel que nous le connaissons aujourd’hui. Bien qu’il n’ait pas réussi à mettre fin à la misère de dizaines de milliers de personnes, il a au moins réussi à soulager l’extrême misère dont souffrent plus de 100’000 personnes dans la Communauté Autonome Basque.
Ces dernières années, malgré ta maladie, tu avais continué à encourager de nouvelles initiatives à travers la Fondation Hitz&Hitz [qui a pour finalité « de promouvoir une nouvelle culture citoyenne pour mener à bien un changement des structures économiques et sociales »], dans certains cas en collaboration avec la Gauche abertzale.
Tu as toujours été très radical dans tes initiatives, essayant de les animer face à des situations sociales et politiques bloquées. Parfois, tu y allais un peu fort et tu étais têtu. Mais nous avons toujours appris quelque chose de tes arguments et, à plusieurs reprises, nous avons dû reconnaître la validité de tes propositions.
Au cours des deux dernières années, ta maladie étant déjà avancée, nous te rencontrions tous les dimanches après-midi pour prendre un café ou du chocolat avec des churros. Parfois, Oskar venait avec nous. Tu me posais toujours des questions concernant mon fils, prisonnier à Algésiras. Et nous refaisions la moitié du monde. L’autre moitié, nous la laissions pour le dimanche suivant et ainsi de suite. Mais toujours avec l’illusion d’avancer vers un Euskal Herria plus juste et plus libre et un monde libéré de l’oppression et de l’exploitation.
Tu vas me manquer, tu vas nous manquer.
Baina gurekin izango zara zara beti. Aurrera Troblo !
Jon Fano Letxepan