Quelle est votre analyse de la situation régionale ?
Il n’y a pas vraiment de solutions à moyen terme. Bush et Sharon ont tout fait pour couler le « processus de paix » entre Palestiniens et Israéliens. Par ailleurs, depuis 1967, ces derniers occupent les fermes de Chebaa (Liban) et le Golan (Syrie). Pour couronner le tout, l’occupation de l’Irak par les forces impérialistes a parachevé la déstabilisation de la région. Le Liban, une fois de plus, est au cœur de ces enjeux. 400 à 500 mille Palestiniens vivent sur le territoire libanais et n’ont toujours pas de droit au retour, sans pour autant avoir les mêmes droits que les Libanais. Enfin il ne faut pas oublier les détenus libanais qui se trouvent encore dans les geôles israéliennes. L’agression israélienne de cet été n’est pas une réaction spontanée à la capture de deux soldats. Elle a été longuement étudiée. Les destructions systématiques des axes de communication, des habitations du Sud Liban et de la banlieue sud de Beyrouth confirment cette analyse. Quant aux USA, ils ont couvert politiquement cette agression en espérant que le Hezbollah serait démantelé. En couvrant cette agression, ils ont cherché à gagner une bataille dans cette région qui leur échappe peu à peu.
Eliminer le Hezbollah, promouvoir la « révolution des Cèdres » de ses alliés libanais et envisager l’installation d’une base militaire au Liban, comme il en existe en Irak, en Turquie et en Jordanie, voilà les trois objectifs que les Etats-Unis cherchaient à atteindre par l’attaque israélienne de cet été. Le PCL a rapidement appelé à la résistance. Il faut rappeler que, dès le 13 septembre 1982, le PCL avait été le premier à se lancer dans la résistance contre l’invasion israélienne. Nous avons soutenu l’action du Hezbollah cet été : la capture de deux soldats pour obtenir la libération des Libanais toujours détenus en Israël. Rappelons que de nombreux politiciens libanais ainsi que des gouvernements arabes n’ont pas soutenu cette action et se sont désolidarisés du Hezbollah.
Quel est votre position par rapport aux enjeux nationaux ?
Depuis l’indépendance, le 22 novembre 1943, et jusqu’en 1975, le PCL s’est engagé pour l’établissement d’un régime démocratique. Parallèlement, plusieurs syndicats ont vu le jour dans des secteurs tels que l’agriculture, l’industrie ou l’enseignement. Dès 1975, nous nous sommes malheureusement retrouvé dans un régime confessionnel. A cette époque, nous avions proposé un rassemblement de la gauche pour une perspective démocratique. Mais le Liban était déjà imprégné par le confessionnalisme, alimenté aussi par des influences extérieures. Lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, les Syriens ont rejoint la coalition dominée par les USA, qui leur ont « offert » le Liban en échange. Le PCL s’est toujours opposé aux influences extérieures. Aujourd’hui, certains soutiennent les Américains, les autres les Syriens ; notre position est claire : « ni les uns, ni les autres ».
Alors pourquoi un rapprochement avec le Hezbollah aujourd’hui ?
Il y a trois aspects qui y contribuent : premièrement, ils ont une vision nationale et patriotique avec l’idée que la résistance est un droit légitime. Deuxièmement, ils luttent comme nous contre l’axe américain et la recomposition du Proche et Moyen-Orient. Enfin, le Hezbollah est le premier parti islamique réellement pragmatique qui a largement fait évoluer son discours ces dernières années ; ils partagent également plusieurs de nos idées sociales. Bien sûr, nous avons des désaccords : le Hezbollah reste encore un parti confessionnel. Mais il faut remarquer qu’il y a sept ans déjà, il a publiquement annoncé qu’une République islamique n’était pas envisageable au Liban. Il s’intéresse aux idées de la gauche libanaise, régionale et européenne. C est un parti islamique qui s’ouvre vers l’extérieur, avouez que ce n’est pas anodin. Cette conférence sur la résistance est la première activité commune de ce type que nous organisions. Nous n’imaginons pas changer le Hezbollah ; ce que nous désirons c’est travailler avec les courants progressistes en son sein, qui partagent une bonne part de nos idées.
Quel est le projet du PCL sur le plan national ?
Nous souhaitons la mise en place d’une nouvelle loi électorale qui ne soit pas basée sur des critères confessionnels, mais sur une élection à la proportionnelle. Nous voulons un véritable gouvernement d’union nationale et non celui qui existe aujourd’hui. Il faut donc de nouvelles élections parlementaires puis une élection présidentielle afin de sortir le Liban de la crise. Nous sommes soutenus dans ce projet par le Hezbollah et le « courant » du général Aoun, maronite natiionaliste. Parallèlement, nous tentons de mettre sur pied une coalition des forces démocratiques de gauche qui partagent nos visions.
Pensez vous que la résolution 1701 soit positive ?
Cette résolution est mauvaise pour le Liban, mais dans le contexte actuel nous ne pouvions pas espérer beaucoup mieux. Nous considérons néanmoins que la résolution 1701 est une défaite politique de notre gouvernement, qui n’a pas su capitaliser la victoire de la résistance. Les Israéliens et les Américains ont obtenu avec cette résolution ce qu’ils n’ont pas gagné pendant la guerre. Elle internationalise les affaires libanaises, provoquant ainsi une perte de souveraineté supplémentaire et une forme de nouveau mandat. Quant à la FINUL II, nous estimons que c’est une tentative américaine de transformer les Européens en otages au Proche Orient. Le grand danger de cette résolution est son ambiguïté. La FINUL II devrait rester neutre et observer les deux parties tout en reconnaissant le droit incontestable à la résistance dans les territoires occupés. Accepteront-ils de s’en tenir à un tel rôle ? Cela dépend bien sûr des rapports de forces sur le terrain, dans la région et à l’échelle internationale.