Le choc de la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël ouvre une brèche pour la Chine. Jeudi 21 et vendredi 22 décembre, elle organisait à Pékin un symposium officiellement décrit comme une « plate-forme de communication et d’interaction entre ceux qui, en Palestine et en Israël, appellent à la paix ». Troisième du genre depuis 2006, la rencontre coïncide avec la volonté de la direction palestinienne de rompre avec le médiateur américain traditionnel, Washington ayant perdu toute crédibilité aux yeux de l’Autorité palestinienne.
Deux délégations y participaient, menées d’une part par Ahmed Majdalani, un membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et d’autre part par Yehiel Bar, vice-président de la Knesset et secrétaire général du Parti travailliste israélien. M. Majdalani avait au préalable confirmé que des délégations envoyées en Chine et en Russie porteraient un message de Mahmoud Abbas « en vue de trouver un nouveau sponsor international pour le processus de paix » en remplacement des Etats-Unis.
Soutien historique de la Palestine, malgré parfois un flottement attribué aux transferts de technologie militaire entre Israël et la Chine, Pékin adhère au consensus international sur la solution à deux Etats, avec une Palestine indépendante, dans ses frontières de 1967, et Jérusalem-Est comme capitale. C’est d’ailleurs la première demande du « plan en 4 points » de Xi Jinping, présenté en 2013. Le président chinois avait reçu à Pékin Mahmoud Abbas puis le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. M. Xi a ensuite promu ces propositions lors de sa tournée au Proche-Orient début 2016.
Rehausser son prestige
« La Chine a nommé son premier émissaire pour la paix en 2002, et sa principale mission est de faciliter ces pourparlers », souligne le chercheur chinois Ma Xiaolin, spécialiste du Moyen-Orient. Mais se substituer aux Etats-Unis serait une tout autre histoire.
« Les capacités de la Chine font qu’elle ne peut pas remplacer les Etats-Unis aujourd’hui. Il faut pouvoir réunir des financements et accorder des garanties de sécurité à Israël. La Chine peut certainement être l’un des médiateurs, mais pas le principal », poursuit M. Ma.
Au Proche-Orient, en Afrique ainsi qu’en Afghanistan, Pékin fait mine de se mettre en avant, surtout pour rehausser son prestige. « La Chine prend une posture sur beaucoup de dossiers internationaux, mais elle considère les choses du point de vue de sa propre sécurité et de ses intérêts. Et gérer prudemment les risques pour les intérêts chinois au Moyen-Orient, cela consiste à rester en retrait pour conserver des relations cordiales avec toutes les parties, décrypte Mathieu Duchâtel, directeur adjoint du programme Asie de l’European Council on Foreign Relations. Il est aussi difficile pour la Chine de gagner la confiance d’Israël. »
Grande sympathisante de la cause palestinienne, la Chine fut le premier pays non arabe à reconnaître l’OLP, en 1965. Israël se méfie également de la proximité entre Pékin et Téhéran, notamment dans le domaine militaire.
Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) et Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)