Quelle banque choisir ? C’est la question que nous avons posé à Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée au sein de l’association Les amis de la terre . Récemment, l’association qui « travaille depuis plus de dix ans sur le sujet » interpellait le public à propos de la complicité des banques françaises dans la violation de droits humains du fait, notamment, de leur soutien financier au projet de pipeline Dakota Access. Dans un communiqué, Les Amis de la terre rappelaient que quatre banques françaises avaient investi des sommes considérables dans ce projet qui fait pourtant l’objet d’une indignation internationale.
Ainsi, « BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Natixis » soutiennent le pipeline tant décrié « pour un apport respectif d’environ 120 millions de dollars ». De manière plus générale, le secteur bancaire français est dominé par des instituts dont l’empreinte carbone est élevée : « Crédit Agricole, BNP Paribas et la Société générale font partie des 15 premiers financeurs du charbon au niveau international. Leur responsabilité dans le réchauffement climatique est très importante » constate Lucie Pinson. Inévitablement, en plaçant notre argent chez eux, nous participons à ces problématiques mondiales. Peut-on vraiment s’en laver les mains ?
Les banques à l’épreuve de leur éthique
Il existe certains éléments déterminants pour juger de l’éthique d’une banque rappelle Lucie Pinson. L’un des problèmes essentiels c’est celui « de leurs activités de financements ». C’est également le domaine dans lequel il est le plus difficile de voir clair. En effet, « l’opacité du secteur » – autre critère d’évaluation – empêche de connaître les activités exactes des banques. Mais Les Amis de la terre ont pu mettre en évidence à plusieurs reprises le « financement par des banques françaises du secteur du charbon ». Par ailleurs, d’autres indices tels que « les pratiques sur les marchés financiers » ou encore « les droits des salariés » servent à juger du bon comportement des acteurs du secteur bancaire. En outre, il faut souligner que la question de l’éthique dépasse la cause environnementale et la question des droits humains. En effet, la crise financière de 2008 a mis en lumière la fragilité des banques lorsqu’elles sont impliquées dans des montages financiers complexes ainsi que le danger que cela pouvait représenter pour l’économie mondiale réelle.
Encore faut-il savoir se méfier. Ainsi, il est courant de voir les banques essayer de se redorer le blason par de grandes campagnes médiatiques. En avril 2016, la Fédération française des banques organisait un colloque sur la responsabilité et l’éthique des banques. Or les acteurs qui s’y rassemblaient avaient été épinglés quelques semaines plus tôt dans l’affaire des Panama papers pour leurs activités offshore. Attac s’était empressé de dénoncer la manœuvre et de la tourner au ridicule. Lucie Pinson rappelle par ailleurs qu’à la veille de la COP21, « les grandes banques avaient multiplié les déclarations dans lesquelles elles affirmaient désinvestir du secteur des fossiles ». Cependant, « en 2016 Le Crédit Agricole et la Société Générale étaient à nouveau impliqués dans des projets de centrales à charbon en Indonésie ». Nous assistons donc à une véritable guerre de communication. Il ne faut pas se décourager pour autant, car il existe des solutions alternatives : « en France, on a les pires banques mais on a aussi des banques 100 % éthiques » souligne Lucie Pinson. Amandine Platet, responsable du service communication de la Nef remarque : « changer de banque, ce n’est pas seulement changer de compte courant ». En effet, « en France, les encours sur les comptes d’épargne sont 10 fois supérieurs aux encours sur les comptes courant, changer d’épargne a donc dix fois plus d’impact » !
À quelles banques s’adresser ?
Une fois les peu glorieuses activités de nos banques constatées, vers qui se tourner ? En France, les classements concernant l’empreinte carbone des banques placent la Nef en tête, suivie du Crédit coopératif et de La Banque postale. De manière plus générale la Nef et le Crédit coopératif sont les deux banques qui se soucient le plus de l’éthique de leurs pratiques. La Nef se distingue cependant. Non seulement, elle « a fait le choix de ne pas soutenir le secteur des énergies fossiles, du nucléaire et des agro-carburants » mais en plus elle propose une « transparence totale vis à vis de ses activités dont elle établit un reporting précis tous les ans » nous indique Lucie Pinson.« Le Crédit coopératif n’est pas aussi exclusif » en ce qui concerne ses activités et sa transparence n’est que limitée mais déjà remarquable.
La Nef, qui n’est pas encore une banque à part entière, a cependant vocation à le devenir et à proposer les mêmes services que les autres acteurs du secteur. Amandine Platet, ajoute qu’il s’agit du « seul établissement bancaire en France à publier la liste intégrale des prêts qu’elle octroie chaque année, et ce depuis sa création ». Elle nous précise que si la Nef exclut le financement de certains secteurs, la banque a surtout établi des critères positifs de financement : ainsi, « la Nef ne finance que des projets à plus-value écologique, sociale et/ou culturelle ». Ces prêts concernent des initiatives relatives à l’agriculture biologique, aux énergies renouvelables et des projets aussi divers que la création d’une librairie ou la mise en place d’un espace de coworking.
En Belgique, le choix est beaucoup plus restreint et il n’existe pas vraiment à ce jour de banque entièrement éthique qui offre un service complet. Cependant, depuis quelques années, il est possible de soutenir de nouveaux acteurs dont l’objectif est à terme de pouvoir proposer une alternative. C’est notamment le cas de NewB, une coopérative chez qui on peut souscrire pour obtenir une carte de paiement voulue écologique et éthique. Sa charte témoigne de sa volonté de s’engager de manière sociale, solidaire et durable et elle espère pouvoir élargir ses services dans le futur. La banque néerlandaise Triodos est également régulièrement citée comme banque éthique, du fait de sa transparence ainsi que de son soutien à des projets durables. Enfin, en Suisse, la Banque Alternative Suisse (BAS) propose également une transparence quant à ses placements et investit exclusivement dans des projets qui ont une dimension sociale et écologique.
Par ailleurs, il faut noter que différents acteurs de la société civile s’engagent pour demander une inflexion dans la politique des banques ainsi qu’une intervention de la part du législateur. Les Amis de la terre ont mis une plateforme en ligne pour que chacun puisse interpeller sa banque et lui demander de cesser le financement d’activités polluantes. L’association 350.org accompagne des citoyens du monde entier et les aide à demander la fin des investissements dans les secteurs polluants de l’économie ainsi que la fermeture des centrales énergétiques qui exploitent des énergies fossiles. Ici comme ailleurs, pas de transition sans impulsion citoyenne !
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