Avec des décennies de travaux académiques derrière elle, Fraser est aujourd’hui l’une des intellectuelles les plus reconnues au sein de la pensée critique. Défenseure de la stratégie initiée par Bernie Sanders, critique vis-à-vis d’Hilary Clinton et fervente opposante à Donald Trump, elle analyse en détails dans cet entretien la situation politique actuelle. Nancy Fraser se positionne en faveur d’un « populisme de gauche » qu’elle oppose au « néolibéralisme progressiste » et au « populisme réactionnaire ».
CTXT : Quel bilan tireriez-vous des cent premiers jours de mandat du Président Trump ? Que nous disent ces premiers mois de son projet, de ses limites et des possibles résistances ?
Nancy Fraser – Je dirais qu’il faut signaler deux aspects. D’un côté, la facilité avec laquelle les courants les plus conventionnels du Parti Républicain ont réussi à se remettre sur pied et à désarmer la dimension populiste de sa campagne. Fondamentalement, Donald Trump est en train de faire marche arrière sur plusieurs sujets, comme le TAFTA, qu’il ne prétend plus désormais abandonner, mais renégocier. Il se laisse entraîner vers un agenda de libre-échange et de faibles taux d’imposition. Il n’y a pas la moindre trace quelque peu sérieuse d’éventuels projets d’infrastructure, projets qu’il avait pourtant intégrés à sa campagne en tant que formule de création d’emplois. Il se consacre à faire ses affreux coups médiatiques (comme le veto sur les musulmans, etc.), tout en sachant pertinemment qu’ils seront révoqués par le pouvoir judiciaire. Il semblerait que ce soit là sa façon d’alimenter une base électorale qui, d’un autre côté, se voit trompée par chacune de ses décisions économiques. En effet, si l’on se rafraichit la mémoire, on se rappelle que Donald Trump l’a emporté sur ses 17 rivaux de la primaire républicaine avec un discours adressé aux travailleurs. L’escroquerie n’est peut-être pas surprenante, mais la rapidité à laquelle elle se dévoile l’est davantage.
D’un autre côté, se pose la question de l’opposition, car lorsque Donald Trump fait tous ces gestes dont nous avons parlé, il produit énormément de peur et de colère à la fois. Je crois que l’on peut dire qu’il existe de fait une opposition mobilisée contre Trump et que le pays est plus politisé qu’il ne l’a été depuis des années. Néanmoins, cette opposition est encore naissante, et je dirais qu’elle est ambiguë. La majeure partie de la résistance à Trump, celle qui est la plus puissante, tente probablement de revenir à Obama ou au clintonisme. Cette opposition a l’intention de rétablir le statu quo.
De mon point de vue, cette perspective est réellement insuffisante et même hautement problématique, puisque le statu quo antérieur est ce qui a produit quelqu’un comme Donald Trump. Il y a donc un cercle vicieux : si nous revenons à cela, nous aurons des Trumps en pire. L’autre possibilité, c’est que l’opposition se déplace dans la direction d’un populisme de gauche, comme celui que Bernie Sanders a adopté pendant sa campagne. Dans ce cas, il ne s’agirait pas de restaurer la normalité antérieure à Trump. Je crois que l’opposition tourne autour de ces deux possibilités et qu’il y a eu une ouverture suffisante pour que les voix d’une alternative de gauche se fassent entendre. Malgré tout, il existe une sorte d’inertie dans nos sociétés qui pousse vers ce que j’appelle le « néolibéralisme progressiste ».
CTXT : Vous avez récemment soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle française, bien que le second tour ait finalement opposé Le Pen et Macron. J’aimerais mettre en relation le cas français avec ce que vous argumentez dans un livre publié récemment, dans lequel vous expliquez que le dilemme entre néolibéralisme progressiste et populisme réactionnaire peut être compris comme un “choix de Hobson”. Pourriez-vous développer un peu plus cette idée ?
Je crois qu’il y a des parallélismes surprenants entre les dernières élections françaises et les présidentielles de 2016 aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, nous avons vécu un apparent effondrement des deux principaux partis, qui s’est traduit par la perte de contrôle du vote des bases par les bureaucraties partisanes. A partir de là, nous avons observé la victoire spectaculaire de Trump, qui sortait presque de nulle part, qui n’avait jamais occupé la moindre fonction élective, sans expérience politique préalable, mais qui a finalement réussi à décimer les candidats choisis arbitrairement par les chefs du parti, qui souhaitaient investir quelqu’un comme Marco Rubio. Trump y est parvenu en articulant un populisme réactionnaire, qui prend la forme d’une combinaison entre le rejet de la financiarisation croissante de l’économie, une défense de l’industrie et de ses travailleurs, une instrumentalisation détestable de la population immigrée, musulmane et latinoaméricaine, ainsi qu’une rhétorique misogyine et raciste.
« Le Pen était notre Trump, Macron notre Clinton et Mélenchon notre Sanders. Dans les deux cas, c’est l’option de gauche qui a été éliminée, en partie car les rangs se sont resserrés derrière le néolibéralisme progressiste. »
Dans le même temps, du côté démocrate, Sanders affrontait Clinton, la candidate choisie par l’appareil du parti. Un appareil dont on a su plus tard qu’il a favorisé Clinton au détriment de Sanders, alors qu’il était supposé rester neutre. Dans ce scénario, Clinton incarnait le néolibéralisme progressiste, Trump le populisme réactionnaire et Sanders ce que j’appellerais pour ma part le populisme progressiste ou le populisme de gauche. Pour Sanders, l’idée était de mélanger une « politique de la reconnaissance », antiraciste, antisexiste et en faveur des immigrés, et une « politique distributive » anti-Wall Street et favorable à la classe laborieuse.
Mutatis mutandis, nous pouvons dire que dans le cas français, Le Pen était notre Trump, Macron notre Clinton, et Mélenchon notre Sanders. Dans les deux cas, c’est l’option de gauche qui a été éliminée, en partie car les rangs se sont resserrés derrière le néolibéralisme progressiste, par peur et par opposition au populisme de droite. En ce sens, les situations en France et aux Etats-Unis étaient assez similaires, et j’ai signé, aux côtés de beaucoup d’autres, une lettre exhortant les électeurs français à ne pas reproduire les mêmes erreurs qui ont été commises ici. Je crois que nous devons briser le cercle. Avec cette idée de « Choix de Hobson », je voulais exprimer le fait que le néolibéralisme progressiste tout comme le populisme réactionnaire sont de terribles options, qui par ailleurs se renforcent mutuellement de façon symbiotique. Si elles sont d’un côté des options différentes et opposées, de l’autre, chacune crée les conditions pour que l’autre se renforce. C’est pourquoi il faut une troisième option pour briser ce schéma. Je crois qu’au moins aux Etats-Unis, tout n’est pas perdu, Sanders reste l’un des politiques les plus populaires et les mieux appréciés, il ne semble pas vouloir disparaitre, et j’espère que les forces qu’il a été capable de mobiliser ne disparaitront pas non plus.
CTXT : Dans un article publié en debut d’année dans la revue Dissent, vous avez défendu, tout comme vous le faites aujourd’hui, la nécessité d’un populisme progressiste. Pourquoi croyez-vous que le populisme est la réponse adéquate et quels seraient pour vous les bénéfices et les limites du populisme en tant que logique politique ?
Pour moi, « populisme » n’est pas un terme négatif. Jan-Werner Müller publiait l’année passée un livre expliquant que le populisme est intrinséquement antidémocratique, excluant, persécuteur, etc. Je ne suis pas d’accord et je crois que c’est une mauvaise définition. Je me sens beaucoup plus proche de quelqu’un comme Ernesto Laclau, qui voyait le populisme comme une logique qui pouvait être articulée de plusieurs façons différentes. Il est vrai qu’il existe des populismes réactionnaires, mais ce n’est pas toujours le cas, pas nécessairement. D’autre part, pour moi, le populisme n’est pas le dernier mot, ce n’est pas une sorte d’idéal à atteindre, mais davantage une phase politique de transition, presque comme ce que les trotskistes appelaient le « programme de transition ». Ce à quoi je veux aboutir, c’est à l’émergence d’un socialisme démocratique.
Cela étant dit, le langage qui a surgi du mouvement Occupy, que le féminisme tente désormais d’adapter, est celui des 99% contre les 1%. Il s’agit là clairement d’une rhétorique populiste, c’est un langage différent de celui que nous utilisons quand nous parlons de capitalisme global, de classe ouvrière, bien que ces termes soient possiblement plus précis lorsque nous décrivons comment fonctionne notre société. Je crois qu’il y a une possibilité de gagner et de convaincre davantage de gens aujourd’hui en employant une rhétorique populiste, mais bien sûr, ce doit être un populisme de gauche.
« L’expression « les 99% » suggère que les travailleurs blancs victimes de la désindustrialisation et les afro-américains incarcérés et expropriés font potentiellement partie d’une même alliance. »
Il y a un point sur lequel Sanders et Trump se sont un peu chevauchés, c’est le débat autour de ce que Sanders a appelé l’« économie truquée » [« rigged economy »], un terme que Trump s’est approprié, car évidemment cette formule se comprend immédiatement. Si tu commences à parler des dynamiques d’exploitation et d’expropriation du capital, le débat devient plus compliqué. C’est donc pour moi un grand début pour commencer à changer la culture politique, pour faire en sorte que les gens réfléchissent de manière plus structurelle à ce qui ne fonctionne pas dans notre société. Les 99%, c’est évocateur, et la fonction principale de cette expression est de suggérer que les travailleurs blancs victimes de la désindustrialisation et les afro-américains incarcérés et expropriés font potentiellement partie d’une même alliance. Et d’indiquer qu’il y a un groupe oligarchique, appelons-le capital financier global ou quoi que ce soit, qui constitue l’ennemi commun. C’est une immense réorganisation de l’univers politique, une autre manière d’articuler un « nous » contre un « eux ». Le néolibéralisme progressiste articule de manière superficielle les immigrés, les personnes de couleur, les musulmans, les LGBTQI en un « nous » et fait de l’homme blanc le « eux ». C’est une façon horrible de nous diviser, qui ne bénéficie qu’au capital. Pour moi, le populisme est une manière de changer les règles du jeu. Ce qui le rend progressiste, c’est son caractère inclusif : les 99%, c’est un nombre très inclusif. Pour le moment, c’est un excellent discours pour mobiliser et pour organiser.
Bernie Sanders.
CTXT : Dans la construction de cette force populiste et progressiste contre-hégémonique, il semble y avoir une tension entre l’échelle nationale et l’échelle transnationale. Normalement, le néolibéralisme progressiste se vend comme ouvert à la diversité, cosmopolite, en opposition aux valeurs défendues par un populisme de type réactionnaire. Comment un populisme de gauche devrait se positionner dans ce débat ? Comment habiter la tension entre sa dimension nationale-populaire et l’échelle transnationale ?
Je crois qu’il s’agit d’une question très compliquée et je ne suis pas sûre d’avoir une réponse totalement travaillée, mais c’est bien l’une des principales questions à traiter. Je crois qu’au fond, nous avons besoin de plus d’internationalisme à gauche, nous devons revenir à cette vieille idée d’un internationalisme ouvrier jusqu’à obtenir des standards de protection sociale et de protection de l’environnement qui soient transnationaux. Il ne sera possible de résoudre ces problèmes d’aucune autre manière. Je dirais que toute forme de populisme progressiste doit être internationaliste et travailler, en ce sens, à la construction de coalitions et de forces transnationales, en plus de travailler à la protection des droits sur les territoires tels qu’ils existent actuellement.
CTXT : Vous avez également expliqué croire que nous sommes dans un moment d’interrègne, une situation politique instable mais ouverte au changement. En partant des déclarations de Jean-Claude Juncker, qui affirmait que « nous savons ce qu’il faut faire, mais nous ne savons pas comment faire pour être réélus après l’avoir fait », diriez-vous qu’il existe au sein des élites une absence de récit solide qui, d’une certaine manière, les cantonnerait à une position plus défensive qu’offensive ?
Oui, je suis d’accord avec ce diagnostic. Non seulement le récit de Reagan et de Thatcher a disparu, mais également sa continuité : ceux de Blair et de Clinton. Il y a eu pendant un temps une tentative de « nouveau travaillisme », de troisième voie, dans laquelle Barack Obama s’inscrivait lui aussi. Bill Clinton fut le principal fondateur et l’architecte du « Democratic Leadership Council » qui s’est chargé d’emmener le Parti Démocrate dans une direction différente de son orientation traditionnelle liée au New Deal. Ils avaient un récit, mais surtout une stratégie : selon eux, la démographie du pays avait à tel point changé qu’il n’était plus nécessaire d’obtenir le soutien de la classe ouvrière blanche, qu’ils pouvaient gagner les élections en s’adressant aux classes supérieures, aux classes moyennes périurbaines, aux secteurs des technologies et du divertissement, aux minorités et aux femmes. Leur récit, c’était le néolibéralisme progressiste.
« L’opposition à Trump est ambigüe : une partie de celle-ci pourrait se laisser convaincre de nouveau par le néolibéralisme progressiste, si un récit de gauche large et convaincant ne se matérialise pas. »
En 2016, c’est un délitement de ce récit qui s’est produit. Aujourd’hui, il n’y a ni le bloc Reagan-Thatcher ni le bloc Clinton-Obama pour le soutenir. Je ne dirais pas pour autant qu’ils soient incapables de proposer quelque chose de neuf, ce sont des gens très créatifs, et je suis sûre qu’ils tentent de prévoir dans leur thinks tanks le prochain mouvement, mais jusqu’ici ce n’est absolument pas clair. Mon intuition, c’est qu’ils essaient de ressusciter le néolibéralisme progressiste à travers de nouvelles figures, plus sexys. A cet égard, la candidature de Hillary Clinton n’a pas fonctionné, c’est pourquoi ils trouveront quelqu’un plus à même de mener cette tâche à bien. Comme je l’ai dit précédemment, l’opposition à Trump est ambiguë, et une partie de celle-ci pourrait probablement se laisser convaincre de nouveau par le néolibéralisme progressiste, si un récit de gauche large et convaincant ne se matérialise pas.
Mais il y a définitivement une crise de légitimité et d’hégémonie, et ils cherchent en ce moment une manière de se reconstituer. C’est un moment d’ouverture, pour les Le Pen et les Trump, mais aussi pour les Sanders et les Mélenchon. Le second élément qui fait de la période actuelle un interrègne est le constat de l’incapacité de Trump à se stabiliser comme alternative. Tandis que Trump ne peut ou ne veut pas offrir aux travailleurs ce qu’il leur a promis, la question qui se pose est de savoir combien de temps encore ces derniers seront satisfaits avec ses coups médiatiques. Ils ne se contenteront probablement pas d’attendre pour toujours, ils vont vouloir quelque chose de plus, et ils ne se tourneront pas vers une autre forme de néolibéralisme progressiste.
CTXT : Si l’on considère que le populisme est une logique politique qui peut nous conduire dans la direction de l’émancipation, diriez-vous qu’il doit établir un dialogue théorique et politique avec le féminisme ? Comment les mouvements féministes devraient-ils participer à la construction de cette logique populiste ? Votre position en faveur d’un « féminisme des 99% » va-t-elle en ce sens ?
Oui, c’est justement l’idée. Je crois qu’aujourd’hui, tout mouvement d’émancipation, et pas seulement le féminisme, doit acquérir une dimension populiste. La majorité des mouvements sociaux ont été cooptés par le néolibéralisme. Le féminisme dominant aux Etats-Unis et à bien d’autres endroits se résume à l’idée de « rompre le plafond de verre », c’est ce qu’on appelle le « lean in feminism » [en rapport avec le best-seller publié en 2013 par la directrice des opérations de Facebook, Sheryl Sandberg, intitulé Lean in : Women, Work and the Will to Lead]
Ce féminisme est en fait le féminisme des 1%. De même que Sanders s’est adressé aux victimes de la rigged economy, de même qu’Occupy parlait au nom des 99%, le féminisme et l’ensemble des mouvements sociaux ont aujourd’hui l’opportunité de dire « il est temps de rompre avec les 1%, nous ne voulons pas de ce féminisme, nous souhaitons un féminisme pour les femmes immigrées, pour les travailleuses domestiques, pour toutes celles qui prennent en charge les tâches ménagères, pour les femmes qui occupent des emplois précaires, pour toutes celles qui cherchent le moyen de prendre soin de leurs enfants, de leurs familles et de leurs communautés et qui se voient dans le même temps forcées de travailler de plus en plus d’heures pour moins d’argent ».
« Je considère le féminisme des 99% comme un féminisme qui s’éloigne du néolibéralisme et prenne part à un mouvement populiste de gauche plus large. »
J’envisage la lutte pour la santé publique universelle, qui recouvre notamment les congés maternité et le droit à l’avortement libre, comme partie intégrante du féminisme des 99%. Je considère le féminisme des 99% comme un féminisme qui s’éloigne du néolibéralisme et qui prenne part à un mouvement populiste de gauche plus large. Je crois que tout mouvement social, depuis le mouvement LGBTQI jusqu’au mouvement écologiste, doit re-penser en termes de 99% et abandonner les versions cooptées comme le « capitalisme vert » ou la défense du mariage homosexuel déconnectée des droits sociaux. Tout mouvement est potentiellement un allié dans la construction d’un bloc contre-hégémonique, mais à condition qu’il abandonne la rhétorique néolibérale et avance dans cette direction. Et bien évidemment, les mouvements pour les droits des travailleurs doivent participer, les syndicats ne sont pas très puissants aux Etats-Unis mais d’autres luttes comme Fight for $15 [mobilisations revendiquant l’augmentation du salaire minimum à 15$ l’heure] le sont.
CTXT : Vous avez publié l’an dernier un article dans la New Left Review intitulé “Les contradictions du capital et le care”, dans lequel vous défendiez l’idée que nous traversons une nouvelle mutation de la société capitaliste, et qu’il y aurait une possibilité de réinventer la division reproduction-production et le modèle de la « famille à deux revenus ». Pourriez-vous faire quelques conjectures à propos des demandes concrètes que devrait porter le mouvement féministe quant à la question du care et de la reproduction sociale ?
Oui, je pense que c’est l’une des principales tâches du féminisme des 99%. Je suis convaincue qu’un féminisme qui focalise son attention sur la production, sur l’impératif de faire entrer plus de femmes sur le marché du travail, et qui néglige ce qui se passe dans la sphère de la reproduction sociale [l’ensemble des activités nécessaires à l’équilibre des sociétés : élever les enfants, prendre soin des personnages âgées, nouer du lien social], s’engage sur le mauvais chemin. Les deux sphères sont séparées et pourtant elles sont aussi entrelacées, ce qui fait partie de la difficulté. Nous avons besoin de repenser cette relation.
Un bon point de départ consisterait à ne pas les mettre en absolue contradiction comme c’est le cas aujourd’hui, ce qui nous conduit à des phénomènes tels que la congélation des ovules ou les pompes mécaniques de haute technologie pour extraire le lait maternel. On place les femmes dans des situations qui ne leur permettent pas d’articuler une carrière professionnelle avec la possibilité d’avoir des enfants avant 45 ans. Cela impliquerait aussi des mesures comme la réduction des horaires de travail, des salaires décents et suffisants pour ne pas avoir à cumuler plusieurs emplois, des salaires qui permettent de subvenir aux besoins d’un foyer et non seulement d’une personne, puisque tous les foyers n’ont pas ou ne veulent pas avoir deux sources de revenus. L’idée serait de formuler des politiques de l’emploi et des politiques sociales qui prennent en compte le fait que nous avons tous à la fois vocation à apporter des revenus et à prendre soin de nos proches. Si l’on décide d’en faire un idéal de citoyenneté, alors nous aurons un ensemble de politiques complètement différentes.
Par Tatiana Llaguno