Jerónimo de Sousa, secrétaire général du PCP (Parti communiste portugais), avait raison quand, le dimanche matin 1er octobre, jour des élections municipales, il a mis en garde contre une lecture nationale de ce genre de résultats électoraux. Si toutes les élections traduisent la température socio-politique et les rapports des forces, chacune le fait en conformité avec ses particularités : à l’échelle des municipalités se mesurent les forces et les pouvoirs locaux qui concernent le plus directement les citoyens et citoyennes, les partis ancrés localement et l’avenir plus immédiat. Huit remarques à propos de ce que reflètent ces résultats.
• Tout d’abord, l’abstention s’est réduite de 4%, ce qui un bon signal, mais reste toujours trop élevée et souvent avec des justifications inopportunes. Certes les listes électorales n’étaient pas mises à jour, comme elles le devraient (10% d’abstention « technique » sont justifiés principalement par l’émigration), ce qui a élevé le taux d’abstention. En outre, le système politique n’a pas été en mesure de créer la confiance et la mobilisation qu’une démocratie exige.
• En second lieu, il faut noter la défaite de certains candidats populistes (Valentim Loureiro – militaire et entrepreneur – à Braga, Narciso Miranda à Matosinhos – région du Grand Porto), mais aussi la victoire de Morais Isaltino à Oeiras (Isaltino est un ancien ministre du PSD-Parti social-démocrate, droite, et a été reconnu coupable et fut condamné à la réclusion pour fraude fiscale) qui a à nouveau réussi à se présenter comme candidat dans l’une des grandes municipalités du district de Lisbonne. Tout cela était prévu. L’expérience du candidat raciste du PSD à Loures, dans la périphérie de Lisbonne, Andre Ventura [dans la presse, entre autres dans Diario de Noticias, ses déclarations contre la communauté tsigane ont été plus d’une fois relevées], se termine par un fiasco. Mais, dans le futur, nous aurons plus de tentatives de ce type dans la mesure où la droite se radicalise dans un climat d’exaspération.
• Troisièmement, le PSD coule [il a perdu 8 municipalités par rapport à 2013] et le PS gagne [il obtient 10 mairies de plus qu’en 2013]. A Lisbonne et à Porto, le PSD recule d’environ 10%, tandis que le PS renforce sa majorité municipale. Pour Passos Coelho (ancien premier ministre et qui, après avoir été battu en 2015, est resté à la tête du PSD), le résultat obtenu a motivé sa démission, donnée le 3 octobre. Dès lors s’est enclenché un processus de lutte interne pour le leadership au sein du plus grand parti de la droite au Portugal.
• Quatrièmement, Rui Moreira, candidat indépendant, conservateur, a gagné à Porto, la deuxième ville en termes de poids politique, distançant le PS. Il a toutefois passé un accord avec ce parti pour la gestion municipale.
• Cinquièmement, le CDS (Parti populaire, sigle officiel CDS-PP), le deuxième parti de droite, a devancé le PSD à Lisbonne et c’est ce qui importait pour son président, Assunção Cristas. Ainsi, il s’aide lui-même et aide le centre et la gauche. En effet, il a brûlé le bateau de la Coalition des droites dans la capitale, en vue des élections législatives de 2019. Toutefois, au niveau national, le CDS se situe derrière le Bloc de gauche.
• Sixièmement, le PCP maintient sa présence municipale avec la majorité dans les régions importantes. Cela était important afin qu’il confirme son orientation [appui au gouvernement du PS, de l’extérieur] et pour son travail d’implantation. Mais il a perdu 10 de ses 34 présidents de municipalité, y compris les villes aussi importantes que Beja, Barreiro et Almada (qu’il gouvernait depuis 1976), et y compris dans la ceinture populaire de Lisbonne et dans l’Alentejo. Il perd 9 municipalités en faveur du PS et une pour un mouvement créé par un de ses dissidents.
Bien que la PCP ait réagi à ces résultats de manière étonnante, exagérant sa propre défaite et rendant le PS et le Bloc responsables de cette évolution, ce qui peut constituer le signal d’un risque accru de sectarisme.
• Septièmement, le Bloc se développe dans l’ensemble du pays. Il réunit 50’000 suffrages, mais il reste encore un parti très minoritaire sur le plan municipal. Il a obtenu des gains là où il était important de le concrétiser en élisant des conseillers municipaux : à Lisbonne et dans d’autres villes (Amadora, Vila Franca de Xira, Portimão, Junction Road, Salvaterra, Torres Novas, Abrantes, Seixal, Moita, Almada) et dans quelques cas sa présence sera cruciale dans la détermination de choix locaux. Le Bloc intègre également deux majorités municipales grâce à une coalition gagnante à Funchal [chef-lieu de l’île de Madère] et en participant au mouvement qui a remporté la municipalité de Peniche, dans la province de l’Estremadura.
Il faut noter qu’à Lisbonne il a présenté un candidat peu connu, mais qui a démontré une détermination et une capacité de mobilisation politique [1]. Le Bloc a été la force de gauche qui a obtenu le plus de gains dans la capitale. S’il y a une leçon à tirer pour le parti, c’est la suivante : il est renforcé en s’élargissant et en se renouvelant.
• Huitièmement, la vie change maintenant dans de nombreuses municipalités. Le socialiste Fernando Medina, président de la Chambre municipale de Lisbonne, a perdu la majorité absolue et doit faire face à la gauche. Et la négociation va être difficile. Le PCP devrait faire des alliances à gauche dans plusieurs municipalités. Et le Bloc doit organiser un travail systématique au niveau local, car à partir de maintenant, il va participer à la bataille pour des majorités municipales.
Si, dans l’ensemble, la convergence majoritaire PS-Bloc de gauche-PCP sort renforcée face à la défaite de la droite. Il est aussi certain que les tâches du Bloc seront importantes, ce qui exigera de nombreuses négociations ; ce qui créera des tensions. C’est la vie, comme l’a dit un ancien premier ministre, et c’est toujours bon.
Francisco Louça